Chapitre 3

47 8 0
                                    


Chapitre 3:

     L'aide-soignante me conduit à la chambre du dénommé "Nestor". Décidément, ce prénom me fait penser à un canidé. Sincèrement, je m'attends à trouver derrière cette porte un vieil homme à l'aspect de raisin sec. Avec un peu de chance, je ne comprendrais même pas ce qu'il me dit...

     "_ Avant d'entrer, il faut que je te prévienne de quelque chose, m'indique l'aide-soignante aux cheveux bruns. Monsieur Nestor est malade, il a une fragilité au cœur..."

     Je crois que j'ai tiré le gros lot ! Un raisin sec avec un nom de chien qui a un cœur en porcelaine ! Je crois que j'aurais tout vu !

     "_ Surtout, si tu vois qu'il s'étouffe ou qu'il devient bleu, préviens immédiatement une infirmière."

     Je dévisage l'aide-soignante alors qu'elle frappe avant d'entrer dans la chambre. Elle me pousse à l'intérieur tandis que j'essaye, en vain, de m'échapper freinant avec mes pieds et fermant les yeux pour me concentrer.

     "_ Bonjour Monsieur Nestor! Avez-vous bien mangé aujourd'hui? demande-t-elle gaiement alors que je lutte de toutes mes forces.

     _ Très bien Mathilde! s'exclame-t-il d'une voix étonnement vive pour un vieux. C'est le gamin pour le témoignage de la Seconde Guerre mondiale?"

     Je tourne alors la tête vers lui et le vois. Le raisin sec est habillé d'une chemise hawaïenne bleue et orange. Ses yeux sont verts et pétillent de malice. Malgré son crâne dégarni, les survivants - les cheveux qu'ils restent - sont blancs. Pour son âge, il se tient incroyablement droit ! Moi qui croyait trouver un homme avec un dos parallèle au sol...

     "_ C'est exacte, monsieur Nestor. Je vous laisse tous les deux pour faire plus ample connaissance. Je reviens dans environs une heure pour votre bain, monsieur Nestor!"

     Je pique un fard.

     Un bain? Si on met un raisin sec dans l'eau, il gonfle et redevient lisse ou devient encore plus fripé? Dans les deux cas, je ne veux pas voir ça...

     La dénommé Mathilde s'en va, ma laissant seul avec le fruit desséché. Il me regarde d'un œil brillant tandis qu'il se frotte les mains. Face à lui, j'ai l'impression d'être une gazelle qui se bat - ou, qui plutôt, va se faire dévorer - par un lion.

     Nestor s'assoit sur une chaise et m'invite à faire de même. Serait-ce un piège pour m'amadouer ? Je ne pense pas et pose mes fesses sur un fauteuil se trouvant face à lui.

     "_T'es pas bien causant le gamin!"

    Le gamin ? Il est sérieux ? Quoique je l'appelle le vieux... Mais moi, j'ai la décence de le faire dans mes pensées !

     "_ Au lieu de me regarder avec des yeux en soucoupes, t'as pas plutôt des questions à me poser ?

     _ Si, si, réponds-je en sortant mes notes."

     Je les lui tends et Nestor les attrape avant de les déchirer. Je le regarde, ahuri, puis il me dit, en plantant ses yeux verts dans les miens:

     "_ Maintenant, les choses sérieuses peuvent commencer".

     Je déglutis difficilement.

     Dans quoi me suis-je encore embarqué?

A l'amour comme à la guerre!Où les histoires vivent. Découvrez maintenant