cœurs sanglants | yoonmin

𝖈𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 𝖘𝖊𝖕𝖙

— Y... Yoongi ?

Sa voix est basse, cassée à cause du froid et de la pluie. Il est toujours recroquevillé sur le sol, et ses yeux se sont illuminés à peine a-t-il entendu le timbre de la voix de Yoongi. Ce dernier se tient devant lui, drapé dans son habituel long manteau et portant un parapluie au-dessus de sa tête dans une main, ainsi qu'une mallette dans l'autre. Il semble avoir un peu plus de cernes que lorsqu'ils se sont rencontrés, mais il n'a pas changé d'un pouce.

Ce dernier hoche doucement la tête, un petit sourire tendre aux coins de ses lèvres. Yoongi ne l'avouerait jamais, mais revoir la bouille d'ange de Jimin lui fait presque reprendre confiance en la vie. C'est un signe du destin, de revoir le jeune homme sur sa route, presque au même endroit que la dernière fois. 

Ils avaient longé ce parc lorsqu'ils étaient allés se mettre au chaud dans l'appartement de Yoongi. Le plus vieux s'en rappelle comme si c'était hier. 

Lorsqu'il a vu cette petite silhouette à l'abri sous une structure en plastique pour enfants, il s'est demandé l'espace d'un instant s'il s'agissait du brun. Et même s'il a déduit grâce à son sac-à-dos que ce dernier a dû fuguer de sa maison, il est heureux de le revoir.

Comme la première fois, le coloré lui tend la main, après avoir coincé sa mallette entre ses pieds, chaude et aux doigts de pianiste, sans un mot de plus, et Jimin la prend dans la sienne, petite et gelée. Le premier sourit de sa manière si spéciale et unique, et le taquine gentiment à propos de ses petites mains, qu'il juge irrésistiblement mignonnes en son for intérieur. Bon sang, ce que le plus jeune lui a manqué ! 

Yoongi le glisse sous son parapluie, attrapant son sac pour le mettre sur son épaule, sans un mot. C'en est presque naturel pour lui. Il le tire contre lui, frictionnant ses épaules comme le ferait un père attentionné, ou un amant. Contrairement à la dernière fois, l'adolescent n'est pas trempé, simplement mouillé, grâce à la grotte en plastique qui l'a abrité pendant sans doute quelques heures. Cependant, il reste gelé, et c'est ce qui encourage le plus vieux à lui prêter son manteau, une nouvelle fois.

La pluie continue de tomber autour d'eux, alors qu'ils sont sous le parapluie et qu'ils se regardent droit dans les yeux.

— Jimin, qu'est-ce que tu fais là ? souffle Yoongi de sa voix rauque et suave. Pourquoi tu n'es pas chez toi à cette heure ? »

— Et... et toi, alors ? proteste l'autre d'une voix faible, ne désirant pas s'expliquer pour le moment.

— Je sors du travail.

Le plus vieux arrête ses mouvements, mais garde ses mains sur les épaules du jeune homme, coinçant le parapluie sous son bras pour continuer à les protéger, ne se souciant pas de la petite valise qui commence à prendre l'eau. 

Ils semblent dans leur bulle, dans un monde où la pluie a cessé, où il ne sont que tous les deux et que le monde extérieur n'existe plus. Les joues de Jimin sont roses, et pas seulement à cause du froid. La proximité qu'il partage avec Yoongi fait battre son cœur. Même s'il est conscient qu'ils se sont déjà retrouvés dans une situation plus intime que celle-ci, il ne peut s'empêcher d'être gêné devant le regard du deuxième.

Ses yeux semblent parler pour lui. Ils scintillent comme des étoiles, et Jimin se serait perdu avec plaisir dans leur galaxie si Yoongi n'avait pas interrompu sa contemplation.

— Allez, viens, on retourne chez moi, finit par dire ce dernier, soucieux de l'état de l'adolescent.

Cette fois-ci, il glisse son bras autour des reins du jeune homme, ne sentant pas un frisson violent parcourir la colonne vertébrale de celui-ci, et ils marchent vers l'un des immeubles en face, d'un pas rapide. Le coloré accélère le pas quand il sent que le plus jeune commence à trembler de froid en dépit de la chaleur qu'il tente de lui donner, comme la première fois qu'ils se sont rencontrés.

Et comme la première fois, ils entrent dans l'appartement après une courte marche rapide. Le hall n'a pas changé, si ce n'est la nouvelle plante qui a élu domicile à côtés des casiers, et le couloir est toujours aussi propre. Ce qui n'est pas prévu au programme, c'est la petite tornade qui saute dans les bras de son père, le faisant reculer d'au moins un mètre, alors que ce dernier sourit doucement. La mallette chute au sol, et Yoongi la pousse hors du chemin avec son pied pour éviter que quelqu'un ne tombe.

— Papa ! crie-t-elle avec un grand sourire, le même que son père.

— T-tu as une fille ? murmura le brun plus pour lui-même que pour le plus âgé.

En fin de compte, Jimin n'est pas si étonné que ça. Yoongi a quoi, la trentaine ? Évidemment qu'il a une famille, même s'il a longuement espéré que non. Et même s'il déteste sa femme sans même la connaître, il doit avouer que sa fille est vraiment adorable. Bon sang, il se sent détestable pour s'incruster dans une famille heureuse qui n'a rien demandé. Et surtout pas d'accueillir un adolescent analphabète à la rue.

— Jimin, dit Yoongi, je te présente Dae, ma fille. Dae, Jimin, un ami. 

Un ami. Cette appellation brise le cœur de Jimin autant qu'il brise le cœur de Yoongi. Combien de fois s'est-il endormi en pensant à une vie imaginaire qu'il partagerait avec lui ? Une vie imaginaire et remplie de bonheur. Sa gorge se serre alors qu'il ravale difficilement ses larmes. Aura-t-il droit au bonheur, un jour ?

— Minie ! s'exclame la petite fille en tendant ses bras vers Jimin.

La petite brune se glisse hors des bras rassurants de son père et saute dans ceux de l'adolescent. Ses yeux s'illuminent, et Jimin la serre dans ses bras, qui se colle contre son torse. Depuis quand ne l'a-t-on pas serré contre lui comme elle le fait, d'une manière si naturelle ?

Du coin de l'œil, il aperçoit une femme, qui doit sûrement être plus âgé que lui de quelques années, que Yoongi présente comme étant la babysitter.

Cinq longues minutes plus tard, la petite fille descende de Jimin après avoir pianoté sur son visage en rigolant, et court dans sa chambre reprendre son coloriage, tandis que la babysitter qui s'est occupée d'elle quitte l'appartement, après avoir discuté avec le père. 

Jimin les a regardé avec jalousie tout le temps où ils ont discuté tous les deux. Bien sûr qu'ils parlaient de Dae et de comment elle s'était comportée, mais c'est plus fort que lui. Et puis, il n'a pas à être jaloux, sa femme va sûrement rentrer dans peu de temps.

— Tu veux aller te laver ? propose Yoongi, attendrit par la scène qui vient de se passer.

— Je... plus tard, souffla Jimin en baissant la tête sur ses doigts.

— Tu veux un chocolat chaud, un café ?

— Un chocolat chaud. S'il-te-plaît.

Sa voix n'est plus qu'une plainte faible, et c'est déchirant d'entre un son pareil. Peut-être qu'il n'aurait jamais dû mettre un pied ici. Il va ruiner le bonheur du couple, il en est certain. Et il ne veut pas que Yoongi soit malheureux par sa faute, il ne supporterait pas.

Ce dernier lui tourne le dos quelques secondes et lui prépare une grande tasse, désireux de réchauffer le plus vite possible son invité. En attendant que celle-ci chauffe, il ne peut s'empêcher de prendre Jimin dans ses bras. Un petit sourire étire ses lèvres lorsqu'il aperçoit des rougeurs sur ses joues.

— Jiminie, dis-moi pourquoi tu étais dehors à une heure pareille, murmure-t-il.

— J'ai fugué, avoue-t-il d'une voix cassée. En fait, c'est la deuxième fois. La première, c'est quand tu m'as trouvé sous la pluie. C'est pour ça que je suis rentré, pour que ma correction soit moins grave.

— Attend, ta correction ? Quelle correction ?

Pour une fois dans sa vie, Jimin a envie d'être égoïste. Alors oui, peut-être qu'il gâcherait la petite vie de famille de Yoongi, mais il a besoin de lui. Il est la seule personne qu'il a connue dans sa vie en dehors de ses parents, et il a ce besoin de s'agripper à lui, de ne jamais le lâcher.

Jimin garde le silence, baisse la tête, tripotant ses doigts et l'ourlet de son haut trop grand. Doucement, il s'écarte de l'étreinte du plus âgé puis, lentement, il se lève, les jambes en coton, et il ôte le manteau de Yoongi, puis son propre t-shirt, dévoilant son corps meurtri par les coups de son géniteur.