Chanson : Bellyache

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"Elle est malade. On lui a décelé plusieurs troubles de la personnalité. Son état ne faisait qu'empirer, et personne ne l'aidait. Un jour, elle a commis l'irréparable. Il étaient trois, dans sa voiture. Elle, et deux de ses amis. Ils partaient en week-end. On ne sait pas ce qu'il s'est réellement passé. Elle est incapable de le dire. On l'a retrouvée dansant et chantant sur la route, en trainant un petit chariot plein d'argent. Malgré ce qui venait de se passer, elle semblait heureuse. Les médecins pensent qu'une de ses personnalités a pris le dessus afin de commettre le double homicide dont elle est accusée, et qu'une autre l'a remplacée une fois chose faite, afin de se protéger.

Elle a assassiné deux de ses amis. Leurs corps reposaient dans sa voiture. Le policier qui l'a retrouvé a déclaré qu'elle répétait cette phrase : "Where's my mind ?". Autrement dit, "où est mon esprit ?".

Elle n'est pas responsable de ses actes. Les experts en sont convaincus, et moi de même. Mais reste la question du pourquoi.

Elle a déclaré s'être vengée, mais ignore de quoi.

Messieurs les jurés, vous voyez bien que ma cliente n'est pas mentalement responsable de ses actes. Elle ne s'est pas rendue compte du mal présent en ce double homicide, ni de ce qu'elle encourait. Elle a trouvé drôle d'être trop jeune pour aller en prison. Tout ce dont elle avait peur, c'est qu'on lui vole son argent. Elle vit dans un monde étranger au notre, et son comportement relève sans doute plus de la psychiatrie que de la justice. Ses actes doivent être punis, mais soyez indulgents. Cette jeune femme n'est pas maître d'elle-même. Le meurtre a été le seul moyen pour elle de crier au-secours, et ça n'est pas en la condamnant aussi durement que l'accusation le préconise qu'elle sera aidée. Je vous demande de la regarder de nouveau, avec un œil humain. Voyez en elle une adolescente en pleine détresse plutôt qu'un assassin."

Mon avocat avait fini son plaidoyer. J'étais assise sur un banc de chêne. En combinaison orange, menottes aux mains. Je trouvais ça très sexy. Il y avait beaucoup de journalistes dans la salle. Je voyais ma famille et mes amis déconcertés. J'adorais ça. Me montrer comme quelqu'un d'instable était un réel fantasme pour moi. Mais aussi, j'adorais voir le regard de mes proche face à un assassin. Ils ne me reconnaissaient pas. Je faisais la une de tous les magazines et journaux. J'avais les yeux du monde braqués sur moi. J'attirais l'attention.

Les médecins ont peut-être raison, finalement. Je devais être un peu folle. Pourquoi les aurais-je tué, si ça n'était pour l'attention ? C'est tellement plaisant de voir ces regards d'incompréhension, ou même d'admiration!

"La séance est levée. Elle reprendra demain à 9h."

Le marteau du juge me tira de mes réflexions malsaines. Des policiers me ramenèrent dans ma cellule aussi noire et froide que mon âme. J'adorais cet endroit. Ici, j'étais considérée comme un monstre.

Billie Eilish - A song, a storyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant