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Jimin était resté de longues minutes perdu après ce court contact. Bien-sûr, il avait souvent des œillades prolongées avec les gens qu'il croisait dans la rue, bien conscient de son charme, il aimait en jouer comme il le voulait, un peu à tord et à travers, il utilisait ses yeux comme une arme et jusque là, ça avait toujours plutôt bien marché. Il ne savait pas forcément ce qu'il renvoyait à travers son regard, il savait juste qu'en général, les gens venaient vers lui, ils obtenaient tous deux ce qu'ils désiraient secrètement, l'un pour se défouler et l'autre pour expérimenter une nuit avec un représentant des canons de beauté coréenne. Ça n'avait jamais été plus compliqué que ça et le blond péroxydé s'en était toujours satisfait, ne s'interrogeant pas plus que ça sur ce qu'un regard pouvait faire à un autre. Ce que la profondeur d'yeux sombres ou brillants, ternes ou remplis de joie pouvait faire sur un tiers.

Il n'avait jamais senti rien de tel, après tout. Il n'avait jamais ressenti de frisson lorsque quelqu'un le regardait droit dans les yeux, il ne s'était jamais sentit des nuages sous les pieds ni des papillons dans l'estomac. Il était même habituellement celui qui les donnait, pas celui qui les recevait. Pourtant, il n'avait jamais eu peur de regarder les gens dans les yeux, du genre tête brûlée et grande gueule, orgueilleux même, Jimin gardait la tête haute et crachait volontiers au visage de ceux qui se mettaient à ses pieds. Il menait la danse sensuelle, il était celui qui dirigeait les ébats et qui guidait dans le doux et brûlant chemin de la luxure. Pas celui qui faisait une descente brutale au fin fond des enfers.

Définitivement, ça n'était pas son genre. Alors il avait du mal à comprendre ces frissons et ces poils érigés sur ses bras. Ni même pourquoi, alors qu'il n'était plus dans son champ de vision depuis un moment, il continuait à chercher ces yeux de goudron, couleur trottoir. Pourtant, ce brun était plutôt banal et si on écoutait les critères de beauté, il n'y rentrait qu'à peine. Un visage si fin et encadré de cheveux longs mal attachés, des épaules juste à peine développées et pas vraiment de muscles apparents, peut-être juste sa taille pourrait faire de lui un mannequin. Et encore, Jimin et sa petite taille n'était pas un critère car littéralement tout ce qui dépassait le mètre soixante-quinze était grand pour lui.

Il sentait la frustration montrer le bout de son nez. Ça semblait toujours si facile quand les autres venaient vers lui sans qu'il n'ait rien à faire, mais ce type n'avait pas esquissé le moindre mouvement envers lui. C'était frustrant et énervant, juste suffisamment pour qu'il ait encore envie de se foutre en l'air royalement. Il jeta son mégot éteint au sol avant de jurer et de tourner les talons, il voulait rentrer chez lui et se terrer sans que personne ne vienne jamais l'en sortir. Ou expérimenter la plus sauvage des parties de jambe en l'air.

Jimin se détestait toujours autant.

Il rentra chez lui en claquant la porte dans son dos et fronça les sourcils lorsqu'il sentit une odeur définitivement inhabituelle : l'odeur de légumes cuisinés. Ce ne fut qu'à ce moment qu'il réalisa qu'il n'avait presque rien avalé en deux jours et que son estomac commençait réellement à crier famine. Un air suspicieux sur le visage, il se dirigea vers la cuisine et s'appuya contre un mur en regardant son colocataire siffloter pendant qu'il faisait revenir sa nourriture dans une grande poêle. Il avait un air innocent, joyeux et vraiment insouciant qui agaça un peu plus le blond. Décidément, il ne comprendrait jamais tout ce qui se passait dans sa vie.

    - Qu'est-ce que tu fous ? demanda-t-il d'un air dédaigneux.

    - Je te cuisine un bon petit plat mon chou, répondit alors l'autre en lui faisant un clin d'œil, observant Jimin tiquer à ce surnom.

    - Depuis quand tu cuisines toi ?

    - Si tu m'écoutais un peu, tu saurais que j'ai fais des études de cuisine avant d'être cuisinier dans un grand restaurant, dit alors calmement son colocataire, avant de glisser ses yeux devenus glacés sur le blond. Mais tu n'as d'yeux que pour toi, grand fou.

ROSE COTONNEUX T.2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant