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Jimin dormait des heures durant. Du sommeil plein l'esprit et de la tristesse plein les yeux, il avait l'impression qu'il récupérait toutes ses années d'insomnie. Il dormait, dormait, encore et toujours sans sembler être en mesure de sortir de sa torpeur maladive, de son mal-être. Chaque jour était pire que l'autre et pourtant, il dormait, il respirait encore, contre toute attente il était encore en vie. Grignotait quelques restes quand il trouvait la force de quitter son lit. Il avait son nez enfouis dans ce sweater jaune qui n'avait toujours pas connu la machine à laver de peur de voir son odeur si particulière disparaître. Dormir était si bien, il avait l'impression qu'il ne vivait plus réellement. Les journées passaient sans qu'il n'ait à les subir et soudainement tout était beaucoup plus simple et à la fois beaucoup plus compliqué. Il n'avait plus à lutter contre son désir maladif de cigarette, se contentant seulement de trois ou cinq par jour, il n'avait plus à lutter contre son ennui, n'avait plus à dessiner toujours ces mêmes portraits qui n'arrivaient pas à lui rendre son sourire tant ils manquaient de couleur et de complexité en comparaison à sa magnifique muse. Il n'avait plus rien quand il dormait et ce même si tous ces rêves, ceux dont il parvenait à se rappeler, étaient ponctués d'un brun au sourire si spécial, aux mèches brunes longues et ondulées par la pluie, à ces deux prunelles de chaos, fines, qui retenaient une entière galaxie en leur sein. C'était à la fois doux, déchirant, horriblement douloureux et peut-être un peu apaisant également. Il ne pouvait pas lutter contre, n'avait pas envie de lutter contre et préférait accueillir avec de grands bras ouverts ces esquisses d'une vie qu'il aurait pu goûter.

Alors Jimin dormait, beaucoup, toujours. Il dormait enfin, fumait moins, mangeait plus. Peut-être qu'en un sens, il allait légèrement mieux. Peut-être qu'enfin il commençait à se faire à l'idée qu'il ne pouvait pas vivre avec Jungkook et que c'était la meilleure des choses à faire. Peut-être qu'il arrivait enfin à faire rentrer dans sa tête le mensonge qu'était cette bonne action sans sens, sans consistance et sans doute il croyait encore et toujours que c'était la meilleure des choses qu'il n'ait jamais fait dans sa vie. Pouvait-on réellement le blâmer ? Le blond dormait, rêvait et pleurait encore souvent. Après presque un mois de solitude, son tendre coeur encore précieusement déposé sur la taie d'oreiller dans l'appartement du brun, un fantôme dans sa propre poitrine, il essayait de se dire qu'il allait mieux. Plus il se le répétait, plus il y croyait et plus il ignorait son mal-être profond. Parfois, quand il quittait sa chambre, il s'asseyait sur l'une des chaises de la cuisine et regardait son colocataire cuisiner, ranger l'espace ou faire un peu de ménage. Quand il se sentait en mesure de tenir quelques heures sur ses deux jambes, alors il l'aidait. Mais Jae ne voyait plus son ami comme il l'avait connu. Il n'avait plus rien de la personne qu'il était quelques années auparavant, quelques mois au paravant. Plus rien n'était pareil, plus cet être de colère et d'impulsivité, motivé par une envie de destruction massive, plus cet être de charme et de séduction irrésistible, plus cette personne qui semblait plus heureuse, plus enjouée, dont les gloussements heureux résonnaient, rares mais réels. Plus rien qu'un adulte fragile, brisé, sans plus aucune carapace pour se protéger, sans rien du tout hormis des yeux cerclés de rouge, des pupilles faibles qui fixaient toujours le sol, un teint blafard et un désespoir qui vous brisait le coeur.

Plus rien qu'un enfant en mal d'amour qui avait fait les mauvaises décisions.
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Ses yeux d'obsidienne étaient encore plongé dans les prunelles de son frère aîné. Il avait entendu il y avait quelques minutes maintenant la chasse d'eau être tirée mais il savait que Taehyung ne reviendrait pas dans le salon pour le moment. C'était leur moment, c'était son moment et il avait l'impression que s'il ne le faisait pas maintenant il ne le ferait jamais, il n'aurait jamais les résultats escomptés, il n'aurait jamais rien et surtout pas le retour du blond dans ses bras. C'était impossible à imaginer, cette froideur, cette tristesse et ces nuits sans aucune folie, sans aucune passion, sans aucun amour, ça n'était pas pour lui. Il n'était pas assez fort pour supporter cette vie en sachant que les choses avaient été si mal terminées. S'il devait y avoir une fin, alors il voulait qu'elle soit faite dans les règles de l'art. Il voulait une clôture digne de leur histoire : sans doute affreusement douloureuse, mais à la fois belle, sincère, ponctuée d'un amour sans faille dont on ne pourrait jamais douter. Il refusait que les gens ne doutent encore de leur histoire. De la profondeur de leur sentiment. De la sincérité des deux partis. Depuis qu'ils s'étaient retrouvés, ils s'étaient aimé sainement, réellement. C'était comme si tout leur passé avait été annihilé et il voulait que les gens les croient enfin. Il n'avait jamais réellement rien souhaité d'aussi fort dans sa vie, hormis peut-être un esprit sain et un père aimant, mais il avait fini par accepter avec le temps que ces deux choses, jamais il ne pourrait les avoir, c'était trop tard. Par contre, il refusait d'accepter qu'il ne pourrait jamais avoir une fin correcte, si fin il devait y avoir, avec Jimin. Il refusait d'accepter qu'il resterait des choses qu'il ne comprendrait pas dans les actions du plus âgé. Il refusait et il refusait également que les autres ne se méprennent sur sa vie, sur ses relations et pire encore, sur ses relations amoureuses. Sur son seul amour, celui qu'il avait connu depuis toujours. Et même si c'était son frère, il savait aussi qu'il n'avait pas la science infuse, qu'il pouvait parfois faire des erreurs et qu'il avait déjà du lui expliquer de nombreuses fois certains aspects de sa vie à travers son propre filtre. Il l'avait déjà fait, il pouvait le faire.

ROSE COTONNEUX T.2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant