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Jimin soupira en réajustant ses gants de chantier sur ses mains alors qu'il sentait déjà la sueur couler le long de son dos seulement dans l'ascenseur. Il sentait le regard envieux de sa voisine sur ses épaules dénudées et ça lui donnait littéralement envie de vomir. Sa journée lui donnait envie de vomir, sa semaine et par extension toute sa vie lui donnait envie de vomir ses tripes violemment. Il sentait déjà venir la journée naze et bien éreintante alors que le soleil semblait avoir redoublé d'effort pour offrir ses meilleurs rayons et ses plus fortes chaleurs. Il eu une quinte de toux, s'attirant le regard colérique des gens autour de lui alors qu'il se demandait si aujourd'hui serait enfin son dernier, au vu de son taux de fatigue, de sa gorge qui ne semblait plus en mesure de tenir et de cette horrible journée qui s'annonçait en pleine canicule. Son corps aussi fragile qu'élégant n'allait jamais le supporter et il eu un petit sourire en sortant de la cage de métal. Sa chance était peut-être enfin arrivée.

Il regarda son téléphone rapidement en attendant le bus qui l'emmènerait à son lieu de rendez-vous et ne pu s'empêcher de froncer les sourcils en voyant qu'il avait reçu un message de son colocataire lui souhaitant bonne chance pour cette nouvelle journée. Ou, en d'autres mots « crèves pas aujourd'hui j'aurai l'air con avec le loyer. bisou mon chou ». Depuis leur récente discussion, les deux jeunes hommes avaient vu leur relation évoluer et se transformer en quelque chose de beaucoup plus sain, à la plus grande surprise du blond. Sa vie était toujours autant bordélique et son environnement continuait de le prouver à chaque seconde de sa vie, mais quelque chose s'était transformé avec ce grand brun. Alors qu'il s'allumait une cigarette entre deux toux, il se perdit dans ses pensées sans prendre la peine de répondre au message. Il ne savait pas vraiment ce qui avait changé. Ils semblaient plus complices, peut-être.

Définitivement, sa vie était toujours aussi ratée. Jimin avait ce sourire cynique et un peu jaune en rentrant chez lui chaque jour, passant dans ce couloir aux couloirs rouges sombres donnant des allures de maison close au bâtiment avant de franchir sa porte d'entrée et de tomber sur cette même odeur de tabac qui avait imprégné le moindre des tissus, de retrouver des mégots un peu partout et même dans une chaussure qui avait avant appartenu à Namjoon - rare relique qu'il avait conservé de ce dernier. Chaque image qui était propre à lui, chaque pièce dans laquelle il vivait quotidiennement, chaque parcelle de sa peau et chacune de ses cellules respirait la haine, était à son image : aussi répugnante que fascinante en quelques angles particuliers, un pur concentré de colère et de frustration qui menait à l'autodestruction et quand celle-ci n'était plus suffisante alors à la destruction des autres. C'était comme ça et il avait arrêté de lutter depuis longtemps contre ce trait de sa personnalité qui le faisait régurgiter tout ce qu'il avait les nuits d'insomnies sentimentales trop douloureuses. Alors oui, cela faisait bien des années qu'il avait arrêté de se battre pour lui et qu'il enfonçait ceux qui avaient le malheur de trop s'approcher de lui six pieds sous terre.

Il ne pouvait plus être sauvé et il avait juste tiré sa révérence une nuit d'overdose, sous le regard fasciné et ampli d'un bonheur malsain de ces étoiles qui l'épiaient chaque nuit, quand elles étaient suffisamment courageuses pour se dévoiler dans l'étendue noire. Celles qui le détestaient et le haïssaient si fort qu'il en ressentait une douleur constante, comme des milliers d'aiguilles enfoncées dans la pulpe de ses doigts.

Vraiment, il n'y avait plus rien à faire pour lui. Alors pourquoi diable avait-il accepté il y avait quelques semaines de travailler en saisonnier en tant que déménageur pour une entreprise indépendante et éco-responsable ? Peut-être les lettres d'expulsion de son propriétaire s'il ne payait pas le loyer à temps ce mois là l'avaient pousser à se décider de trouver un moyen de gagner de l'argent. Peut-être aussi l'ennui terrible qui venait le ronger à chaque minute de sa vie qui l'avait incité à trouver un moyen de s'occuper l'esprit fermement sans lui laisser le moindre instant pour ne pas trop réfléchir. Il devait bien le concéder, après une journée passée à soulever des cartons plus ou moins lourds, à travailler en équipe avec des ringards de l'extrême qui lorgnaient sur son cul à longueur de journée et l'appelait la « tapette » parce que, évidemment « c'est amical mon p'tit, j'irais jamais y faire le cul à une tapette comme toi, j'suis pas pédé moi », et à suer sang et eau sous cette chaleur horrible, la seule chose qu'il mourrait d'envie de faire en rentrant était bel et bien de dormir et de ne plus jamais se réveiller.

ROSE COTONNEUX T.2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant