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Il sortit sa carte bancaire par automatisme, la tendant à la caissière qui s'occupa de la poser sur le lecteur. Il récupéra rapidement ses affaires et ses courses avant de quitter la petite boutique sur un « au revoir » sonore. Après un rapide regard au ciel qui commençait doucement à se couvrir en cette fin de journée, il soupira et attrapa son téléphone qu'il déverrouilla d'un geste habile, le sac de ses courses pendant à son poignet nonchalamment. Silencieusement, à peine secoué par le rythme calme et doux de ses pas, il relisait ses notes où il avait marqué de nombreuses indications pour la suite de son roman. Il entendait les quelques battements d'ailes des oiseaux dans les arbres et le hululement des chouettes qui résonnait maintenant sur les hauts murs des habitations du quartier. Une sorte de cocon l'enveloppait et il s'en sentait apaisé, comme à l'abri de toute sa vie, à l'abri des autres et de leur vilénie, à l'abri de lui-même et de ce qu'il était entièrement. Il se sentait bien, pas inquiété de la nuit qui tombait ni même de sa solitude.

Enroulé dans sa grosse écharpe et un hoodie épais sombre, il sentait son souffle chaud qui se répercutait sur la laine et c'était agréable. Il ne faisait pas froid mais définitivement pas chaud et c'était une chaleur qui lui convenait, dans laquelle il se sentait bien et qu'il avait envie de préserver pour toujours. Il avait l'impression d'être réfugié dans les bras de son frère, ou peut-être de sa mère même s'il en avait oublié ses traits. Il osait secrètement penser que l'amour d'une mère le ferait se sentir plus ou moins de la même manière. Ses prunelles d'obsidienne se posèrent une nouvelle fois sur l'étendue marine au dessus de sa tête et il s'arrêta quelques longues secondes pour s'accorder le temps de l'admirer encore une fois. Il avait envie d'écrire et toute cette bulle qu'il venait de se former juste autour de lui donnait envie d'épancher ses sentiments sur une feuille vierge, de se laisser tomber dans un autre univers, l'un de ceux qu'il avait confectionné juste pour prolonger encore un peu ce sentiment de bien-être qui n'était pas si fréquent que ça. Il savait que, aussi aléatoire et paradoxale que le destin l'avait créé, il ne pouvait considérer la moindre chose comme acquise et encore moins son moral et son état mental. Alors, juste ce soir, il avait envie de prolonger un peu plus ce sentiment.

Silencieusement, il s'assit en légèreté sur un banc adjacent à une rue plus imposante. Un grand lampadaire à ses côtés, la lumière jaune venait se dessiner sur son visage, comme un bain de soleil artificiel et c'était une sensation particulière qui, lorsqu'elle s'alliait à l'odeur de l'herbe encore chaude de la journée et des fleurs, procurait en lui un sentiment tout simplement indescriptible. Lentement, il laissa sa tête tomber en arrière alors que ses yeux restaient fixés sur les quelques étoiles téméraires qui parvenaient encore à se dessiner dans l'étendue. Elles étaient peu nombreuses, mais elles aussi sans doute, avaient ce même sentiment de déjà-vu. Et Jungkook aimait à penser que c'était les mêmes qu'il avait observé cette nuit là, avant de ressentir l'explosion la plus massive de son cœur en dix-huit ans.

Oui, malgré lui, il ne pouvait s'empêcher de repenser, peut-être un peu étrangement, à cette même soirée où il avait vu Jimin. Assis sur un banc, assis de la même manière qu'il ne le faisait aujourd'hui, ils avaient discuté comme si jamais rien de tout ça ne s'était passé et encore aujourd'hui, il en gardait un tel souvenir, un tel sentiment de liberté, de bonheur et d'extase pure qu'il ne pouvait s'empêcher d'adorer, encore et toujours, ce souvenir. Il se rappelait avoir ressentit cette sorte de torpeur dans tout son corps, qui l'avait fait se sentir léger et en même temps particulièrement agité, paniqué. Encore aujourd'hui, se remémorer ce chapitre de sa vie faisait naître en lui des sentiments qu'il ne parvenait plus réellement à comprendre.
Ils étaient sans fondement, pourtant. Il n'y avait pas de sentiment amoureux et encore moins de passion pour ce blond échevelé qui s'était révélé être tout autant perdu que lui. Il n'y avait rien de tout ça et aucun champ lexical lié à l'amour ne pourrait exprimer avec exactitude ce que ressentait le brun à cet instant précis. C'était plus, peut-être, comme une sorte de fascination. Comme une envie de chasser cet épais brouillard de mystère et d'incompréhension qui s'était dessiné autour de ce blond. Et sans aucun doute mourrait-il d'envie de trouver la solution au mystère Park Jimin.

ROSE COTONNEUX T.2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant