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Jae avait dégagé leur balcon depuis quelques jours maintenant. Ce même balcon auquel on pouvait accéder en passant par la porte-vitrée de la cuisine, que Jimin avait littéralement oublié depuis des années après que les déchets et encombrants ne se soient accumulés dans ce petit espace et qu'il ne fut plus praticable du tout. Le temps avait fait son travail correctement et ainsi ils n'avaient jamais cherché à utiliser cet espace. Pourtant, un mois ou plus déjà, son brun de colocataire semblait décidé à ranger la moindre chose dans l'appartement, à y faire de la place et le nettoyer. Cette habitude s'était aggravée depuis que le blond était rentré ce même matin auquel il ne pouvait pas s'arrêter de penser. Récemment, alors qu'il déambulait sans but un soir, seul dans son appartement et la mort suivant le moindre de ses gestes, il était tombé devant la baie-vitrée et s'était soudainement rappelé que oui, ils avaient un balcon avec un banc, un cendrier ainsi qu'une petite table étroitement organisée dans ce petit espace. Depuis, il aimait s'y allonger la nuit, observer le ciel noir et sans étoile pour laisser ses pensées devenir folles, les laisser le détruire encore un peu plus. Lorsque arrivait minuit et quelques, alors il entendait le brun rentrer de son travail, l'entendait soupirer de fatigue, déposer ses affaires et ranger les restes dans le frigo, avant qu'il ne vienne sur le balcon pour veiller silencieusement sur lui. Lorsque le blond ne semblait pas trop absent, alors il essayait parfois de tenir une conversation, avant de toujours battre retraite dans sa chambre pour passer une nuit de sommeil.

Jimin pleurait de moins en moins sur l'écrivain. Parfois, il fondait soudainement en larme en plein milieu de ce qu'il avait entreprit, sans réellement comprendre pourquoi, maintenant, il pleurait si fort. D'autres fois, il y réfléchissait toute la journée durant, se rappelant de toutes ces précieuses heures qu'il avait passé en compagnie du plus jeune avec un sourire et un trou dans son coeur. Peut-être car cette rupture n'avait pas eu lieu d'être, peut-être car elle n'avait aucune logique et n'était absolument pas ce qu'il fallait faire, ou peut-être tout simplement parce que le blond ne voulait pas passer à autre chose, ne voulait pas oublier, mais plus les jours passaient et plus il avait l'impression d'aimer l'autre. Plus les sentiments étaient puissants et plus la distance était douloureuse. Son corps semblait fonctionner à l'envers et s'il oubliait de plus en plus certains traits particuliers ou même le timbre de sa voix lorsqu'elle était teintée d'émotions particulières, la douleur de son absence était de plus en plus insupportable. Alors s'il pleurait de moins en moins, la douleur ne semblait pas vouloir diminuer et c'était si frustrant, même s'il s'était infligé ça tout seul. Même si ça n'était en aucun cas la faute du brun et qu'il ne pouvait que sa blâmer lui. Il savait que ce qu'il faisait allait permettre de sauver le brun. Il y croyait dur comme fer et se sacrifier pour ça n'était pas un problème. Il était prêt à jeter sa vie aux oubliettes si c'était pour voir briller l'autre dans le ciel.

Il ferma ses yeux quelques secondes en laissant le silence aléatoire de la rue monter à ses oreilles. Il était frigorifié, ne sentait plus réellement ses doigts et savait juste que le bout de son nez devait être rouge depuis le temps qu'il était allongé sur le banc de leur balcon. Il avait un gros manteau par-dessus ce même sweater jaune dont la capuche était relevée sur ses mèches à nouveau entièrement blondes. Ses mains étaient fourrées dans ses poches et il tentait parfois de les réveiller en les bougeant frénétiquement contre le tissu. C'était un de ces soirs où même le froid ne parvenait pas à immobiliser ses pensées et où celles-ci le ramenaient irrémédiablement vers Jungkook. Il se laissait mourir, il le savait et honnêtement il n'en avait plus grand chose à faire. Il s'en moquait même encore plus qu'avant. Il ne mangeait que pour faire plaisir à Jae et pour ne pas trop l'inquiéter. Il ne se rappelait plus la dernière fois que sa gorge n'avait pas sifflée et même s'il était emmitouflé dans des couettes et proche du radiateur, il savait qu'il ne sentirait que le froid. Que la tristesse. Parfois encore, il se demandait pourquoi il s'était infligé ça, s'il était trop tard pour revenir en arrière. Il savait également que ça n'était pas une question d'orgueil ou de dignité. Diable, tous savaient qu'il n'en avait plus du tout. Il ne voulait juste plus refaire les mêmes erreurs, il ne voulait pas faire souffrir le brun, il ne voulait plus. Il ne voulait plus rien en réalité. Il voulait juste disparaître et ne garder que les souvenirs positifs, qui parvenaient toujours à le rendre heureux, qu'il avait encore de lui et l'écrivain. Mais même ça c'était trop demandé et il savait que jamais on ne lui donnerait ce qu'il voulait réellement. C'était comme ça.

ROSE COTONNEUX T.2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant