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Les longs doigts jouaient distraitement avec ceux plus petits du blond, les entremêlant et les comparant à eux sans réellement s'en rendre compte. Il caressait sa paume, jouait avec les lignes de vie, pliait les phalanges et appréciait leur délicatesse et particularité. Il y déposait parfois de maigres baisers du bout de ses lèvres, mettant en contact le rose cotonneux de ses lippes au blanc laiteux de la peau de son aîné. Ses yeux sombres, pourtant, étaient perdu sur un point fixe devant ses yeux, son esprit bien loin. Il entendait parfois l'autre râler et se plaindre qu'il n'arrivait pas à répondre à ses messages d'une seule main, sans jamais récupérer le membre otage des attentions de l'écrivain et pourtant ce dernier ne parvenait pas y prêter plus d'attention que ça. Il était perdu. Son rythme cardiaque était lent, son sourire effacé et ses traits affaissés. Souvent, son regard se perdait dans le vide et il semblait s'éloigner tellement loin que lui-même ne savait plus où ses pensées l'apportaient. Parfois, il était tellement coupé du monde, comme enlevé par des pensées dévastatrices qu'il finissait par sursauter lorsqu'il entendait un bruit qui le faisait revenir soudainement à la réalité. Jungkook était lent et son cœur était à l'agonie et même le blond affalé contre son buste ne parvenait pas réellement à lui remonter totalement le moral. Pourtant, il avait l'impression que ce dernier essayait, à sa manière. A travers sa maladresse touchante et son air qui s'était terriblement adoucis ces derniers temps, il semblait vouloir aider à apaiser sa peine et en un sens, l'écrivain lui en était reconnaissant. Car, maintenant, l'un comme l'autre savait que ce que cela faisait de perdre son meilleur ami. Jungkook était à l'agonie et son cœur était lent.

Il n'avait pas eu de nouvelles de Taehyung. Évidemment. Et c'était tellement douloureux. Encore plus que lorsqu'il l'avait rejeté. Encore plus que lorsqu'il avait perdu Jimin une première fois, encore plus peut-être que lorsque les poings de son père s'abattaient sur ses bras fragiles de petit garçon. Tout était douloureux, la perspective de continuer sa vie sans lui, le simple fait de bouger, respirer sans savoir que son dernier souvenir avec l'éditeur était heureux était affreusement douloureux. Et c'était tellement effrayant. Son meilleur ami était partout, dans tous les petits recoins de sa vie, dans chaque ruelle de son esprit, jusque dans son travail. Il connaissait le moindre de ses secrets, savait le déchiffrer sans aucune parole, était à son cœur son âme-sœur et aujourd'hui il avait le sentiment qu'il n'y avait plus rien. Que du néant entre eux et ce néant semblait s'appliquer avec passion à déteindre sur chacune de ses émotions, chacune de ses réactions, chacune de ses pensées. Il devenait néant et il ne s'en rendait même pas compte. tout semblait raccourci : les espoirs, le bonheur, plus rien n'avait la même importance sans son meilleur ami de toujours à ses côtés. Rien n'avait plus la même saveur et ses sens perdaient de leurs capacités, de leur précision. Et s'il découvrait la douceur et la légèreté de l'amour, il comprit en même temps que c'était au prix de la grande Amitié, celle qui vous poursuivait toute votre vie. Et soudainement, il ne savait plus s'il était en mesure de faire tant de sacrifice. Il ne savait plus s'il était capable de faire tout ça pour le blond qui était lové contre lui. Peut-être était-il éternellement insatisfait. Insatisfait à vie, oui c'était peut-être une de ses maladies. Quand il avait l'un, il voulait l'autre et quand enfin l'autre était dans ses bras, l'un partait bien trop loin.

Et pourtant, il pouvait encore affirmer avec précision et sincérité que Jimin détenait toujours toutes les Étoiles de ses yeux, charmait madame la Lune à coup de sourire et malice sibylline. Il pouvait affirmer les yeux fermés qu'il avait main mise sur son cœur, mais savait également qu'une grande partie de celui-ci s'en était allé, jalousement conversé auprès de son meilleur ami. Jungkook était tellement perdu et il avait seulement le sentiment que tout le monde avait un bout de sa main sur son cœur si précieux mais lui ne semblait pas en mesure de trouver le chemin jusqu'à ce dernier pour le récupérer et le protéger. Et ce tendre blond, qui lui permettait encore de garder une certaine sérénité et les pieds à seulement quelques centimètres du sol, était encore la raison pour laquelle il n'avait pas sombrer entièrement. La raison pour laquelle il se rappelait encore qu'il devait réfléchir avant d'agir, qu'il ne pouvait pas agir sur coup de manie et de dépression. Mais parfois, la maladie était trop forte et les deux rentraient en conflit et tout finirait par exploser d'une façon ou d'une autre. Car la vie du brun semblait être un terrible et si évident cercle vicieux.

ROSE COTONNEUX T.2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant