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Jimin regarda une dernière fois le grand immeuble qui s'élevait au dessus de sa tête avant de tourner les talons avec une sorte de trou plutôt douloureux et bienfaiteur dans son estomac. C'était encore quelque chose de nouveau et qu'il n'avait pas l'habitude de sentir et il soupira en constatant que Jungkook lui faisait vivre des choses bien trop nouvelles et inhabituelles pour son pauvre petit être. A peine avait-il fait cinquante mètres loin de cet appartement dans lequel il avait dormi, mangé, couché, rêvé et aimé qu'il voulait déjà faire demi-tour pour se lover une nouvelle fois dans ces bras fragiles et attentionnés. Il se sentait fragile et incapable. Mais il se sentait surpuissant et au dessus du monde à la fois, comme s'il était devenu inatteignable, comme s'il était devenu le seul, le seul en mesure de faire des choses. Et si cette impression était mirage et fantaisie, il ne pouvait s'empêcher de se sentir complet, plein et important en ressentant au creux de son estomac cette douleur sourde soulevée par un sentiment plus profond, plus nouveau et définitivement plus enivrant. C'était plus fort que lui et étrangement, il en avait trop mais en voulait toujours encore plus. Et s'il le détestait ne serait-ce qu'un minimum, car son esprit était formaté à haïr et à n'être fait que de colère, il remerciait du fond timide de son coeur et de son esprit fatigué ce grand brun aux mèches ébènes et éparses.

Il baissa ses yeux sur le sol qui défilait sous ses pas en laissant son esprit se perdre un peu plus si c'était possible. La douleur persistante dans sa gorge ainsi que le sifflement de celle-ci n'étaient devenus plus que des bruits de fond incapables de le détourner du centre de ses pensées qui était étrangement tellement séduisant qu'il n'arrivait pas à s'en préoccuper plus que de nécessaire. Penser à lui à longueur de journée était devenu tellement habituel, tellement quotidien qu'il n'arrivait plus à s'en inquiéter, à s'en surprendre. Au contraire, penser à autre chose qu'à lui, peu importe le sentiment et l'émotion motivant ses pensées, était un signe plus alarmant. D'une façon ou d'une autre, en dix ans d'émotions trop puissantes et de douleur interne, de transformations, de régressions et peut-être un peu d'acceptation, il n'avait jamais vécu loin de l'idée de Jungkook. Loin de toutes ces pensées, loin de tous ses mirages, loin de tous ses fantasmes et loin de toutes ces petites choses qui le renvoyaient dix ans en arrière, lorsqu'il était tombé pour la première fois sur le compte instagram de ce jeune garçon un peu trop perdu et qui n'avait jamais réussi à accepter.

Ils s'étaient piégé tous les deux. C'était vrai. Mais plus que tout, ils s'étaient aidé d'une façon ou d'une autre. Il suffisait de regarder la beauté et la grandeur de l'écrivain, sa puissante, sa force et ses cris silencieux qui passaient à travers ses deux prunelles sombres. Il suffisait de le regarder lui, en entier, pour savoir que quelque chose de fondamental s'était passé et d'une façon ou d'une autre, Jimin avait son rôle à jouer là-dedans. Et aussi étrange que cette idée sonnait à ses oreilles, il savait qu'il avait aussi changé. Il s'était transformé tout en stagnant et c'était cet état déliquescent et inapte qui l'avait mué en un autre lui. Un autre lui qui semblait se révéler au fur et à mesure qu'il ne passait plus de temps avec ce grand brun qui lui donnait toute sorte de frissons dans le creux de son estomac. Il n'y avait pas de clé, il n'y avait pas de réponse pré-conçue, encore moins de solution divine ou d'épiphanie qui lui expliqueraient pourquoi. Pourquoi lui, pourquoi eux, pourquoi ce drôle de passé. Il n'était même pas sur de finalement vouloir réellement savoir pourquoi. Il ne voulait même pas connaître ces réponses. Les questions étaient bien trop belles pour qu'elles ne soient questionnées.

Et il sentait son coeur qui tambourinait contre sa cage thoracique à chaque fois qu'il visualisait ce sourire innocent, brillant, plein de douceur et de tendresse. Et c'était toujours pire quand il réalisait que ce sourire était pour lui, lui était adressé et n'était la plupart du temps que pour lui, pour son monde, pour ses défauts. Il ne savait rien quand ça concernait le brun et dieu qu'il s'en moquait. Qu'on continue à le mener par le bout du nez, qu'on continue à le guider comme un pantin, il serait heureux d'obéir aussi longtemps qu'il aurait l'occasion de voir dans son champ de vision ces deux yeux fins et sombres qui le rendaient toute chose. Il s'en moquait bien de se sentir comme ça seulement lorsque ces deux prunelles d'obsidienne étaient posées sur lui, il s'en moquait encore plus que ses seuls désirs étaient de toujours se réfugier encore un peu plus dans ces bras fragiles et longs, qui apparaissaient toujours comme la meilleure des protections, comme la meilleure des carapaces qui le guérissait lentement, qui lui faisait prendre conscience de ce qu'il était, de ce qu'il voulait. Dans les bras de Jungkook, il comprenait certes ses tords, mais il apprenait également ses points forts. Il apprenait petit à petit comment on pouvait transformer une maladie, un problème, en un atout. Il apprenait qu'être malade n'était pas une fatalité. Il apprenait qu'on pouvait tous goûter à des émotions que l'on se croyait interdites.

ROSE COTONNEUX T.2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant