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Il n'avait jamais réellement fait de crises de panique dans sa vie, ou du moins pas qu'il ne s'en souvienne, aucune période de sa vie qui aurait pu être considérée comme fondamentalement traumatisante. Après tout, dans sa vie, tout s'était fait plutôt progressivement et c'était bien pour ça qu'il n'avait jamais remarqué qu'il sombrait toujours un peu plus. Alors, il ne pensait pas réellement avoir déjà fait de vraies crises de panique dans sa vie, si on oubliait cette prise de conscience au début de son adolescence ou alors le rejet de ses parents. Il avouait qu'il était plus le type à faire des overdoses plutôt que des crises de panique. Ce fut donc une totale surprise et un drôle de sentiment si inconfortable qu'il eut brusquement envie de vomir lorsqu'il sentit son souffle se bloquer dans sa gorge, son rythme cardiaque se désordonner entièrement et ses genoux lâcher sous son poids de plume. Jimin tomba et se rattrapa de justesse à la nuque du brun qu'il enserrait encore lorsqu'il comprit, lorsqu'il réalisa réellement, que c'était son meilleur ami, ce même garçon, devenu adulte, avec lequel il avait tout vécu durant son enfance, durant son adolescence. Le même qu'il avait cru avoir perdu déjà sept ans auparavant se retrouvait brusquement devant lui, devant ses yeux rougis par les larmes et les émotions étaient devenues trop fortes. Les émotions avaient prit le contrôle sans qu'il ne l'autorise pour la première fois en plus de dix ans et il se sentit brusquement terrassé, incapable de respirer. Il se sentit sombrer rapidement, le monde s'écroula autour de lui ou alors c'était lui qui s'écroulait au centre du monde, il ne parvenait plus réellement à savoir. Il n'avait conscience que de la poigne du brun qui s'était resserrée autour de ses hanches et de ce regard sombre souligné par une chevelure argentée.

- Min ! s'exclama surpris Jungkook en rattrapant comme il le pouvait le blond devenu malléable sous ses mains.

Surprise, colère peut-être, stupéfaction, joie sans doute, panique, euphorie, délire, hallucination pourquoi pas, culpabilité, honte, désespoir, peur. Peur. Peur. Peur. La peur creusait, perçait l'estomac de Jimin et il avait peur de l'autre autant qu'il le regardait avec toutes les étoiles de son maigre ciel dans ses prunelles d'or. Son or précieux qui avait revêtu son manteau de mille et unes paillettes, incrusté de joyaux reflétant toutes les émotions que son petit coeur pouvait supporter, que son pauvre cerveau malade pouvait échafauder. Namjoon était devant lui et il avait peur, peur, peur, peur des paroles violentes, peur des reproches, peur de la culpabilité, peur de lui. Encore une fois, il avait peur de tout ce qu'on allait lui dire, tristes et douloureuses vérités, pour lui prouver par la plus simple des additions qu'il n'était que moins que rien. Que bon pour les Enfers. Et pourtant, il avait ce même regard noyé par les larmes d'admiration, pure et dure, d'affection qui donnait une certaine teinte rosée à ce doré unique. Il le vit avoir un mouvement de panique, tendre ses bras en sa direction avant de se rétracter en se rendant compte que la situation était prise en charge. Il ne savait plus combien de temps cela faisait qu'il n'avait pas eu la chaleur de l'autre contre son corps pour le consoler. Pour le soigner. Pour l'aider à vomir après trop d'alcool ingéré. Soudainement, il regretta que tous ses souvenirs en compagnie de son aîné ne tourne autour de ce genre d'événement dans sa vie. Les autres, ceux de son enfance, il avait tendance à les oublier. Pendant quelques secondes, il eut peut-être l'espoir que cette hésitation ne traduise de la gêne et un surplus d'émotion et pas de la colère ou du dégoût.

- Min, écoute-moi, respire doucement. On va aller s'asseoir, ça va, je suis là maintenant. C'est fini.

Il reposa directement son attention sur Jungkook en entendant sa voix douce. Elle coulait sur sa peau et ce fut à ce moment qu'il se rendit compte de ses tremblements, de son souffle irrégulier voire absent. Alors il se concentra comme il le pouvait sur toutes ces petites choses qu'il redécouvrait chez l'autre et bientôt la voix de Jae et le souffle erratique de Namjoon ne furent plus qu'un lointain mirage tant son ouïe se concentrait entièrement sur les paroles insensées et rassurantes que lui murmurait le brun. Ses longues mèches brunes étaient frisées par l'air humide de Séoul et il avait ces joues creusées et ce teint terne qu'il arborait toujours lorsqu'il avait tendance à se perdre dans son roman et à ne plus voir le temps passer. C'était déjà arrivé quelques fois qu'il ne se réveille après avoir miraculeusement réussi à dormir pour retrouver le brun dans l'exacte même position que la veille mais quelques dizaines de pages de plus à son document. Ses yeux étaient cerclés de rouge et légèrement brillants de larmes emprisonnées farouchement et pourtant ils détenaient encore toute les galaxies de l'univers. Il avait beau être au courant de leur profondeur, le blond se retrouvait toujours projeté à des années lumières de sa situation lorsqu'il se perdait dans leur étendue. Il sentit une seule larme s'écraser sur sa propre joue et les chatouilles des mèches brunes sur le bout de son nez et enfin, enfin il eut l'impression de reprendre son souffle, enfin il eut l'impression de revoir quelques couleurs dans son champ de vision et de sentir de nouveau ses membres, ses jambes fragiles qui l'avaient abandonné même pas quelques minutes plus tôt. Il prit de grande bouffée d'air frais étrangement encore trop chaud pour lui, respira fortement en resserrant sans réellement s'en rendre compte sa prise sur la nuque du brun. Cette odeur de parchemin, de folie et de propre vint tapisser ses narines et l'arrière de son palais et il eut soudainement voulu être en mesure d'avaler cette odeur et de s'en nourrir pour toujours.

ROSE COTONNEUX T.2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant