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Son souffle était lent et lourd, comme une encre plongée au fond de l'océan, il était là pour lui rappeler que tant qu'il continuait à respirer alors il ne serai plus jamais emporté à la dérive. Il sentait ses mains moites et ses yeux avaient du mal à se poser sur un endroit fixe, un seul et même emplacement qui aurait pu lui permettre de se calmer un minimum. Son cœur jouait les tambours dans le creux de sa poitrine pour une raison qui lui était plus ou moins connue mais qu'il peinait malgré tout à s'avouer. Il avait comme l'impression de se retrouver au pied d'un mur, un mur si haut et si épais qu'il lui était impossible de le franchir alors qu'il se sentait comme projeté des années en arrière, face à lui-même à l'âge de dix ou douze ans, quand les choses étaient encore plus simples et qu'il n'avait pas encore compris les enjeux d'une vie à Séoul, les enjeux d'une vie simple, basique et plutôt déjà toute tracée mais qui finirait forcément par déraper.

Évidement, le destin ne lui avait pas fait défaut et tout avait bel et bien dérapé, et ce si rapidement. Tellement vite qu'il n'avait pas pu le prédire. Il n'avait rien pu faire, seulement témoin de sa propre descente en enfer alors qu'il entraînait tous ceux qui avaient le malheur de s'attacher un peu trop à lui, de ne lui donner ne serait-ce qu'un peu d'attention. Comme si juste s'enfoncer seul ne suffisait pas, il avait besoin d'enfoncer les autres avec lui, de les emporter dans sa chute, car encore et toujours jamais il ne supporterait d'être seul trop longtemps et pire encore : jamais il ne supporterait d'être seul dans son désespoir. En réalité, il avait l'impression que les choses avaient tellement changé, si radicalement et dramatiquement qu'il n'était plus réellement en mesure de se souvenir de petits détails heureux qui restaient habituellement dans les esprits des adultes. Il avait même du mal à mettre le doigt sur les éléments malheureux et c'était presque comme si cette partie de sa vie avait été radicalement effacée, écrasée par son adolescence compliquée où la construction ne s'était pas faite correctement.

Il soupira, déjà fatigué de sa fin d'après-midi qui pourtant n'avait pas encore commencé. Il avait peur, il devait bien se l'avouer une bonne fois pour toute, même si ça lui crevait le cœur et lui donnait des envies de vomir si puissante qu'il s'en écroulerait complètement. Il ferma les yeux alors que ses mains venaient s'emmêler dans les mèches blondes aux repousses brunes pour finalement descendre sur son visage épuisé. Il n'avait que peu dormi et ce rythme commençait réellement à le fatiguer, d'autant plus que son métier saisonnier ne l'aidait pas tellement à se reposer et à garder de l'énergie. Bientôt son contrat serait terminé et la seule chose qui lui donnait l'impression de garder la tête hors de l'eau au moins un minimum partirait aussi vite que ses maigres revenus mensuels et sa santé mentale fragile. Bientôt, il tomberait un peu plus dans cette spirale interminable et si douloureuse.

Jimin se regarda dans le miroir et se trouva si ridicule qu'il eut une violente envie d'envoyer valdinguer tous ses vêtements tant ils n'avaient aucun sens sur lui. Il ne savait pas vraiment qui il essayait de tromper en arborant ce style mais ça ne prendrait jamais, c'était juste honteusement risible et il avait envie de se donner quelques claques bien senties pour essayer de se remettre les idées en place. Il devait se concentrer, il ne pouvait plus revenir en arrière maintenant que le rendez-vous était donné et ne se sentait pas la force mentale de poser un lapin à sa mère qu'il n'avait plus vu depuis tant d'année. Il devait se calmer et avec un peu de chance jamais sa mère ne se rendrait compte que cette image qu'il tentait de renvoyer n'était pas la sienne mais seulement une image altérée, digne d'un des plus médiocres imposteurs. En silence, il boutonna les manches de sa chemise claire alors qu'il respirait lentement et trop calmement pour la tempête qui se profilait à l'horizon dans son esprit.

Il entendit un bruit de porte dans son dos et aperçu le reflet de Jae dans le miroir positionné devant lui. Gardant une expression neutre, il plongea son regard d'ambre dans les deux perles aciers qui le dévoraient du regard. Sentir ce regard sur sa personne avait le don de le mettre mal à l'aise car il débordait d'un sentiment qu'il ne pouvait pas rendre, qu'il ne pouvait pas honorer ou même accepter. Il ne voulait pas de ce genre de sentiment à son égard et encore moins de la part de son colocataire, aussi terrible et égoïste que cela puisse être. Il était un qu'il voulait absolument protéger de lui-même.

ROSE COTONNEUX T.2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant