Finalement, il s'était occupé de cuisiner un repas basique pendant qu'Aurélien était allé doucher sa fille. Ils avaient mangé dans une ambiance chaleureuse, accompagnée de leurs rires quand Héloïse avait raconté sa journée de classe. Aurélien avait peu parlé, se contentant de sourire d'un air doux et bienveillant à sa fille. Guillaume se fit la réflexion d'à quel point il avait l'air épuisé et quand, à la fin du repas, Héloïse s'était précipité dans ses bras pour lui dire au revoir et bonne nuit, Guillaume crut percevoir un petit soupire de soulagement quitter ses lèvres. Aurélien le pria de l'excuser un instant, le temps d'aller coucher sa fille et Guillaume lui sourit d'un air compréhensif. Il l'entendit avec une tendresse particulière la mettre au lit et lui demander quelle histoire elle voulait qu'il lui lise. Au bout de quelques secondes il l'entendit parler dans une langue qu'il ne comprenait pas et comprit qu'il lui lisait un conte ukrainien. Guillaume sentit son sourire s'élargir et se leva, afin d'aller faire la vaisselle. Il avait des putains de papillons dans le ventre.
***
Quand Aurélien le rejoignit enfin dans le salon, une vingtaine de minutes plus tard, Guillaume l'observa s'asseoir à ses côtés avec un air exténué sur le visage.
« Vous avez fait la vaisselle, Guillaume...? Ce n'était vraiment pas la peine, je l'aurais faite plus tard... »
Guillaume le vit lui sourire doucement et se passer une main sur les yeux, avant de grimacer faiblement. Mauvais poignet.
« C'est rien, dit-il sérieusement. Aurélien, vous êtes épuisé.
— Je... commença l'homme aux cheveux mi-longs avant de fermer les yeux et de soupirer. Guillaume... est-ce que... dit-il en ouvrant les yeux à nouveau, est-ce que l'on pourrait se tutoyer ? C'est plus compliqué à conjuguer à cette personne, expliqua-t-il en souriant doucement, parlant du vouvoiement.
— Bien sûr, s'écria Guillaume. Bien sûr, il n'y a pas de problèmes ! »
Guillaume ressentit un drôle de tremblement dans son cœur lorsqu'Aurélien lui décocha un petit sourire reconnaissant.
« Merci Guillaume... Tu es vraiment quelqu'un de bien.
— Pas plus que d'autres, répondit-il en se passant une main derrière la nuque d'un air embarrassé, ayant toujours eu du mal avec les compliments. Enfin, je ne pense pas...
— Si, je t'assures. Tu es meilleur que bien des gens. »
Guillaume rougit légèrement et haussa les épaules, pour cacher son embarras.
« Fais voir ton poignet, dit-il soudain afin de détourner l'attention de lui et Aurélien lui lança un regard interrogateur. Montre-moi, où tu as mal. »
Aurélien parut hésiter puis remonta la manche de son sweat-shirt, avant de lui tendre son poignet droit. Guillaume posa ses doigts autour avec énormément de délicatesse et il le sentit frissonner légèrement à son toucher.
« Ça te fait mal quand je touche ici ? demanda-t-il en appuyant légèrement sur sa peau, rencontrant très vite son os, et Aurélien hocha la tête en faisant une petite grimace. Et là, ça te fait aussi mal ? dit-il en appuyant un peu moins fort, caressant presque du bout des doigts sa peau.
— Un peu moins mais... ça me lance toujours... balbutia Aurélien.
— Tu t'es peut-être cassé quelque chose, soupira Guillaume. Il faudrait que t'aille voir un médecin.
— Ça coûte cher ? demanda l'homme en face de lui d'un air inquiet.
— Non, pas si tu as une bonne mutuelle santé et que... dit-il avant de s'interrompre en voyant son petit regard perdu. Tu as une mutuelle, n'est-ce pas ? »
Aurélien parut hésiter avant de secouer la tête lentement de gauche à droite.
« Je ne sais pas ce que c'est, Guillaume.
— Chaque français a le droit à une bonne mutuelle, Aurélien. Tu as juste à montrer ta carte d'identité et ta carte vitale, à souscrire à une mutuelle, n'importe laquelle, et c'est bon. Y a juste quelques informations à donner sur soi et puis voilà. C'est important, pour toi, comme pour Héloïse. Imagine qu'elle tombe malade demain. »
Il vit Aurélien détourner le regard un instant avant de lui lancer un petit regard coupable.
« J'ai comprit, Guillaume... Je le ferais alors, lui sourit doucement Aurélien en récupérant sa main.
— Promis ? demanda Guillaume.
— Oui. »
Aurélien hocha la tête en plongeant son regard dans le sien et Guillaume en eut la respiration coupée. Aurélien ferma alors les yeux lentement en soupirant et Guillaume posa une main délicatement sur son avant-bras.
« Je vais te laisser aller te reposer, maintenant. À demain ? »
Aurélien ouvrit les yeux et lui sourit d'un air fatigué.
« Oui. Merci, Guillaume. Ça m'a fait plaisir de... t'avoir... pour le repas. J'espère que tu reviendras bientôt.
— Ça me ferait très plaisir, sourit Guillaume avant de se lever. J'ai passé une bonne soirée, Aurélien. »
Ce dernier se leva à son tour et Guillaume mit sa veste avant de mettre son sac à dos sur son épaule. Aurélien le raccompagna à la porte d'entrée et quand il lui tendit la main, celui-ci la regarda un instant d'un air étonné avant de la lui serrer. Guillaume lui sourit une dernière fois et sortit de l'appartement, en lui faisant un signe de la main. Le sourire timide que lui décocha Aurélien quand il lui rendit son geste alluma un brasier dans son cœur et il se retourna, pour lui cacher le sourire niais et attendri qui commençait à prendre dangereusement place sur ses lèvres. Il enfonça ses mains dans les poches de sa veste et soupira. Ça faisait longtemps qu'il n'avait pas sourit ainsi, au point de s'en décrocher la mâchoire.