Guillaume jeta un petit coup d'œil discret vers Héloïse en voyant le nom de son père s'afficher sur l'écran de son portable. Cette dernière était en train de faire un dessin, qu'elle donnerait sûrement ensuite à ce dernier, et tirait la langue en concentration. C'était la dernière enfant dont les parents n'étaient toujours pas venus chercher et Guillaume se leva silencieusement, se dirigeant vers le couloir, le portable contre son torse. Il poussa la porte de la classe à son maximum pour pas que la petite fille ne l'entende et décrocha, le cœur battant fortement dans sa poitrine.
« Orel ? Qu'est-ce qu'il se passe ?
— Ah, Guillaume ! s'exclama la voix de son ami à l'autre bout du fil. Je suis vraiment désolé mais je ne vais pas pouvoir venir chercher Héloïse à l'école ce soir ! Je suis désolé, mais mon patron vient à peine de me dire que je devais rester plus longtemps ce soir... Je t'ai appelé dès que j'ai su...
— Mais quel connard...! s'énerva Guillaume. Il en profite putain, tout ça parce qu'il sait que tu sais qu'il peut te virer d'une seconde à l'autre à cause de ta situation irrégulière...!
— Guillaume, s'il-te-plaît... soupira Aurélien qui ne voulait pas revenir encore une fois sur ce sujet. Est-ce que tu peux t'occuper d'Héloïse ? De la ramener à la maison et de t'en occuper jusqu'à mon retour ? Dis-le moi si tu ne peux pas...
— Mais bien sûr Orel que je vais me charger d'Héloïse. Je ne vais pas la laisser toute seule, ne t'en fais pas.
— Je suis désolé, vraiment, murmura Aurélien à l'autre bout du fil d'une petite voix triste et Guillaume sentit sa colère s'évanouir tout à fait.
— À quelle heure tu rentres, Orel ?
— Je ne sais pas vraiment... Quand j'aurai fini de décharger les stocks et de les ranger... Peut-être... quatre heures...? »
Guillaume ferma les yeux et soupira profondément. Il se retint de pousser un juron fleuri. C'était de l'esclavage à l'état pur. Le plus jeune était déjà debout depuis au moins 12h.
« Quatre heures... répéta-t-il d'une voix désabusée. D'accord. Je m'occupe de tout, Orel. Je te préparerais à manger pour quand tu rentreras.
— Merci pour tout, Guillaume. Je te revaudrai ça, et tout ce que tu as déjà fais pour moi, un jour. Je t'aime tellement...
— Je... t'aime tellement aussi, Orel. » dit-il dans un souffle à travers le combiné, la voix étouffée par son émotion, et il ne fut pas bien sûr que le plus jeune l'ait entendu avant qu'il ne raccroche.
Il resta dans le couloir à observer son portable, se sentant complètement vidé de toutes forces, avant de le mettre dans sa poche de pantalon et de rentrer dans la petite salle afin de rejoindre Héloïse et de rentrer chez Aurélien.
***
La petite fille avait été incommensurablement triste à la nouvelle que son père était retenu au travail. Elle avait même pleuré avant de s'endormir, apaisé par les câlins réconfortants que Guillaume lui prodigua. Guillaume avait caressé longuement ses cheveux blonds pour être sûr qu'elle était enfin dans le pays des rêves avant de se lever de la chaise qu'il avait installé à côté de son lit pour lui lire un livre et de sortir de sa chambre en silence. Il était allé faire la vaisselle puis s'était assis dans le canapé en soupirant. Il regarda l'heure sur son portable et son morale s'assombrit encore. 21h50. À quelle heure Aurélien rentrerait-il ce soir ? Il déposa son portable sur la table basse devant lui et ferma les yeux, ressentant soudainement une grande fatigue l'envahir. Il vit le visage du plus jeune derrière ses paupières closes et une énorme tristesse s'abattit à l'intérieur de lui en pensant à combien il devait encore souffrir, après tout les épreuves qu'il avait déjà dû surmonter avant d'arriver ici.