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Le mardi, Awa n'a pas pointé le bout de son nez de la journée. Agathe est vraiment inquiète. Elle l'a appelée des dizaines de fois, sans que son amie ne daigne répondre. Et puis, si elle l'avait fait, qu'est-ce qu'Agathe lui aurait-elle dit, au juste ? Désolée ? Mais pour quoi ?

Agathe a mangé avec Camille, le mardi midi, et lui a exposé le comportement d'Awa. Celle-ci n'a pas non plus eu l'air de le comprendre.

Et comme si tout cela ne suffisait pas, Agathe s'est rendue compte qu'elle n'avait ni le numéro de Léonard, ni de Clarisse, ni d'aucun de ses amis. Mardi, après les cours, elle est passée au chantier, mais pas de trace du garçon de Wonderwall.

C'est mercredi matin, et Agathe se dirige vers son arrêt de bus pour aller au lycée. Elle a l'impression de tomber dans un gouffre quand elle aperçoit Awa, assise sur le banc de l'abribus. Que doit-elle lui dire ? Que doit-elle faire ? Comment s'excuser si elle ne connaît même pas ses torts ?

" Salut, souffle-t-elle une fois arrivée aux côtés de son amie."

Comme en classe, celle-ci l'ignore et ne lui accorde pas même un regard. Agathe remarque cependant qu'Awa a les cernes marqués et les yeux gonflés, probablement par les pleurs.

" Écoute, murmure-t-elle d'une voix douce. Je suis vraiment désolée. Je sais pas ce que j'ai fait, mais je sais que tu es pas du tout rancunière, et vu l'état dans lequel tu es... J'ai dû faire quelque chose de vraiment méchant, peut-être inconsciemment. Mais je veux aussi que tu reconnaisses tes torts, tu m'as quand même foutue dehors pour la nuit, je te rappelle que j'ai dû me débrouiller, et...

- Si tu pouvais arrêter de penser qu'à ta gueule, ça ferait du bien à tout le monde."

Agathe sent presque le vent d'une sécheresse désertique des mots d'Awa sur son visage.  

" Mais je pense pas qu'à ma gueule ! Je viens de m'excuser alors que je suis même pas au courant de ce que j'ai fait, toi tu m'as mise dehors pour la nuit et tu oses me faire la leç...

- Je parle pas de ce truc. Ok, je suis désolée pour ça, ça te va ? Je t'en veux pour autre chose.

- Ça m'aiderait à régler le problème si tu me disais quoi !

- C'est pas un problème."

Agathe voit arriver le bus à l'autre bout de la rue.

" Alors, pourquoi t'es dans un état pareil ? 

- Par ce que, premièrement, ça me transperce le cœur de savoir qu'on soit aussi proches depuis tant d'années et que tu m'aies toujours pas cernée, que tu sois tellement centrée sur toi-même que tu ne remarques même pas l'essentiel. Et deuxièmement, ça me tue de savoir qu'elle ne m'aime pas comme je l'aime."

Le bus s'arrête devant les deux jeunes filles.

" Mais, explique-moi Awa !"

Les portes du bus s'ouvrent.

" J'aime les filles et je suis amoureuse de Camille, ça te va ?"

Awa monte dans le bus pendant qu'Agathe reste pétrifiée sur le siège de l'abribus, incapable d'esquisser le moindre mouvement. Les portes se ferment sur le visage déjà fermé d'Awa, et le bus démarre.

Le chantierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant