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Les tourments d'Agathe sont subitement balayés quand elle arrive, à pas de loup, devant le trou dans le mur de l'impasse. Elle est désormais assez proche pour entendre la douce mélodie qui s'en élève, qui vient chatouiller ses oreilles et qui lui fait oublier Martin, Awa, Camille, tout.

Elle a l'impression de ne plus être là, assise contre un mur troué à écouter de la musique et une voix d'ange, mais bien plus loin, à des années-lumière d'ici, sur une étoile encore inconnue des scientifiques. La voix de Léonard la propulse dans les airs.

Elle a presque l'impression d'entendre son cœur exploser dans sa poitrine du trop-plein de sentiments qu'elle éprouve à cet instant précis. Joie, euphorie, légèreté, mélancolie.

Son corps est soudain enseveli par le sable mouvant de ses sentiments.

Cette musique qui coule dans ses oreilles et qui l'envoûte lui retire toute perception du monde extérieur pour au contraire lui fournir toutes celles de son corps. Elle vole, littéralement. Elle vole dans un monde rempli de sensations, le monde de Léonard, le monde dans lequel il l'invite sans le savoir.

Et, sans même qu'elle ne s'en rende compte, elle se met à fredonner les paroles de la chanson en même temps que Léonard, pendant qu'une larme de sentiments, de perceptions et de sensations dévale sa joue gauche pour s'imprégner dans le tissu de son pantalon.

La guitare et la voix provenant du trou résonne encore pendant une petite minute, jusqu'à ce que la chanson soit terminée. Le bruit mat de la guitare posée brusquement sur le sol ne sort pas Agathe de sa rêverie qui est encore trop fraîche pour être brisée.

" Agathe ? Tu pleures ?"

Cette fois, les mots de Léonard l'arrachent de son monde, mais avec une douceur et une légèreté similaires à celle de la soie. Elle se rend soudain compte qu'un véritable torrent de larmes émane de ses yeux, et répond :

" Je pleure, parce que ta musique est incroyablement belle."

Il s'assoit à ses côtés et la prend dans ses bras. Il pose sa tête sur son épaule.

Ils restent ainsi pendant un certain temps que ni l'un, ni l'autre ne pourra jamais déterminer car ils en ont perdu la notion.

Au bout de cette courte infinité, doucement, Léonard relève sa tête de l'épaule d'Agathe.

Doucement, ils échangent de nombreux regards qui valent bien plus que des paroles.

Doucement, leurs têtes se rapprochent et se collent l'une à l'autre.

Et doucement, leurs lèvres s'effleurent jusqu'à n'en former plus qu'une.

Le chantierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant