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Le bruit de la porte qui s'ouvre et se referme à nouveau est noyé dans les larmes d'Agathe, si bien qu'elle ne remarque Léonard que quand il s'assoit à côté d'elle. Elle s'efforce d'arrêter de pleurer et essuie ses joues mouillées. Fuir serait ridicule, sans compter qu'il la rattraperait vite. Non, elle va rester là et se couper le cœur sur les mots de Léonard.

" Agathe... Tu dois me croire, c'est pas de ma faute..."

Le regard de la jeune fille qui était jusque là fixé droit devant elle s'oriente enfin vers Léonard. Les yeux du garçon sont envahis de larmes de cristal qui coulent le long de ses joues. Le voir pleurer délivre Agathe et l'ouvre à la l'écoute sans même qu'elle ne s'en rende compte. Et puis, ça libère ses larmes à elle, qui se remettent à dévaler la pente de son visage.

" Agathe... Crois-moi, c'est vraiment pas de ma faute ! C'est Justine... Son mec l'a larguée, donc je voulais la réconforter... Et c'est elle qui m'a embrassé ! Agathe, je te jure que c'est vrai, je te le jure... Je t'en supplie, dis quelque chose."

En réalité, sa version est cohérente. Agathe a bien vu la fille se jeter sur Léonard, et il s'est ensuite dégagé. Mais Agathe sait qu'elle est naïve. Elle ne veut pas passer pour une cruche une nouvelle fois et encore se faire massacrer le cœur.

" Pourquoi je devrais te croire, Léonard, hein ?"

Il dégage son regard de celui de la brune pendant quelques secondes, inspire et souffle une longue expiration, avant de replonger ses yeux noisette étincelants à la lumière de la lune dans ceux d'Agathe.

" Écoute, ça fait très peu de temps qu'on se connaît... Et pourtant, j'ai l'impression que ça fait une éternité, vraiment. Déjà, avant même que je n'entende ta voix incroyable, je savais que la personne qui construisait le toboggan abandonné de l'endroit où je me sens le mieux était quelqu'un de spécial. En fait, juste le fait que la personne en question prenne du temps pour reconstruire ce vieux tas de rouille me faisait comprendre que c'était une personne comme moi, rêveuse et hors du monde où personne n'a le temps et où tout le monde court. J'avais une folle envie de connaître cette personne, quel que soit son âge, son sexe ou son identité. Et quand j'ai su que c'était toi... Je savais juste que je venais de découvrir une personne incroyable. Quand je t'ai entendu chanter pour la première fois, toute seule sur la balançoire... J'ai ressenti comme un vide qui se comblait en moi, un vide que j'avais toujours eu mais... Mais que je n'avais jamais senti à cause de l'habitude. Je savais déjà que tu étais une personne spéciale, mais ta voix, mon Dieu, ta voix... Elle n'a fait qu'augmenter ce ressenti que j'avais à ton égard. Et quand on a chanté Shallow, à la soirée d'Adam... je pense qu'il s'est passé quelque chose de magique. On a créé ce lien, ce lien indescriptible que je sais qu'on aura maintenant toujours, ce lien qui lie nos deux vides maintenant comblés. Et jamais, jamais je n'aurais pu ne serait-ce que penser à une autre fille quand je t'ai dans mon cœur, Agathe, jamais je n'aurais pu. Tu sais, si tu m'entendais souvent chanter Wonderwall, c'est parce que j'ai toujours rêvé de chanter cette chanson à la fille que j'aime, de dire à quelqu'un "You're my Wonderwall". Mais je ne l'ai jamais fait, parce que même Clarisse dont je pensais être amoureux à une époque... J'avais pensé à la lui chanter, mais au fond de moi, je sentais que ça n'était pas la chose à faire. Je me suis dit que j'étais sûrement trop timide et puis voilà, tant pis. Mais non, ça n'était pas pour ça. Parce qu'aujourd'hui, la partie au fond de moi qui me disait de ne pas la chanter à Clarisse, c'est aussi celle qui me dit que je devrais te la chanter à toi. Je veux pas te perdre pour cette conne de Justine. Voilà, Agathe, je crois que je t'aime."

Le chantierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant