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Ils étaient là. Ils étaient là avec leur soleil. Ils étaient deux avec trois chevaux. Hylios n'était pas encore dehors. Je n'avais pas envie d'être seule avec lui. Vraiment pas. Mais je me suis vite rendue compte que bientôt il ne serait plus que la seule attache que j'aurais avec ce monde si vaste.

Je ne savais que trop penser de ce que nous ferions à Vendel. On m'avait raconté que c'était une espèce de formation à la magie d'Offense, qui nous permettra de blesser et de tuer. Je ne savais pas vraiment non plus pourquoi on ne l'avait pas apprise ici, cette magie, et les raisons que l'on m'avait donné étaient simples. Une Absolue d'Offense se trouvait au château de Vendel et le roi avait payé une très grosse somme d'argent pour que ne venions dans son royaume, sous son aile. J'avais un tout petit peu l'impression d'être vendue. C'était sûrement le cas.

Au bout de quelques minutes passées avec les gardes mutiques, Hylios sortit du temple avec le second baluchon "sans-fond". Chelsea l'accompagnait.
"Messieurs, les voici.", dit-elle en nous désignant.
Hylios est venu à côté de moi.
"Prenez bien soin d'eux, vous savez à quel point ils sont précieux aux yeux du monde. Puis-je savoir, si ce n'est pas trop indiscret, l'itinéraire précis que vous comptez employer ?"
Les deux hommes se regardèrent. Le plus grand répondit :
"Nous comptons passer par le nord. Nous franchirons les collines de Veldal, puis nous ferons escale dans la forêt d'Ishal. Après nous traverserons la rivière-forteresse au pont ouest, plus au sud."
"Et combien de temps cela vous prendra-t-il ?"
"Cinq jours, tout au plus."
Chelsea nous regarda. Elle ne semblait pas sereine. On m'avait clairement expliqué qu'aucun Absolu ne quittait le temple avant sa majorité, c'est-à-dire cinquante-cinq lunes vertes, une lune verte correspondant à cent jours. Hylios et moi n'en étions pas loin, mais nous ne les atteignions pas encore.
Les deux hommes firent s'avancer le dernier cheval qu'il tiraient jusque là par la bride.
"Tenez, grimpez là-dessus."
Hylios enfourcha le cheval et me tendit la main. Je la saisit et montais à sa suite.
"Tu ferais mieux de t'accrocher si tu ne veux pas tomber.", dit-il.
Je soupira et m'accrocha à lui. Le premier homme partit devant, et l'autre fermait la marche. Je me suis retournée pour voir Chelsea qui nous regardait partir. Cela faisait presque quatre jours que j'étais arrivée au temple, et j'étais très triste de le quitter. Je ne savais pas du tout à quoi allait mener cette "formation", et cela ne me disait rien qui vaille. J'ai toujours eu l'habitude de pouvoir visualiser la suite de mes journées, et quand je n'y arrivais pas, je me mettait à stresser.

On a longtemps marché à une allure lente dans les plaines bleues. Le soleil était très haut dans le ciel. Les Absolus de Vie avaient tout mis en œuvre pour que notre départ soit beau. Et puis, là où nous étions, à l'ouest, il ne pleuvait que très rarement.

Pendant les deux jours où je suis restée au temple, avant notre départ, j'ai dû apprendre les rudiments de la magie de Vie, de Télépathie et de Défense. Je ne sais pas faire grand chose, mais, tout de même, ce que j'ai appris me servira sûrement. Je peux aujourd'hui guérir des blessures bénignes, de type coupures ou fracture, avoir des conversations mentales avec un autre Absolu et générer un bouclier pour me protéger de la magie d'Offense uniquement (mais bouclier reste un grand mot). Enfin selon les Absolus et les conseillers du temple, j'étais prête à affronter le monde nouveau dans lequel je me suis retrouvée. Je n'en étais pas si sûre, mais ils le connaissaient mieux que moi. Ils y étaient nés et y avaient grandi.

Les habitants de l'Edenilde haïssent les humains de Terre. Je l'ai suffisamment compris en voyant le comportement fuyant d'Hylios. Les Absolus qui m'ont enseigné qui m'ont transmis une parti de leur savoir m'ont beaucoup de fois répété que je n'étais pas comme les autres humains de Terre, car j'appartenais autant à l'Edenilde qu'à la Terre, et que mon statut en Edenilde était plus haut que la plupart des habitants du monde. Je me suis dit qu'ils étaient suffisamment ouverts d'esprit pour avoir du recul sur la chose, mais ce n'était pas le cas de tout le monde (pas d'Hylios, en tout cas).

Au bout de quelques heures, nous pouvions voir les collines de Veldal au loin. Elles n'étaient pas si hautes, mais elles semblaient cacher un paysage d'une beauté incroyable. J'avais vraiment hâte que nous soyions en haut.

Nous avons commencé la montée à la tombée du jour. Les chevaux etaient tous très fatigués et ils n'arrivaient presque plus à avancer.
"Nous nous arrêterons au sommet", dit l'homme qui ouvrait la marche. "Nous n'aimons pas être à découvert dans les plaines comme cela, alors nous ne ferons pas de feu. Pour ça, nous attendrons d'être à l'abri dans la forêt."
La montée fut moins longue que je le pensais. Et en effet, en haut, nous pouvions voir des tas de taches lumineuses. Nous avons déchargé nos sacs et laissé les chevaux paître, puis nous nous sommes tous assis au même instant.
"Les trois lacs, là-bas, ce sont les lacs étoilés. Ils sont très loin, mais ils se voient beaucoup. La ville la plus proche est Sud-Vendel. Puis là-bas, le point blanc, c'est Vendel. La cité soleil, on l'appelle." dit le second homme.

"C'était un soir comme les autres," commença l'homme.
"On était partis en vadrouille, comme beaucoup de fois auparavant. Et on s'est installé dans des plaines comme celles-ci, mais plus au sud, vers Solergrade."
Son ami acquiesçait tous ses propos. J'écoutais l'histoire attentivement.
"Et on s'est endormis la nuit, comme maintenant je dirais à lune quart. J'ai dormi vraiment bien, comme un bébé. Et le matin, avant que le soleil soit levé, je me réveille, et, croyez-le ou pas, je me retrouve au milieu d'un véritable champ de bataille. Il y avait des corps partout. Partout. Du sang, des épées, tout. Quand je suis parti, j'ai demandé à tout le monde qu'elle bataille avait bien pu avoir lieu, et personne ne savait."
Son ami se mit à rire.
"Selon ceux qui l' avait accompagné, il avait quand même bien bu la veille."
Ils se mirent à rire grassement, et finirent la soirée à raconter différentes aventures qu'ils avaient chacun vécu. Hylios regardait le paysage, toujours aussi mutique, et moi, je me suis endormie.

Edanaelda - Tome 1 - Rien n'a réellement commencé Où les histoires vivent. Découvrez maintenant