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"Bonjour Dame, avez vous passé une agréable nuit ?"
Je me suis levée en sursaut. Je ne m'attendais pas à être réveillée. C'était une jeune domestique en robe blanche qui était entrée dans ma chambre. Elle remplissait tranquillement une bassine d'eau. Quand elle eut fini, elle me la tendit et ouvrit les rideaux.
"Je suis navrée si je vous ai effrayée... Sa majesté m'a ordonné de vous réveiller. Votre ami est déjà en bas, et il vous attend avec madame la Conseillère pour démarrer la formation."
Elle s'inclina timidement puis sortit de la pièce. Je me mis un peu d'eau sur le visage et mis une des nombreuses robes rouges qui étaient à ma disposition. La chambre était spacieuse, et ne ressemblait en aucun cas à celle du temple. La fenêtre était immense et laissait entrer le soleil, tout était d'un blanc immaculé et le sol était en carrelage doré. J'ai donc enfilé une robe et suis sortie en courant. Je n'arrivais plus à me repérer dans les couloirs, mais une domestique m'a gentiment montré le chemin. Quand je suis arrivée Hylios m'attendait. Elvirae semblait extrêmement en colère. À ma vue elle soupira et s'en alla suivie d'Hylios et de moi.
"Tu as bien dormi ?"
J'ai regardé Hylios dans les yeux. Je n'en croyais pas mes oreilles.
"Euh, je... Oui. Merci."
"Visiblement. Tu es en retard. Tu donnes encore une mauvaise impression, j'ai envie de dire."
Sois je pleure, sois j'hurle. J'ai décidé de me taire. J'ai haï Hylios de toute mon âme, et j'ai espéré qu'il le sache. Qu'il l'entende. J'avais l'impression d'être entourée de gens qui me detestaient. C'était insupportable.

Nous sommes arrivés dans une salle sombre, qui contrastait fortement avec le reste du château.
"Il faut que nous soyions clairs. Nous ne sommes pas amis, vous et moi.", commença Elvirae. "Surtout toi, l'humaine de Terre."
Évidemment. J'avais l'impression d'avoir déjà entendu ça quelque part.
"Ça ne veut pas dire que je suis plus ton amie à toi, jeune homme. Je n'ai pas eu le choix de faire cette formation, on m'y a forcée. Mais on me forcera pas à être agréable."
Elle se tourna vers moi et avança.
"De plus, je tiens à signaler que nous ne sommes pas en Terre, ici. On est en Edenilde. Et ici, si je trouve que votre travail est mal fait, j'aurai le droit aux recours de la maltraitance physique. Et je m'en ferait une joie étant donné que je suis Absolue d'Offense."
Elle esquissa un ignoble sourire. J'avais peur.
~ne t'inquiète pas~, me dit alors mentalement Hylios. ~Elle ne le fera jamais. Je ne la laisserait pas le faire.~
Je me suis tournée automatiquement vers lui. Il fit mine de ne rien avoir dit. Ça m'a énervé encore plus. Je ne savais pas si il faisait ça de manière volontaire ou si Chelsea ou quelqu'un d'autre lui avait dit de prendre soin de moi avant de partir, auquel cas il ne le faisait que par obligation. Ça me paraissait plus plausible. Elvirae rejoignit un cercle sur lesquels étaient poses deux piédestaux en argent frappé du soleil de Vendel. Elle nous demanda de venir la rejoindre en prenant chacun un piédestal. Hylios était en face de moi et me regardait. Il me mettait mal à l'aise. Elvirae nous ragarda alors, l'un puis l'autre, et joignit les mains.
"La magie d'Offense. Elle est basée sur la douleur, la véhémence et la folie. Tout ce qui est mauvais en nous. Et ce mauvais peut être expulsé par cette magie. Ce n'est pas juste quelque chose dont on se sert pour se défendre. C'est toutes les pires choses en nous que nous deversons sur la personne en face.", dit-elle.
Elle s'avança vers nous.
"J'aimerais savoir une chose. Vous êtes positionnés à l'intérieur d'un cercle. Dans ce cercle, dès que vous penserez à quelque chose de mauvais, il se matérialisera devant vous. Vous allez le faire. Mais ce que je veux savoir c'est si vous êtes capables de vous faire du mal entre vous. Donc je veux que vous imaginez tout ce que vous trouvez ignoble, horrible, inconcevable. Vous y pensez. C'est tout."
Je n'ai pas compris tout de suite ce qu'il fallait faire. Hylios, lui, semblait plutôt ne pas vouloir. Je ne voyais pas en quoi penser à des choses morbides pouvait avoir un impact sur Hylios, car ce n'est pas à lui que mes mauvaises pensées sont forcément destinées. Alors je l'ai fait.

"Le sang."

Il ne se passait rien.

"Des gens morts inutilement, la torture."

L'air semblait faiblement frémir.

"Le jour qui se lève sur le reste d'un champ de bataille, l'odeur du sang qui coagule, les ventre ouverts desquels sortent les intestins des morts qui pourrissent sous le soleil, les corbeaux, les vautours, ceux qui se nourrissent de la haine, les armes, celles qui blessent, tuent, empalent, les innocents qui perdent des proches, la souffrance, les voir souffrir et ne rien faire, se dire que c'est mérité, transpercer quelqu'un au ventre, voir le sang sortir de sa bouche. Rire. Rire tandis que les gens souffrent. Aimer la mort, aimer le sang. Apprécier la douleur."

Un nuage s'était formé et grossissait à vue d'œil. Il était rouge et dedans semblaient s'entrechoquer tout ce que j'avais évoqué. Hylios avait écarquillé les yeux. Je ne savais pas ce que j'avais fait. Lui avait aussi le même nuage sanglant, mais en moins volumineux.
"Bien", murmura Elvirae. "Bien, bien... Maintenant, vous allez imaginer que ces choses, vous les lancez à ma personne en face. Que tout ce qui a été évoqué soit ressenti par la personne."
Je ne pouvait clairement pas faire ça. Il fallait que je souhaite tout ce que je venais de penser à Hylios ? Même si nous ne nous entendions pas j'en était tout bonnement incapable.
~Je ne peux pas~, pensais je. ~J'en suis incapable~.
Il ne me regardait même pas.
"Vous ne le pouvez pas, n'est-ce pas ?", dit Elvirae. "Je savais que vous en seriez incapable. C'est pour vous montrer que c'est là votre faiblesse. Vous êtes incapables de vous faire du mal."
Hylios releva la tête.
"Et en quoi est-ce une faiblesse ?", demanda-t-il sur un ton sec.
Elvirae sourit.
"Car cela veut dire que vous ne pourrez jamais haïr personne. Et si vous ne pouvez pas haïr les gens, vous ne pourrez pas les tuer."
"Et pourquoi devrions nous tuer des gens ?", demandais je.
Elvirae se tourna vers moi.
"Tu le sais mieux que moi. Une guerre éclatera, bientôt. Ce sera de votre faute et vous en serez l'enjeu. Le monde se prépare. Tout le monde est prêt, sauf vous. Vous êtes tranquillement hébergés dans ce château, et vous ne faites rien. En attendant, chaque royaume développe ses propres technologies. Ici nous avons inventé une machine pour tuer. Mais tuer lentement. Et avoir le contrôle sur l'esprit de la personne concernée. Il fallait que je vous le montre."
Elle enleva un drap recouvrant une machine de fer.
"Cette machine est à double tranchant. Sois elle soigne, sois elle tue. Si vous êtes à l'agonie, elle vous tient en vie quatre jours et nous pouvons trouver une façon de vous guérir. Si vous êtes en pleine santé, elle vous tue en quatre jours. Nous l'avons appelé Gelienne. L'avantage de tuer en quatre jours, c'est que nous avons le plein contrôle sur vous et que vous souffrez, que vous sentez votre vie s'envoler. C'est donc un instrument de torture de haute qualité."
"Et pourquoi avons-nous besoin de savoir cela ?"
Elvirae sourit.
"Vous le saurez bien assez tôt."

Edanaelda - Tome 1 - Rien n'a réellement commencé Où les histoires vivent. Découvrez maintenant