Edanaelda - Tome 1 - Rien n'a réellement commencé

16

Je me suis réveillée en pleine nuit. J'étais haletante. J'avais de nouveau fait un rêve. Je fuyais quelque chose. Je ne savais pas quoi. J'étais triste.
"Un problème ?"
C'était Hylios qui veillait cette nuit là.
"Non. Tout va bien."
"Tu es sûre ?"
J'ai soupiré.
"Non."
Il me fit signe de venir et remit du bois dans le feu. Je me suis approchée et je me suis assise à environ un mètre de lui. J'étais absolument fascinée par le feu. Je trouvais ça magnifique. J'aime le feu. J'ai alors relevé la tête. Il y avait des tas d'étoiles. Il n'y en avait sûrement pas autant sur Terre.
"C'est beau, hein ?"
"Oui..."
Je me suis allongée pour mieux les voir. Et je me suis endormie.

Le feu était éteint. Hylios demandait à Jaymery de se lever. Ce dernier dormait comme un bébé contre un arbre. C'était assez drôle de le voir comme ça.
Je me suis levée, et j'ai mis ma capuche. Hylios a fait de même. Jaymery se leva, la mit aussi puis il nous demanda de nous mettre en marche. Nous sommes sortis de la forêt. De là où nous étions, nous pouvions déjà voir Port-Mourant, qui se manifestait comme une grosse tâche noire sur l'herbe claire. Ce n'était pas du tout rassurant.
"Port-Mourant", murmura Jaymery. "Je ne l'avais pas imaginé comme ça. Il porte vraiment bien son nom."
~Qu'est-ce que c'est que ce truc ?~
Hylios tourna la tête vers moi et haussa les épaules.
~Je ne sais pas. Mais si ça peut nous aider dans notre voyage de faire une halte ici, personnellement, c'est tout de même mieux que la forêt, je trouve.~
~Je ne suis pas sûre.~
Il sourit.
~Attends un peu qu'on soit en hiver, tu verras.~
Je souris.
Nous avons continué à marcher. Même si la ville semblait proche, elle était tout de même à quatre lieues de l'endroit où nous étions partis, et nous seront sûrement arrivés à la nuit tombée. Le chemin était long. J'avais très envie que Jaymery nous raconte une nouvelle histoire de royaume, mais il m'a devancée.
"C'est comment, Terre ?"
Je réfléchis. Je ne pouvais pas en donner une image positive, car tout ce que je trouvais de positif, je l'avais en Edenilde.
"Je, eh bien... Déjà il n'y a pas de magie."
Jaymery ecarquilla les yeux.
"Comment vous faites pour construire des maisons alors ?"
J'étais très étonnée par sa réaction.
"Ben... Avec des grues. Du ciment. Des échafaudages."
Il semblait complètement perdu.
"Avec des machines de métal qui marchent quand on les commande."
"La magie de Mouvement.", dit Hylios.
"Non", répondis-je. "La science. Les mathématiques."
Hylios haussa les épaules.
"Les humains de Terre ne croient pas en la magie, et ils font tout pour leur trouver un autre nom et leur donner une apparence moins incontrôlable."
J'ai trouvé ça particulièrement vrai.
"Chez nous, on ne considère pas ça comme de la magie."
"Exactement comme la Clairvoyance. Le visionnage de l'avenir. Vous appelez ça comment déjà ?"
"Le... Le hasard ?"
"Voilà. Hasard, chance, coïncidence."
Jaymery écoutait patiemment.
"Combien de temps ça vous prend de bâtir une maison ?", demanda t il.
"Plusieurs mois ?"
Jaymery se mit à rire.
"Dieu, ça va beaucoup trop loin ! Bon. C'est tout, j'arrête de t'embêter. Les humains de Terre sont quand même drôles."
Je me suis sentie bête. Les gens en Edenilde, malgré leur mode de vie moyenâgeux, étaient-ils plus ouverts que nous ? Avaient ils compris quelque chose que nous avons renié depuis toujours ? J'allais presque pleurer, mais je me suis retenue. Je ne pouvais pas me ridiculiser davantage.
Hylios posa sa main sur mon épaule.
~Ce n'est pas contre toi. Je ne fais que constater. Tu fais autant partie de l'Edenilde que de Terre.~
J'ai levé la tête vers lui. Je n'aurais jamais cru entendre ça de sa bouche un jour. Lui qui était su froid envers moi justement à cause de mes origines... J'ai souri, mais c'était pour lui faire plaisir. Au fond je me sentais mal. Mais pas vis-à-vis de ce qu'il avait dit. Vis-à-vis de la personne que j'étais sur Terre. Je me suis dégagée de sa main.
~C'est bon, ça va.~
Il semblait un peu triste. Peut-être qu'il s'en voulait ? On ne pouvait jamais savoir à quoi il pensait, ça m'énervait.

"Port-Mourant", lança Jaymery tandis que nous entrons dans la ville morte. "Trouvons l'auberge et installons nous."
Nous avons marché sur les dalles noires mouillées. Il pleuvait. La pluie avait commencé dès que nous étions entrés dans la ville. Jaymery cherchait l'auberge des yeux. Adossés au mur, des brigands nous toisaient. J'étais très mal à l'aise, et je l'ai fait comprendre à Hylios. Il est venu vers moi. Je me suis sentie plus rassurée. Les gens dans les rues étaient tous armés.
"La voilà."
Jaymery était devant une piteuse auberge noire, qui se fondait parfaitement dans le décor de la ville. Il entra.

L'atmosphère de l'auberge était étonnement chaleureuse, et l'aubergiste était un homme manifestement bon vivant qui nous donna une table. Nous nous sommes alors installés et avons parlé tout bas, sans enlever nos capuches.
"Ils ne reçoivent que des gens recherchés. Ils ne savent sûrement pas qui nous sommes."
"Mais pourquoi ils..."
La porte s'ouvrit. Un homme, deux femmes et tout une troupe entrèrent. Ils devaient être une cinquantaine environ.
"Alors, aubergiste, as-tu des gens qui se joindraient à nous pour le voyage ?"
L'aubergiste secoua la tête et l'homme fit une tête désolée. Il avait un visage très juvénile, des cheveux châtains en bataille et des grands yeux verts. Un léger duvet lui poussait sur le menton.
"Désolé.", répondit l'aubergiste.
Jaymery nous tapa l'épaule.
"Je sais. Joignez vous à eux."
"Quoi ? Mais on ne les connaît pas !"
"Ils ont l'accent de l'est. Suivez les, vous pourrez arriver chez la sœur de garçon sans encombre, et vous serez cachés."
"Vous ? Tu ne viens pas avec nous ?"
"Je suis beaucoup trop connu des gens. Pas vous. Pas vos visages. Je prendrai un autre chemin. C'est mieux si nous continuons séparés. Nous nous retrouverons là où vit ta sœur."
Hylios secoua la tête.
"Tu ne sais pas où elle vit."
"Je demanderai mon chemin. Filez !"
"Mais..."
"Allez-y !"
Nous nous sommes levés en trombe et sommes arrivés près de l'homme.
"Excusez nous", dit Hylios. "Nous ne vous avions pas reconnu."
L'homme jeta un regard hautain à l'aubergiste.
"Alors, tu vois ? Je savais qu'il y en avait d'autres !"
Il nous dit signe d'y aller et nous sommes sortis. J'ai jeté un dernier regard à Jaymery. Il fit au revoir de la main en souriant. J'espère que son idée est bonne.
De tout cœur.