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Hylios toqua. Il dégageait beaucoup d'appréhension.
"Nous n'attendons pas Jaymery ?"
"Non. Nous sommes en cavale. Personne ne dit qu'il est encore en vie et que Vendel ne lui est pas tombé dessus."
La porte s'ouvrit sur une jeune femme. C'était celle de mon rêve. Elle avait les cheveux noirs et les yeux violets clairs. Elle portait une robe violette pleine de trous et sale. Derrière elle se tenait un petit garçon sans bouche. À la vue d'Hylios, elle fronça les sourcils.
"Toi. Tu es venu pour quoi ?"
"Je voulais te voir.", répondit Hylios.
Elle se mit à rire.
"Menteur. Tu viens pour l'héritage."
Hylios écarquilla les yeux. Je continuais à regarder le garçon. Orella s'en rendit compte et se tourna vers lui.
"Et toi, tu fous quoi ? Personne ne t'a demandé de venir, casse toi ! Tu fais peur à tout le monde !"
Le petit garçon s'en alla, l'air triste.
"Quel heritage ?", demanda Hylios.
Orella leva les yeux au ciel.
"Celui de nos parents. Tu sais, ceux qui m'ont abandonnée à cause de toi. Deux adultes qui m'aimaient."
"Ils sont morts ?"
"Faut croire."
Le jeune garçon nous regardait de loin. Il semblait être comme emprisonné.
~Qui est le garçon ?~
~Je l'ignore.~
Hylios regardait le sol d'un air piteux. Sa sœur semblait s'en réjouir. Elle veut une vengeance, mais il ne faut pas qu'elle lui donne la mort.
"Je vais le chercher."
Elle s'en alla. Elle commença à enguirlander le jeune garçon. Le pauvre ne pouvait rien répliquer. Je le plaignais. Orella disparut un instant, puis revint avec un coffret de satin rouge. Elle le donna à Hylios.
"Voilà. Casse toi, maintenant."
Hylios ouvrit le coffret et y découvrit une pierre bleue d'un éclat étrange.
"Mais qu'est-ce que c'est ?"
Orella leva les yeux au ciel.
"La pierre de vœux de la forêt bleue. Là où j'ai souhaité accoucher de..."
Elle lança un regard plein de mépris au jeune garçon.
"... Cette chose là-bas."
Hylios fronça les sourcils.
"Qui est-il ?"
"Mon vœu."
Le petit garçon, malgré son handicap, était plutôt mignon. Il avait les cheveux d'une jolie couleur rousse, les yeux d'un vert pétillant et des tas de petites taches de rousseur de part et d'autres de ses joues.
"Ton fils", murmura Hylios.
Orella entra dans une colère folle.
"Non, ce n'est pas mon fils. C'est le fruit d'un vœu que je n'ai pas pu payer. La pierre mène à la fontaine mais ne paye pas le vœu. J'ai demandé un fils, car j'ai dit aux femmes d'Ouest-Ermerille, celles qui disaient de moi que j'étais une sorcière, que j'avais un mari mort à la chasse et un fils. Mais il me fallait un fils. Je l'ai souhaité mais je n'avais pas un sou. La femme de la fontaine m'a dit qu'en compensation il naitrait handicapé. J'ai accepté, j'avais imaginé un handicap moteur, ce qui n'aurait rien changé. Mais sa bouche était inexistante. Ça a empiré les choses. En plus de toutes les injures, j'ai un "fils" à nourrir, et pas d'argent."
Je ne savais pas si j'étais plus triste pour Orella que pour son fils. Le pauvre n'avait peut-être pas de bouche, mais il avait des oreilles. Et il entendait ce que sa mère disait.
"Comment s'appelle-t-il ?", ai-je demandé.
Orella, qui venait tout juste de remarquer que j'existais, haussa un sourcil.
"C'est qui, elle ?"
Hylios fronça les sourcils. Je l'ai regardé. Orella croisa les bras.
"Ma liée."
"Ah donc elle aussi c'est une Absolue. Merveilleux. Je suis entourée des choses que je hais le plus."
Je sentais la colère monter dans chacun des deux frères et sœurs. Si Hylios semblait vraiment en colère, Orella, elle, semblait s'en amuser.
"Oui, c'est même une humaine de Terre, si tu veux vraiment tout savoir."
Orella a dégluti.
"Heureusement que les parents ne sont plus là pour voir ça."
Elle se tourna vers moi.
"Il s'appelle Mensol."
Hylios n'était pas concentré sur ce que disait sa sœur, il était occupé à contempler la pierre bleue qui miroitait sous le soleil. Je l'ai longtemps regardée aussi, et c'était vrai qu'elle était très belle.
"Où les parents l'ont-ils eu ?"
"Ils l'ont volée."
Hylios ne sembla pas être particulièrement choqué par cette révélation. Orella se tourna vers moi un instant.
"Et toi, comment tu t'appelle ?"
"Je s...", commençais je.
"Ça ne te concerne pas.", me coupa Hylios.
Orella fronça les sourcils. Elle regarda un instant la pierre.
"Et donc pourquoi es-tu venu si ce n'est pas pour l'héritage ?"
Hylios leva les yeux vers sa sœur.
"Je... Je venais simplement te rendre visite, pour..."
Orella le stoppa en levant une main.
"Laisse moi deviner. Vous êtes recherchés par la moitié du monde et vous pensez peut-être que chez moi vous serez en sécurité. C'est faux. Je n'accepterais jamais que tu vive sous mon toit. Ni toi ni... Elle..."
Hylios haussa un sourcil.
"On peut entrer quand même ?"
Elle soupira.
"Oui mais ne compte pas sur moi pour te donner à boire ou à manger, et surtout, tu ne reste pas ce soir, ni cette nuit, ni... Jamais."

Elle entra et Hylios la suivit. Elle nous présenta une table de bois qui semblait brut, qui pourissait sous une nappe noire trouée de toute part. Mensol se cachait tant bien que mal derrière le peu de meubles de la maison. Orella le vit.
"Je t'ai dit quoi ? Va-t-en quand il y a des gens ! Je ne veux pas qu'ils te voient. Tu es moche, tu fais peur et tu sais même pas parler."
Les larmes coulèrent sur les joues de Mensol et dégoulinèrent sur la peau lisse qui remplaçait sa bouche.
"Calme toi", dit Hylios. "Il peut rester."
Elle se tourna vers lui.
"Qui t'as demandé de l'ouvrir, toi ? T'es son père peut-être ? Ferme ta gueule, ça ne dérangera personne."
"Je suis son oncle."
C'était vrai. Et si on comptait le fait que j'étais liée à Hylios par des liens plus sacrés que ceux du mariage, alors j'étais sa tante.
"Tu n'es pas son oncle, car je ne suis pas sa mère. Tu entends, toi ? Je ne suis PAS ta mère."
Le pauvre pleurait, il ne pouvait pas hurler, et la peau qui était à la place de sa bouche se tendait, comme si il voulait la briser pour crier. Pour ne plus avoir à contenir sa douleur.
"Il me fatigue. Il est constamment en train de pleurer. Si les parents étaient là..."
Hylios frappa du poing sur la table.
"Orella les parents ne sont PLUS là, et ce n'est pas plus mal ! Pense par toi même. Arrête de te référer à eux."
Orella se mit à pleurer.
"Va-t-en, Hylios Ostanar. Va-t-en, avec les reproches que tu m'apportes. Va-t-en avec l'héritage des parents que tu hais tant. Va-t-en avec celle à cause de qui les parents nous ont abandonné. Va-t-en. Laisse-moi."
Elle s'abandonna sur la table. Elle pleurait. Mensol revint vers elle pour la consoler, les bras ouverts, mais le pauvre se fit aussitôt hurler dessus. C'était décidément pour Mensol que j'avais le plus de peine. Hylios et moi nous sommes levés et sommes sortis.

"Je suis désolé. D'habitude c'est sur moi qu'elle crache ce blâme, mais ta présence lui a fait changer de discours. Ne l'écoute surtout pas. Tu n'es responsable de rien."
Je me sentais mal.
"Et maintenant ?"
Il me regarda.
"On essaie le Conseil Diplomatique ?"
J'ai haussé les épaules.
"Qu'est-ce qu'on risque d'y perdre ?"
"Rien si personne n'a porté plainte contre nous là-bas."

"Le bruit du marteau.
Cours.
Cours.
Loin.
Seule.
L'ami du port noir.
L'amour emprisonné.
Le dernier ami du nouveau royaume.
La lettre.
Liberation."

Edanaelda - Tome 1 - Rien n'a réellement commencé Où les histoires vivent. Découvrez maintenant