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~Il faut que nous partions ce soir. On sera près de Ouest-Ermerille et la nuit, nous pourrons nous éclipser.~
Hylios fit mine d'acquiescer.
~D'accord. Mais comment ferons nous pour retrouver Jaymery ?~
~Je n'en sais rien.~
~J'avais pensé à un endroit où aller après avoir vu Orella. Connais-tu le Conseil Diplomatique ?~
~Je... Non.~
~C'est un endroit particulier où si on a besoin d'aide pour aller quelque part ou pour une guerre, on peut obtenir le droit de se faire défendre lors d'une audience par des conseillers ou d'exposer sa requête devant un jury. Enfin. Peut-être qu'on peut y trouver des aides.~
J'ai réfléchi un moment.
~Peut-être.~

La journée passait lentement. Nous discutions tantôt avec Sofielle tantôt avec Pawen, et les deux se trouvaient être vraiment sympathiques. Nous discutions très peu avec les autres membres de la troupe, car ils ne nous acceptaient pas trop. La plupart avaient grandi ensemble où se connaissaient depuis longtemps, et puis nous ne voulions pas nous immiscer sachant que nous partirions le soir même.
"Comment est-ce, Terre-Noire ?"
Pawen réfléchit.
"Ma mère adoptive m'en a beaucoup parlé. Il paraît que le château est immense. Les plafonds sont si hauts qu'ils semblent dépasser le ciel. Autour, il y a des remparts, que l'on ouvre chaque été quand la neige fond. Les plaines autour sont très belles. L'herbe y est verte, c'est étrange, non ?"
"Euh... Oui."
"Et puis la ville, quand elle est animée est vraiment belle. Les enseignes sont multicolores et les gens semblent n'avoir aucun soucis."
Il semblait fasciné par sa description.
"Votre mère adoptive ?", demanda Hylios.
Il acquiesça.
"Oui. C'est elle qui m'a adopté. C'était la sœur de ma mère, et comme c'était une femme elle ne pouvait hériter du château, quand ma famille déserta les lieux, et soutint de toute son âme que j'étais le fils de la reine et non le sien mais personne ne la croyait. J'ai toujours porté son nom, le nom de jeune fille de ma mère, Eveldon, mais je devrais m'appeler Pawen de Terre-Noire. Je pense que je préfère m'appeler Eveldon. Ma tante était comme ma vraie mère."
J'ai acquiescé. Il avait pris un air sérieux tout d'un coup. C'était étrange de le voir ainsi, car même s'il devait avoir soixante-cinq lunes vertes, il avait vraiment un visage d'enfant. Les deux filles à ses côtés ont commencé à l'enguirlander pour qu'il reprenne son sourire carnassier habituel. J'avais envie de leur dire de le laisser à sa douleur, de le laisser s'en remettre lentement, mais je me suis tue.

"Nous campons ici !"
Tout le monde s'est arrêté. Nous étions d'après les calculs d'Eone à huit lieues de Ouest-Ermerille, et c'était impératif pour Hylios et moi que nous partions ce soir. Nous sommes restés éveillés, dans l'ombre, attendant que le monde s'endorme. Évidemment, Pawen restait debout. Quant à Sofielle, je ne la voyais pas. Hylios et moi nous sommes avancés.
"Que..."
J'ai souri nerveusement devant Pawen.
"Il faut qu'on t'explique quelque chose. Je te parle en tant qu'amie, car tu es roi."
Il haussa un sourcil.
"Quoi ?"
"Nous partons."
"Hein ?"
"Nous ne vous abandonnons pas, mais nous ne sommes pas des Capes-Noires. Nous sommes..."
J'ai regardé Hylios. Il me fit signe de continuer.
"...Les Absolus de Liéssance. Et nous devions nous rendre près d'Ermerille. Et nous pensions que s'immiscer parmi vous était un moyen discret d'y arriver."
Pawen ne semblait pas nous croire.
"Mais il est où, le grand dadais de Vendel, là ?"
"Il nous a quittés à Port-Mourant. On était censés se retrouver à Ermerille."
"Vous avez une preuve de ce que vous dites ? Peut-être que vous n'êtes que des déserteurs."
Oui, j'avais une preuve. J'ai soulevé ma cape et en ai sorti Rouge. Si deux des Capes-Noires avaient été au courant, Pawen était forcément au courant aussi. Il hocha la tête.
"Je ne sais pas vraiment comment dire. Le monde est envers vous. Nous aurons des ennuis si on sait qu'on vous a escortés... Mais nous sommes amis aujourd'hui. Vous pourrez toujours compter sur Terre-Noire."
Il sourit. On fit de même. Mais avant de m'en aller, je me tourna vers lui.
"Au fait Pawen."
"Oui ?"
"J'imagine que tu devras trouver une reine à Terre-Noire."
"Oui, c'est vrai."
"Discute un instant avec Sofielle des prés perdus. Ça en vaut la peine."
Il sourit.
"Je le ferai."
Je souris et nous sommes partis.

Le jour se levait et nous marchions toujours. Mes yeux vibraient et mes pieds avançaient, je ne savais même pas par quel miracle. J'ai marché encore et encore.
"Ma sœur n'habite plus très loin d'ici. Arrêtons nous un instant. Nous reprendrons la marche quand nous serons requinqués."
Ce n'était vraiment pas de refus. Je me suis écroulée sur l'herbe, au pied d'un arbre, l'unique arbre de la plaine ou presque. Le soleil tapait fort et j'étais en train de brûler dessous. Littéralement. Hylios s'est installé au pied de l'arbre aussi et nous avons dormi. Longtemps.
Quand nous nous sommes réveillés, il devait être soleil demi. Midi. J'ai mangé quelques graines qui traînaient au fond de mes poches. Ça me suffisait.
"Allez, reprenons."
J'ai acquiescé et nous sommes repartis.
"Normalement nous sommes chez ma sœur à soleil trois-quarts. Je n'y resterai pas longtemps, je crois que ni moi ni elle n'avons envie de parler."
C'est triste d'en arriver là. Je me demandais toujours pourquoi les parents d'Hylios avaient abandonné sa sœur. Elle a dû mal le prendre. Elle doit haïr le monde entier.
Et Jaymery ? Est-ce qu'il a trouvé seul la maison d'Orella ? Peut-être qu'il s'etait fait attraper par Vendel ? Qu'il est... Mort ?
"C'est là."
La maison était noire. Sous les arbres. Et surtout : seule. Il n'y en avait aucune autre autour.

"Lettre.
L'ami roi.
La tour est haute mais le temps renferme des secrets.
Quand on connaît les créatures du ciel.
L'ancien assassin.
Retrouvons l'ami disparu."

Edanaelda - Tome 1 - Rien n'a réellement commencé Où les histoires vivent. Découvrez maintenant