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"Voulez-vous que je vous conte une histoire ?"
La domestique qui me préparait voyait que j'étais mal à l'aise. Je n'avais pas l'habitude de me poudrer les joues et de mettre du parfum, si bien que quand la domestique commença à me préparer, elle me proposa de me distraire, ce que jaccepta.
"Je vais alors vous conter l'histoire tragique du roi Yauserev d'Erminalle, le défunt mari de notre souveraine."
J'ai écouté.
"C'était un homme valeureux dont la famille descendait d'une lignée de guerriers indomptables et réputés ayant une peau de fer et des épées remplaçant leurs mains. Il est un jour tombé amoureux d'Armirelle des Roses lors d'un tournoi. Il demanda alors sa main à son père, qui accepta, connaissant la réputation de la famille des gouverneurs d'Erminalle. Ils vécurent longtemps ensemble et eurent un fils. Mais un jour, un homme vil, du nom de Meirion, vint au château. Il se présenta comme le frère de la reine."
"L'était il ?"
"Oui, et il l'est toujours. Et cet homme, Meirion des Roses, était affligé de ne pas avoir trouvé d'épouse, et voulut s'imposer comme l'héritier du trône d'Erminalle en tuant le fils du couple royal, étant sûr de devenir roi puisque sa majesté Yauserev n'avait pas de frère ni d'autre descendance. Mais il échoua et tua le père. Sa sœur la reine, devenue veuve et endeuillée, le jeta en prison et fit son fils domestique pour que jamais le frère ne le reconnaisse si jamais il s'évadait. La légende raconte aussi que si la reine a les cheveux si longs, c'est parce qu'elle ne cesse de les faire pousser depuis sa rencontre avec Yauserev d'Erminalle."
"Et le jeune garçon... Est-il encore au château ?"
"Ah ça, oui, c'est même lui qui vous donna votre chambre."
Loupyo, le fils caché de la reine ?
"Est-ce une légende ?"
"Dieu, non !"
Cette histoire me laissa bouche bée. Je ne savais pas si cette domestique avait le droit de me raconter cela, mais cela pouvait rester secret avec moi. Enfin tant que la reine reste honnête et bienveillante envers moi. En tout cas, la domestique avait fini de me pomponner et elle semblait fière de son œuvre. Elle me tendit un miroir et je ne me suis pas reconnue. J'avais les joues roses, plus aucune cerne et les lèvres roses et lisses. Elle remonta une dernière fois le col de ma robe rouge et abaissa un peu le haut du corsage.
"Vous êtes resplendissante", me dit-elle.
"Je vous remercie", dis-je. "Je ne le serais pas sans votre travail."
Elle secoua la tête.
"Que non ! Un peu de poudre ne crée pas la beauté, elle ne fait que la mettre en valeur. Si vous n'aviez pas été belle en dessous, ça n'aurait rien changé à votre apparence laide. Une fille belle avec de la poudre est une fille belle sans poudre."
Je souris. Elle avait l'air si sérieuse. Je me suis levée de mon siège. Le corset de ma robe était très serré et je peinais à respirer.
"Vous vous habiturez vite à cette tenue."
Je souris et sortis de la chambre. J'ai avancé dans le long couloir et suis arrivée dans la salle du banquet. Jaymery et la reine discutaient joyeusement, et Hylios mangeait seul, mutique. Je suis entrée dans la salle. Les regards se sont tournés vers moi. La reine sourit.
"Vous êtes tout bonnement magnifique.", me dit la reine.
Jaymery acquiesça, et Hylios, qui avait relevé la tête, ne put s'empêcher de penser. Je souris à cette entente, et il eut honte de ne pas s'être retenu. Je me suis assise à côté de la reine et en face d'Hylios.
~Excuse moi encore pour cette nuit~, dis-je.
Il releva la tête.
~Non, ne t'inquiète pas. C'est du passé, maintenant.~
J'ai acquiescé.
~Cette robe te va bien~, dit-il.
~Je te remercie.~
Loupyo nous apportait toutes les cinq minutes de nouveaux plats, et à chaque fois la reine lui murmurait des mots à l'oreille, puis lui donnait d'autres indications en l'appelant "mon enfant". Comment avais-je pu ne pas remarquer ce comportement plus tôt ? Peut-etre parce que je ne l'ai entendue parler a Loupyo une fois (les autres j'étais bourrée).
~À quoi penses-tu ?~
Hylios. J'ai lentement relevé la tête.
~J'ai découvert via une domestique que Loupyo était le fils de la reine. Elle le cache à un frère emprisonné qui cherche à le tuer pour récupérer le trône.~
Il acquiesça.
"Vous êtes bien silencieux", dit alors la reine.
Jaymery rit.
"Non, votre majesté, ils pensent. Ils communiquent par la pensée, le plus souvent. Ce n'est pas contre vous, loin de là, mais ça les a sorti de beaucoup de situations."
La reine sourit et commença à se servir du vin.
"J'ai reçu une lettre de Lecrocelle tard dans la soirée", dit-elle. "Il me demande si vous avez pu trouver asile en ma demeure. Je lui ai dit que non, que vous étiez sûrement en train d'errer en forêt."
"Nous vous en remercions infiniment.", répondit Jaymery.

C'était aujourd'hui que j'étais censée rencontrer celui qui avait été le conseiller de la reine Armirelle. Elle m'avait précisé qu'il n'accepterait peut être pas, et cela m'inquiétais. Mais heureusement pour moi, la reine m'annonça qu'il allait me recevoir.
"Loupyo va vous mener à lui et il écoutera vos questions."
Loupyo apparut et me demanda de le suivre. Je n'arrivais plus à le voir comme il était maintenant que je connaissais l'histoire. Il l'avait remarqué.
"Arra vous a conté mon histoire ?", me demanda t il.
J'ai hésité.
"Oui. C'est affligeant ce qu'a fait votre oncle. Je suis désolée pour votre père."
"Vous n'avez pas à l'être, vous n'êtes en aucun cas responsable de ce qui m'est arrivé."
J'ai gravement acquiescé.
"Mon vrai nom est Lowray.", me dit alors Loupyo. "Mon père voulait que mon nom évoque un ancien grand guerrier de la famille d'Erminalle. Ma mère l'a transformé en un nom de garçon du peuple pour qu'il y ait plus de confusions chez mon oncle au cas où il s'évaderait."
Lowray. C'est un vrai nom de seigneur, et, un instant, Loupyo m'est apparu comme un vrai souverain, un héritier. Il ouvrit une porte et m'invita à entrer, ce que fis, et il ferma la porte derrière moi.
"Bonjour", dis-je.
Silence.
"La reine m'a dit que vous pouviez peut-être m'éclairer sur mes questions."
Un homme âgé s'avança du fond de la salle. C'était parfait. Il devait avoir beaucoup d'expérience et des réponses à m'apporter.
"Je vous écoute."
Je me suis raclé la gorge.
"Lorsque j'étais à Vendel et que j'étais sous Gelienne, une voix m'a interpellée. Elle m'avait proposé un jeu. Un jeu sanglant où l'issue était soit la mort soit la vie. Heureusement pour moi j'ai réussi à m'en sortir. C'était une jeune fille, je ne l'ai pas vue. Elle avait une voix étrange qui semblait sortir d'outre-tombe et ne faisait que rire, et je voulais savoir qui elle était."
"Marsha.", répondit le vieil homme.
"Je vous demande pardon ?"
Le vieil homme s'approcha.
"C'est une démone. Elle se nomme Marsha. Il faut que je t'explique quelques petites choses. Ici, les démons sont les enfants des Absolus "sombres", qui veulent le mal, et de la magie noire. Marsha est la fille du Maître et de la mauvaise magie. Tous les Absolus qui sont tourmentés sont accostés par elle. Elle dirige un endroit qui s'appelle la Pièce Noire qui est le lieu de recueil des personnes à l'esprit tourmenté. Elle a la réputation de faire des jeux de ce type avec les gens de la Pièce Noire."
Marsha. La fille du Maître.
"Mais elle n'est pas... Je veux dire, elle est un esprit ou une personne physique ?"
"Je suis désolé. C'est une démone. Tu le sais mieux que moi. Je ne fais que recueillir des témoignages, et c'est là que j'obtiens mon savoir."
J'ai acquiescé. Cet homme n'avait décidément pas l'intention de m'en dire plus.
"Merci."
Je suis partie.

"Nuit.
Jour.
Noir.
Mort.
Je suis née de nouveau.
Pluie sur mon visage.
Colère du ciel.
Le voyage doit continuer."

Edanaelda - Tome 1 - Rien n'a réellement commencé Où les histoires vivent. Découvrez maintenant