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"Je ne comprends toujours pas pourquoi nous avons quitté la reine si vite", dit Jaymery alors que nous allumions le feu.
"Il le fallait.", dit alors Hylios. "Les rêves des Clairvoyants sont particuliers, il ne faut pas les prendre à la légère."
Le feu commença à s'allumer.
"À combien de lieues sommes nous de Port-Mourant ?"
"Sept", répondit Jaymery. "Trois de la lisière de la forêt. Nous seront rapidement sur les plaines, nous dormirons à couvert encore demain, puis après nous aurons le droit à un vrai lit. Du moins je l'espère."
Il soupira et remit du bois dans le feu qui prenait de l'ampleur.
"Quelles villes sont susceptibles de se rallier à Vendel ?"
Jaymery leva les yeux.
"Eh bien... Déjà on sait que Seynhal est contre nous, puisque les deux villes ont fait alliance suite au marriage de Lecrocelle et d'Ysamarine. Ensuite, je pense que si un jour vous êtes vraiment recherchés, les trois pôles de Solergrade se feront une joie d'avoir vos tête. Puis les villages de Vendel, donc Sud-Vendel, Est-Vendel, Nord-Vendel, etc."
J'ai regardé un instant le feu.
"Est-ce plus que l'alliance des trois Er ?"
Jaymery secoua la tête.
"'Non, mais pendant la guerre des Lunes, il y a plusieurs centaines de lunes vertes, c'est Vendel qui a le plus combattu et elle a remporté toutes ses batailles sans exceptions. C'est pour cela que leur emblème est le soleil."
"Ce sont des combattants aguerris."
"C'est le cas de le dire."
Je me suis levée puis je me suis adossée contre un arbre non loin du feu. Hylios et Jaymery discutaient des mailleures décisions à prendre quant à la suite du voyage, tandis que je sortais Rouge de son fourreau. Je l'ai longtemps admirée. Le feu faisait luir d'un magnifique éclat sa lame pourpre.

"Debout, il faut que nous nous remettions en route."
Je me suis péniblement levée, Rouge dans les bras. Je me suis empressée de la remettre dans son fourreau et je me suis étirée.
"Bon. Normalement nous serons près des plaines vers soleil trois-quarts."
"Nous n'irons pas plus loin ?"
"Non. À moins que tu veuilles dormir dans les plaines ?"
J'ai secoué la tête et Jaymery s'est mit en marche. Hylios et moi l'avons suivi. La forêt était de plus en plus dense, et je ne comprenais même pas comment les chevaux à l'allée avaient pu s'y aventurer.
"Quelle est l'histoire de Port-Mourant ?"
Jaymery tourna la tête vers moi.
"Eh bien... C'était il y a très longtemps, c'était un port radieux qui avait été bâti par Tamen de Terre-Noire, un riche seigneur."
"Terre-Noire ?"
"C'était une cité royaume. Mais aujourd'hui elle n'existe plus. Personne ne sait pourquoi. Il ne devait pas y avoir d'héritiers ou je ne sais quoi. Bref. À la mort de Tamen, il y a... Pas si longtemps, d'ailleurs. Enfin. À sa mort, le port tomba en ruine, plus personne n'y vient et il périt lentement. C'est aujourd'hui un repaire de malfrats, des lieux de rendez-vous pour des brigands. Le seul aubergiste du village fait fortune, ça c'est certain."
Et c'était là que nous allions ?
"Où était Terre-Noire ?"
Jaymery haussa les épaules.
"J'en sais rien du tout, désolé. Je n'ai jamais vraiment quitté Vendel."
J'ai regardé le sol. Il y avait eu une cité royaume qui était morte ? Où étaient ses anciens habitants, aujourd'hui ? Est-ce qu'il y en avait encore ?

La nuit tombait.
"Vous voyez", dit Jaymery. "Les plaines sont là-bas."
Il pointait du doigt un minuscule lopin de terre bleue. Pas de doutes. C'était cette herbe qui bordait la cité soleil et le temple.
"Demain nous marcherons à découvert, alors vous devrez mettre vos capuches."
J'ai acquiescé.
Jaymery s'occupa de faire le feu. Hylios est resté près de moi.
"Je ne sais pas où ça nous mène cette histoire."
"Moi non plus. Peut-être que ma sœur saura."
"Je ne sais pas. Et puis... Peut-être que ça ne servira à rien, qu'elle te tuera quand même."
Une larme roula sur ma joue.
"Ou pas."
"Tu sais..."
"Oui ?"
Il semblait très sérieux.
"J'ai vu le frère de la reine d'Erminalle avant de partir. Il avait servi un moment le Maître. Il m'a dit que le Maître me considérait comme une traître aux Ponts. Que je leur faisait honte."
Hylios s'approcha.
"Ne les écoute pas. Jamais."
J'ai souri, puis j'ai fermé les yeux.

"Comme un poing sur le bois.
Frayeur.
Ils viennent vers moi.
Stupeur.
J'ai couru au dehors.
Vite.
Beaucoup trop.
J'ai volé un cheval.
Je ne me suis pas arrêtée.
Les larmes.
Elles coulaient.
Elles ne voulaient plus s'arrêter."

Edanaelda - Tome 1 - Rien n'a réellement commencé Où les histoires vivent. Découvrez maintenant