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"C'est comment vos noms ?"
L'homme était venu vers nous. Il avait avec lui deux femmes, une sur chaque épaule. Elles semblaient vraiment stupides, et lui ne semblait pas s'en apercevoir. Je trouvais ça pathétique.
"Je... moi c'est..." Hylios me regarda. Il fallait qu'il trouve un nouveau nom. "Euh..."
L'homme se mit à rire.
"Je déconne. Je m'en fiche, bienvenue dans la troupe. Moi vous me connaissez, mais je me présente quand même. Je suis Pawen de Terre-Noire, mais vous pouvez m'appeler Pawen Eveldon, je préfère."
Je suis restée bouche bée. Nous étions avec l'héritier de Terre-Noire. J'allais dire "quelle coïncidence" mais je me suis souvenue de ce qu'avait dit Hylios, et j'ai arrêté de penser que le hasard jouait encore.
"Et du coup", recommença t il, "Vous êtes prêts à reconquérir votre royaume perdu, les amoureux ?"
J'ai rougi. J'avais l'impression de fondre sous la chaleur.
"Euh..."
Il rit de nouveau.
"Ça va, calmez vous. Je vous présente la troupe des Capes Noires, si vous voulez."
Nous avons acquiescé.
"Donc. A ma gauche Malla, à ma droite Shaan. Derrière vous mon meilleur ami, Eone, et sa fiancée Saren. Plus loin Asper et Jonel. Derrière les héritiers des prés perdus, puis ceux des terres bleues. Puis moi, Pawen. Et vous. C'est tout."
Il ouvrit les bras pour nous inviter à rejoindre la troupe.

Nous sommes donc allés un peu au fond, entre deux garçons et une jeune fille mutique.
"C'est dingue, quand tu t'imagines que le royaume d'Erminalle a refusé pendant tout ce temps de partager ses biens, et j'ai appris d'un gars qui était à Ermise qu'Erminalle avait offert à un des deux Absolus une épée rouge absolument unique."
J'ai caché Rouge tant bien que mal sous ma cape.
"Mais c'est pas faux ?"
"Non, Eone l'a confirmé. Je te jure ! En ce moment ils sont avec le chef templier de Vendel. À pied. Ils sont malades."
Hylios et moi faisions tout notre possible pour paraître blasés de ces histoires, mais c'était dur.
"Drôle d'époque, pas vrai ?", nous demanda la jeune femme. "Je trouve ça étrange ce qui arrive. Une espèce d'avant guerre. Un temps trouble."
Nous avons acquiescé.
"Je ne me suis pas présentée, pardon", dit elle d'une voix douce. "Je m'appelle Sofielle."
Elle parlait extrêmement bas, et il fallait vraiment tendre l'oreille pour avoir une chance de capter ses mots. Elle est restée muette. Elle regardait loin devant elle. Elle regardait Pawen. Quand elle eut vu que j'avais remarqué où elle regardait, elle se mit à rougir.
"Je... Drôle de situation, n'est-ce pas ?"
Je souris. Au moment où je m'apprêtais à répondre, une voix vint de devant.
"Eh les nouveaux !"
Pawen. Nous avons alors avancé. Il était devant, toujours avec ses filles accrochées aux épaules. On aurait sir des excroissances. Elles devaient faire du mal à la pauvre Sofielle.
"Vous venez d'où, au fait ?"
Hylios m'a regardé.
"Eh bien... De Terre-Noire."
Pawen sourit.
"Vous êtes marrants. Ça m'arrive pas souvent de me faire des amis avec les gens de la troupe, mais vous, vous m'avez l'air particulièrement sympa."
J'ai souri.
"Bon.", dit Pawen. Il leva les bras. "On campe ici !"
Et tout le monde s'est arrêté.

Le feu crépitait. Pawen était debout, seul. Enfin, pas tout à fait. Sofielle était debout aussi, mais restait loin de lui. Hylios était endormi à côté de moi.
"Toi aussi tu n'arrive pas à dormir", me demanda Pawen.
J'ai secoué la tête.
"Vous êtes très secrets, vous deux. Vous avez un truc à cacher ?"
J'ai secoué la tête encore une fois.
"Tu es muette ?"
"Non, pas du tout."
Il sourit et remit du bois dans le grand feu.
"Cette troupe, c'est comme ma famille. C'est mon peuple. Il faut que je les protège. Demain, nous nous arrêterons près d'Ouest-Ermerille. L'un de vous connaît Ermerille ?"
"Non."
Il acquiesça gravement. Il fallait que nous partions. Demain soir. Je ne savais pas si il fallait garder contact avec Pawen. Si il atteignait son royaume et qu'il devenait roi, une ville de plus avec nous ne serait pas de refus. Mais il est tard pour penser à cela. Je me suis collée à Hylios et je me suis endormie.

Soleil. Je le voyais à travers mes paupières. Hylios s'est mis à bouger. J'ai ouvert les yeux. Personne n'était debout encore. Je me suis levée péniblement et je me suis frotté les yeux. Si Pawen s'était endormi, ce n'était pas le cas de Sofielle. Je vint vers elle.
"Tout va bien ?"
Elle me regarda.
"Je, euh... Oui. Merci."
Malla et Shaan ont commencé à vouloir réveiller Pawen en gloussant comme des pintades. Ridicule.
"Elles m'agacent", dit Sofielle. "Il ne voit pas qu'elles ne sont là que pour devenir reines de Terre-Noire. Que pour les belles robes, l'argent."
Je le voyais bien. Malla et Shaan étaient des femmes incroyablement vénales et Pawen ne le remarquait pas. Il était persuadé qu'elles l'aimaient, et il souriait comme un bienheureux. En plus de cela, même si pour l'instant elles semblent bien s'entendre, il arrivera un jour où elles s'arracheront les cheveux car elles se rendront compte qu'elles sont en concurrence. Sofielle soupira.
"Il faut que j'arrête de rêver", dit elle. "Pawen est un roi, moi je ne viens que des prés perdus, et je ne peux rien faire face à des filles comme ça qui savent séduire."
Je n'ai rien dit. Hylios me regardait de loin et me faisait signe de venir.
"Excuse moi", dis-je.
Je suis allée le voir. Pawen était debout, avec les deux filles aux côtés. Il demanda à tout le monde de se remettre en marche, ce que nous avons fait. Personne ne parlait. Je cachais tant bien que mal Rouge, qui prenait trop d'ampleur sous ma cape. Visiblement les nouvelles vont vite, et le meilleur ami de Pawen, Eone, est une référence en terme d'actualités. Il fallait que nous partions ce soir. Il fallait qu'on tente de dire la vérité à Pawen pour essayer de s'en faire un ami. Nous avons déjà trop d'ennemis ici, et un allié de plus ne serait pas de refus.

"Cheval.
Pleurs.
Fuite.
La fontaine guéris ou tue.
Tu as le choix.
Amulette bleue.
Les trois pôles ou la tour."

Edanaelda - Tome 1 - Rien n'a réellement commencé Où les histoires vivent. Découvrez maintenant