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"Histoires d'amour.
Histoire de sang.
Dormez tant que vous le pourrez.
Dormez jusqu'à votre dernier souffle.
Dormez pour que plus personne ne souffre."

Le soleil ne s'était même pas encore levé quand nous sommes repartis. Jaymery nous avaient forcé à nous réveiller tôt pour que nous nous remettions en marche.
"Je ne sais même plus où on va", dis-je. "Avant, avec la formation, ça nous donnait l'impression d'avoir un but, un lieu où aller. Maintenant, je ne sais pas pourquoi on va à Erminalle. Et où irons nous après ?"
Jaymery continuait à avancer.
"Avant de nous préoccuper de l'avenir, préoccupons nous du présent. Nous sommes en cavale et ce qui importe est d'être à l'abri."
Hylios vint se positionner à côté de moi.
"Je comprends que tu sois perdue. Je le suis aussi. Mais à partir de maintenant notre vie ne sera plus que fuite. Et si Lecrocelle et Elvirae avaient raison et qu'une guerre se prépare, il faudra être prêts à se battre."
Jaymery tourna la tête et sourit.
"En plus visiblement ce n'est pas un problème pour toi, jeune fille."
Je souris.
"Et donc", dis-je, "Où se trouve ce château d'Erminalle ?"
Jaymery haussa les épaules.
"Personne ne sait. Ou alors ça n'a jamais fuité. En tout cas, d'après les dires, des archers d'Erminalle vous capturent et vous bandent les yeux avant de vous guider jusqu'au château de manière à ce qu'aucun étranger ne sache y aller seul."
J'ai regardé un instant la forêt silencieuse autour de moi.
"Donc on attend qu'on nous attaque, en gros."
"Ouais."
Génial. La forêt était de pins et de fougères, et la terre était sableuse. Les chevaux semblaient plutôt bien progresser dans les allées. Quelque chose me gênait : je ne savais pas si ils allaient accepter de nous laisser passer sachant que Jaymery était de Vendel.

Une flèche fusa près de moi et vint se ficher dans un tronc à quelques centimètres de mon crâne. Les chevaux ont commencé à s'énerver.
"Stop.", dit alors Jaymery. "Je suis Jaymery Enstel, traître de Vendel, et je viens pour aller au château argent m'entretenir avec la reine. Je suis accompagné des deux Absolus de Liéssance que Lecrocelle à tenté de tuer à Vendel."
Il se tourna vers nous.
"Montrez leur vos couleurs de tuniques."
J'ai alors d'une main descendu l'épaule de mon manteau afin de faire apparaître le rouge flamboyant de mes manches.
Silence.
Trois hommes s'avancèrent vers nous, les arcs bandés.
"Répétez vos noms.", dit l'un d'eux.
"Nous fuyons Vendel, car le roi Lecrocelle a tenté de tuer la jeune Absolue de Liéssance pour finaliser une alliance avec le Maître."
J'ai continué à arborer mes couleurs.
"Avez vous une preuve vérifiable de ce que vous avancez ?" demanda un autre homme.
Jaymery s'est tourné vers moi.
"Avant de partir de Vendel, j'ai mutilé le roi en lui marquant le mot "traître" sur la gorge avec un couteau. J'imagine que bientôt beaucoup de gens seront au courant."
Les trois hommes se sont regardés puis, après un court moment de concertation, ont sorti trois bandeaux de leur sacoches.

Quans ils enlevèrent les bandeaux, le soleil m'a beaucoup éblouie. Je m'en suis protégée tant bien que mal avant de m'y accoutumer mieux. Nous étions devant un paysage d'une extrême complexité. Le château argent brillait d'un bel éclat sous le soleil. Il était sur une partie de terre entourée de précipices dans lesquels s'ecoulaient des cascades d'eau claire, et sur lesquels étaient tendus de longs ponts suspendus.
"Allez-y", nous ont dit les trois hommes. "Nous ne pouvons pas franchir ce pont, nous ne sommes que des éclaireurs. Nous vous prendrons en charge de l'autre côté."
Nous sommes descendus des chevaux et avons commencé à passer sur le pont suspendu en les tenant par la bride. Le pont semblait interminable et tanguait. J'ai eu beaucoup de mal à tenir, mais j'en suis venue à bout. De l'autre côté, une jeune fille est venue vers nous.
"Vous pouvez me confier vos chevaux", dit elle. "A qui appartiennent ils ?"
Jaymery lui tendit son cheval.
"À Lecrocelle. Mais gardez les. Ne lui rendez jamais."
La jeune fille parut étonnée, mais accepta tout de même. Personne ne dit non à des chevaux. Surtout pas à des chevaux comme ceux-ci. Nous nous sommes dirigés ensuite vers le château. Nous avons poussé les lourdes porte en bois pleines de lierre et sommes entrés. La reine était assise sur un trône de bois fleuri. À notre vue elle se leva. C'était une femme d'une grande beauté, elle devait avoir beaucoup d'effet sur les hommes. Sur Jaymery, notamment. Elle avait une peau rose, des cheveux noirs qui descendent jusqu'au sol, et portait une robe jaune attachée par une ceinture brune tressée. Sur sa tête reposait un fin diadème d'argent.
"Bienvenue en mon royaume. Je suis Armirelle d'Erminalle, reine d'Erminalle. J'ai eu écho de ce qui vous est arrivé à Vendel, et sachez que vous avez tout mon soutien. J'aimerais pouvoir vous dire que vous êtes en sécurité ici, mais je pense que la notion de confiance doit être plus complexe pour vous à présent. Laissez-moi tout de même vous convier à ma table."
Nous avons lentement acquiescé et la reine à souri.
"Je vais vous trouver des appartements convenables. Loupyo !"
Un jeune garçon se détacha du mur.
"Loupyo, mon enfant, trouve à ces jeunes gens de confortables appartements. La durée de leur séjour n'est pas encore déterminée."
"Bien ma reine."

J'étais la dernière à avoir ma chambre. Loupyo me fit entrer.
"Donc voici la vôtre. Elle est pourvue comme celle de votre lié, d'une porte communiquante, sur demande de sa majesté. Je vous laisse vous installer."
Il a fermé la porte derrière lui. J'en ai profité pour inspecter un peu ma chambre. Le lit comportait de splendides reliures représentant l'histoire du royaume d'Erminalle. J'étais en train de les déchiffrer quand quelqu'un a toqué. Je suis allée ouvrir.
"Bonjour", me dit une domestique. "Sa majesté vous apporte des robes pour que vous puissiez vous changer. De plus, elle souhaite s'entretenir avec vous un instant lorsque vous serez disposée."
"J'accepte avec joie", dis-je en voyant les robes.
La domestique ferma la porte. J'ai alors verrouillé la porte communiquante et celle d'entrée et je me suis changée. Je n'avais pas remarqué que ma robe avait été si salie par le voyage. Je la portais depuis le jour où j'étais censée être "malade" à Vendel, c'est à dire il y a longtemps, de plus, j'avais passé la nuit dans la forêt allongée sur le sol mouillé. Il me fallait effectivement un changement de toute urgence.

Je suis arrivée dans la grande salle du trône. La reine, à ma vue, se leva, me sourire aux lèvres. Elle me salua et m'emmena dans un petit salon. Elle me proposa un siège et s'installa en face de moi.
"Je voulais que nous parlions un instant de ce qui s'est passé à Vendel afin d'éviter le sujet au dîner."
"Je comprends."
J'ai tout raconté à la reine. La voix, la réunion, le jeu, la découverte de l'alliance, tout. La reine leva un doigt lorsque j'eus fini.
"Si je peux me permettre, il y a un mensonge qui vous a échappé. La Gelienne n'est pas du tout une nouvelle technologie. Elle a été inventée il y a huit cent lunes vertes pour la guerre. C'est une machine qui a tendance a être oubliée en temps de paix mais qui est toujours présente."
Encore un mensonge. Au diable, Vendel.
"Puis je vous demander un service ?"
"Bien évidemment."
"J'aimerais pouvoir m'entretenir avec votre conseiller pour savoir quelle était cette voix. Je me suis dit qu'un Absolu mieux expérimenté saurait peut-être me guider."
La reine sourit d'un air désolé.
"Je suis navrée, mais il n'y a pas de conseiller ni de roi ici. Je suis seule. À la mort de mon mari, j'ai défait mon conseiller de ses fonctions. Mais si vous le voulez je peux vous permettre de le rencontrer demain. S'il accepte."
"Ce serait fantastique."
Elle sourit.
"Dans ce cas je vous remercie. Nous nous voyons au dîner."
J'ai acquiescé ses propos, puis je suis partie.

Edanaelda - Tome 1 - Rien n'a réellement commencé Où les histoires vivent. Découvrez maintenant