Chapitre 7

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Je traversai le salon en faisant attention à où je posais les pieds, la fumée opaque s'étant à peine dissipée. Je voyais cependant des corps étendus sur le sol et j'en comptais une bonne dizaine sur mon chemin. Je remis mes chaussures dans l'entrée avec empressement, n'ayant qu'une seule envie, celle de me barrer le plus loin possible d'ici. J'arrivai enfin à la porte laissée grande ouverte, Toru sur mes talons. Je poussai un sifflement admiratif sous mon masque en m'avançant sur la terrasse. Le reste des yakuzas était éparpillé dans la cour. Ils étaient tous inertes, mais aucun ne semblait être blessé. Tournant la tête vers Toru, je montrai mon approbation d'un mouvement de tête. Cette fois, il s'était surpassé... Maîtriser une trentaine de yakuzas armés jusqu'aux dents sans la moindre effusion de sang (si on oubliait mon frère...), ce n'était pas donné à tout le monde ! Il me fit une révérence théâtrale et je rigolai.

Poursuivant notre route, nous sortîmes de la propriété et nous rejoignîmes la moto, qui n'avait pas bougé de place. Je retirai mon masque et j'inspirai goulûment un grand bol d'air frais. Expirant un nuage de buée, je sentis l'adrénaline et la tension quitter lentement mes veines. Mais je me mis subitement à frissonner. Oula, c'était mauvais signe, ça... Baissant les yeux instinctivement vers mes mains, je vis que je tremblais. Et merde. Je serrai et desserrai les poings alternativement, tentant d'arrêter mes tremblements, sans succès. Putain, pas maintenant... Fermant les yeux, je tentai de me concentrer sur ma respiration, mais elle devint progressivement de plus en plus irrégulière. Bordel, mais reprends-toi, merde !


« Crow, ça va ? »


J'ouvris les yeux et fixai Toru, qui venait d'enlever son masque. Tentant de nouveau de contrôler ma respiration, je fis « non » de la tête rageusement et réussis à prononcer dans un souffle :


« Ramène-moi à la maison. »


Comprenant ce qui était en train de m'arriver, il n'attendit pas une seconde de plus. Il vint vers moi et, me tenant par la taille, m'aida à monter sur la moto. Il s'assit en suivant sur la selle et alluma le moteur, sans prendre la peine de sortir nos casques. Je m'accrochai à sa veste, si fort que mes jointures blanchirent, et plaçai mon front contre son sac, inspirant et expirant par la bouche rapidement.


« - Respire, Crow, respire. M'enjoignit-il en faisant basculer la béquille.

- Je sais. Dis-je en expirant, sentant cependant mes tremblements se répandre dans mes avant-bras.

- On va être rendus en un clin d'œil. Surtout, ne me lâche pas. »


Il démarra et nous filâmes à toute vitesse dans les rues sombres, ne laissant derrière nous qu'une traînée de lumière rouge. J'essayai de me concentrer sur la sensation du vent glacé fouettant mon visage, mais cela ne fit qu'amplifier mon malaise. Basculant brusquement la tête en arrière, je fixai l'immense ciel obscur constellé d'étoiles argentées, et un cri se forma dans ma gorge. Le retenant à grande peine, je sentis mes yeux s'humidifier et mes mâchoires se crispèrent. Je suis en sécurité. Ça va aller, ça va aller. On est tous les deux sains et saufs. Tous les deux... Toru retira sa main droite du guidon et attrapa la mienne avec force. Ramenant ma tête vers l'avant, je croisai son regard inquiet dans le rétroviseur et mon cri reflua doucement. Je déglutis et ma prise sur sa veste se renforça. On est bientôt rendus, on est bientôt rendus, on est bientôt rendus... Arrivant à un virage, il lâcha ma main et j'enfouis de nouveau mon visage dans son dos, répétant cette litanie sans interruption.

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