"la brundinette"
Ce surnom était à la fois rabaissant et malveillant. Et l'objectif de son utilisation était clair. Toute l'attention était maintenant portée sur moi. On attendait que je réagisse. Mais les engrenages qui composaient la partie de mon cerveau consacrée à la réflexion tournaient à plein régime. Je devais analyser la situation.
Le test n'était donc pas fini. Sauf si l'on croyait la Gouvernante. Mais le fait que je sois la seule à devoir partir ne concordait pas avec le fait que tout était fini. Si c'était le cas, il n'y avait plus d'intérêt à nous placer dans des situations particulières. Donc pas d'intérêt à ce que je sois là seule à devoir partir, et qu'Amber et Julia restent dans la salle de l'épreuve sans information leur expliquant le pourquoi du comment. À moins que nous conduire une-à-une à la salle des résultats constituait la "dernière chose à régler" dont parlait le garçon. Dans ce cas, le Gouvernante ne fait que nous laisser mijoter, sans pour autant nous mettre à l'épreuve.
Je ne devais pas être loin de la réalité. À première vue en tout cas, aucun élément venait s'opposer à cette déduction. Je me rendais dans la salle d'examen, bientôt suivi par Julia et Amber.
Alors je fis un pas en avant, suivis d'un autre, me détachant de la ligne que les filles et moi avions formée inconsciemment face à lui.
Amber venait sûrement de comprendre que je n'allai rien répondre, car elle s'indigna :
— Tu n'es pas sérieuse Louise. Tu ne vas quand même pas y aller ?
— Je ne pense pas pouvoir faire autrement, dis-je en continuant d'avancer. On se rejoindra tout à l'heure (je fis un signe de la main pour accompagner ma déclaration).
— J'espère.
"Moi aussi" pensai-je en suivant le garçon, du pas le plus assuré que je réussi à faire.
J'entrai dans la cabine d'ascenseur avec lui. Un soupir d'agacement m'échappa lorsque j'aperçus un sourire satisfé se dessiner sur ses lèvres.
Il appuya sur un bouton est ce positionna face à un boîtier. Un faisceau lumineux vert lui traversa le visage, semblable celui de la porte de notre logement familiale. Ensuite le faisceau disparu et les portes de la capsule se fermèrent. Nous nous élevâmes devant les visages interrogateurs d'Amber et Julia.
La cabine montait en silence. Je n'avais aucune envie de parler, et encore moins avec lui. Je fixai mes yeux droit devant moi, à travers la parois transparente de l'ascenseur. J'admirais (si c'est le bon mot, car ce n'était pas si beau que ça) la netteté des murs blancs qui paraissaient descendre alors que c'était nous qui montions.
Il interrompit mon silence volontaire :
— Tu as des questions ?
Je fis signe que non. J'avais en réalité une tonne de questions à lui poser. En commençant par la plus évidente : où allons-nous vraiment ? Mais je préférerais garder ces interrogations pour moi-même plutôt que de le lui demander. Il m'avait déjà assez humiliée aujourd'hui, notamment avec la passoire, et je n'allais certainement pas lui donner l'occasion de recommencer.
Question d'honneur. Ou d'égo, finalement.
Il me regarda quelques instants, scrutant le moindre mouvement de mon visage qui trahirait ma fierté mal placée. Puis il sourit faisant apparaître deux mignonnes petites fossettes.
— Je suis sûr que si. Dit-il victorieux, comme s'il avait réussi à avoir la preuve que je mentais.
— Non.
— Comme tu veux, capitula t'il.
J'aurai pensait qu'il serait un peu plus coriace que ça. Cette fois-ci, c'est moi qui affichait un sourire satisfé de cette mini-victoire.
La cabine quant à elle continuait de monter. L'étage dans lequel nous étions pour l'épreuve, était déjà bien bas. Je voyais le rez-de-chaussée qui se faisait de plus en plus petit à travers le sol vitré. Nous continuons de nous élever et soudainement ma tête commença à tourner. Je clignai énergiquement des yeux dans le but de vite évacuer ce petit vertige. Mais visiblement, ce dernier était plus batailleur que je ne l'avais prévu.
J'essayais de rester la plus neutre possible mais plus l'on montait, plus ma vision de troublait.
Je fermai les yeux et respirai profondément pour me calmer mais je dû le faire trop fort car mon tourni redoubla d'intensité.
Au fait, j'avais peur. Sans vraiment m'en rendre compte, me mis à tripoter le bout de ma manche. Je ne voyais presque plus rien. La sensation de malaise, elle, continuait de plus bel. Mes doigts pliaient et dépliaient successivement le bout de ma combinaison. Ce rituel ne m'apportait rien de concret. Mais je sentais le besoin urgent s'occuper mes mains. Je tirais le tissu de plus en plus fort, jusqu'à ce qu'il commence à craquer.
— Stop ! Criai-je enfin.
Surpris, le jeune homme eu l'intelligence d'appuyer sur un bouton rouge, ce qui arrêta instantanément l'ascenseur. Sans pour autant nous faire redescendre. Il se tourna ensuite vers moi et me dévisagea bizarrement. Mais peut-être était-ce moi qui étais bizarre à ce moment là.
— Qu'est ce qui a ? Tu m'as fait peur.
Je ne répondis pas. Ma respiration se fit de plus en plus forte. Mon cœur faisait des bonds impressionnants. Il battait plus vite que je l'en croyais capable. Je laissai tomber l'idée de ne pas montrer mon malaise. Après mon hurlement, ça ne servait plus à rien.
— Ça ne va pas ? Me demanda-t-il. Louise, qu'est-ce qu'il se passe ?
Je me contentai de tourner la tête, signe de négation, tandis que mes paupières se baissaient lentement. Je me sentais balancer. Je voulais rester debout mais j'avais l'impression que mon corps lui préférait l'attraction du sol. Je jetai un regard vers le bas, que je ne voyais maintenant plus. Je finis enfin par obéir à mon corps et me laissai tomber contre le sol rafraîchissant de l'ascenseur.
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Three Thousand One
Science FictionLa loi n°007 stipule que : Chaque famille ayant un membre âgé de seize ou dix-sept ans, doit envoyer son enfant, selon l'année qui lui aura été conseillée, au Directoire. Il répondra ainsi au bilan de ses caractéristiques. Et la loi n°008 ajoute : ...