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J'aurai dû m'en douter.

Évidemment que je connaissais cette voix, je l'entendais tous les jours. Vraisemblablement, le fameux propriétaire de la voix n'avait rien d'autre à faire que de me foutre une des plus grosses frousses de ma vie. Ce n'était pas comme si on passait notre test dans quelques heures à peine. Quel imbécil. Je me sentis devenir rouge de rage et me remplis d'adrénaline. En une fraction de seconde, j'ouvris les yeux et sauta sur mon adversaire qui avait baissé sa garde.

— Mais t'es con j'ai eu trop peur ! M'exclamai-je devant le visage hilare de mon frère.

— J'avoue que quand j'ai vu la tête que tu avais affiché, je le suis dis que ce n'était pas une si bonne idée finalement. Comment je pouvais savoir que tu réagirai aussi excessivement ?

— Mais comment j'étais sensé réagir ? J'ai frôler l'arrêt cardiaque !

— N'empêche, tu t'aurais essayer de me coller des baffes...

Mais devant sa mine si fière, je ne pus m'empêcher de rire à mon tour, évacuent par la même occasion toute l'angoisse qui était montée en moi.
Et moi, même pas foutu de rester sérieuse trente secondes pour l'engueuler. J'en voulu un instant à moi même.
D'accord MAINTENANT c'était drôle. Mais il était hors de question qu'il ne me refasse un truc dans le même genre.

Cet imbécil qui me servait de frère s'appellait Ethan et était mon ainé d'un an. Sa vie comptait dix-sept années. Il a été une des rares personnes qui a été autorisé à choisir l'année de son test, évidemment entre l'année 3000 et 3001– pour que la tranche d'âge soit respectée. Mes parents ont choisi pour lui l'année 3001, pour que nous puissions le passer le même jour.
J'ai passé toute mon enfance avec lui. Il a été un grand frère exemplaire. Depuis petit, nous sommes très proche.
Ethan est quelqu'un... qui aime beaucoup rigoler, quitte à faire des blagues qui ne plaisent pas à tout le monde. Et moi, je suis toujours là à côté de lui, pliée en deux tellement j'en ris, ce qui nous vallait des punitions à tous les deux. Sauf cette fois-ci. A sa place je ne serai pas fière. On peut pas dire que cette farce soit la plus hilarante sur le coup.

Malgré son petit air malicieux, Ethan est quelqu'un qui sait aussi être sérieux. Si c'est le bon mot.
Je me souviens d'un jour où pour me défendre, il avait envoyé son poing en plein dans la figure d'un garçon, qui en tomba à la renverse. Les yeux d'Ethan n'étaient plus les mêmes : la petite lueur d'innocence avait disparu. Mais au contraire, c'est à partir de ce jour là que je me suis rendu de qui était vraiment mon frère. Ce n'était pas seulement un garçon qui adorait les mauvaises blagues,   c'était aussi un garçon qui, malgré sa joie de vivre débordante, était déterminé pour défendre ses convictions. Je ne ME qualifie pas de conviction, je veux juste dire qu'il défend ce qui lui semble être important de défendre. Et on ne peut pas le lui reprocher.
Cependant, ce geste ne pouvait pas rester sans conséquence. Quelqu'en soit les raisons, toucher quelqu'un qui n'est pas de notre logement familiale est formellement interdit. Et c'est à l'unanimité que le Système lui donna un avertissement.

Chaque Section doit obéir aux lois. Un avertissement est donné à quelqu'un lorsqu'une faute n'est pas jugée assez grave pour que la personne soit retirée du Classement. C'est une sorte de deuxième chance.
Mais je pense surtout qu'à cette époque, Ethan était trop jeune pour être exclu.

Une heure plus tard, Ethan et moi décidâmes qui était temps que nous rentrions au risque de faire de mauvaises rencontres. Nous n'avons pas le droit de sortir ainsi durant le couvre feu. C'est une de nos lois. A partir de vingt-deux heure, les gardes de nuit sortant tout droit du Directoire commencent leur garde. Ils tournent ainsi jusqu'au lendemain matin, huit heure, pour être précis.
Leur effectif est d'au moins le double de celui des gardes de jour. Et pour cause, nombreux sont aujourd'hui les petits fêtards pensant pouvoir soustraire à cette loi. Constatent cela, le Directoire n'a pas tardé à prendre des mesures fasse à cette nouvelle vague d'adolescents fougueux.

"Ah la jeunesse de nos jours..."

Cette parole un peu clichée devait parfaitement correspondre à la pensée de notre gouvernante. J'avais entendu cette phrase de la bouche d'une vielle dame un peu aigris. Je me rappelle encore de son air excédé qu'elle avait adopté pour me raconter ses péripéties. Cette malheureuse avait eu l'idée saugrenue d'essayer de se frayer un chemin devant un établissement scolaire, à la fin des cours. Une fois qu'une sonnerie qui annonçait la fin d'une journée interminable pour un bon nombre d'adolescents venait de retentir. Voilà pourquoi je n'arrive toujours pas à me sortir cette image de la tête. C'était assez comique. On a beau en rire, cette vieille dame n'avait pas totalement tort. Juste avant leur test, une grande partie des jeunes sont atteints de ce qui semblerait  être un étrange syndrome. Je ne lui pas encore trouvé de nom. Mais le fait est que dans les quelques mois qui précèdent le test, la plupart des gens de ma Section sentent venir en eux une sorte de pulsion les poussant à passer outre les lois. Rares sont les personnes non-consernées. Et si je peux y ajouter quelque chose, je dirais que cette rare partie non-consernée est souvent prédestinée à changer de Section suite au test. Je pense qu'ils sont fait pour la première Section et non la notre.
En réalité, rien d'officiel ne prouve cette constatation. Il s'agit simplement d'une observation que je me suis faite. Malheureusement ou pas, notre sortie bien matinale est la preuve qu'Ethan et moi sommes aussi atteints par cet étrange syndrome...

Three Thousand OneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant