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— Ça devrait être là, déclara mon frère en levant la tête.

Je fis de même et admirai l'immense bâtiment de couleur blanche qui se dressait en face de nous. Il était d'une monumentalité écrasante, son sommet aussi haut que les nuages. Aucun doute, c'était bien ici.
Le Directoire devait mesurer au moins une cinquantaine de mètres de long, et je n'ose même pas compter les étages. Malgré sa longueur, la structure ne comportait que trois portes. En toute logique, elles devaient correspondres aux trois Sections différentes.
Nous séparant du bâtiment, des centaines... non, des milliers de jeunes habillés du même blanc que nous rendaient l'installation vivante.
La plus grande partie des candidats devaient être déjà là. Des groupes discutaient calmement, pendant que d'autres s'amusaient à se courir après. Je fus impressionnée par la facilité avec laquelle j'arrivais à distinguer la Section de prédilection de certains candidats. Leur comportement suffisait à cela.

Ethan avait sûrement remarqué mon air ahuris devant l'immensité du Directoire, car il déclara soudainement :

— On dirait une armée de bonhommes de neige.

Je ne pus m'empêcher d'éclater de rire. En effet, chaque candidat avait dû se vêtir de cette combinaison "rétractable". Blanche. Le faisant remarquer, Ethan avait su trouver le bon mot pour me faire rire. Je ne pense pas que ses blagues –parfois un peu douteuses– rencontrent toujours le même succès auprès des autres. Mais Ethan a toujours sû dire exactement ce qu'il fallait en ce qui me concerne.
Et en voyant que sa tentative pour détendre l'atmosphère avait réussi, Ethan se mit à rire lui aussi.

— C'est... C'est ridicule ! Réussis-je enfin à articuler entre deux gloussements. Ils auraient pû choisir des vêtements un peu plus... Normaux quoi !

Mon frère s'apprêtait à répondre quand il fut immédiatement coupé par d'autres éclats de voix. Notre fou-rire prit fin. Je vis tous les bonhommes de neige se retournaient instantanément, d'une synchronisation impressionnante, vers le lieu d'où venaient ces hurlements.

— C'est le début ? Suggérai-je.

Tous les jeunes, des trois sections différentes, commencèrent alors à se rejoindre lentement. Un immense cercle se formait petit à petit. Ethan me tira par le bras pour aller rejoindre le nuage blanc.
Au fur et à mesure qu'on avançait, des phrases commencèrent à se distinguer parmi les cris :

"Tu vas regretter ça... Déclara une voix d'homme.

— A ouais ? Répondit un autre d'un ton plus que provoquant, que personnellement je n'aurai pas choisi."

— Apparemment non, me répondit Ethan tout bas.

On atteignit enfin le cercle de candidats. J'essayai de me frayer un chemin dans la foule, laissant mon frère en arrière. Toute seule j'aurais sûrement plus de chance de parvenir au milieu qu'à deux. Après quelques secondes à jouer des coudes et à lâcher des petits "désolée" de temps à autre, j'atteignis le premier rang.
Ce que je vis alors me donna un sursaut de peur.
Au moment où j'arrivai, un homme dans un élan de souplesse, donna un coup de pied énorme dans la mâchoire d'un autre. Contre toutes attentes, ce dernier ne fut pas le moins du monde déséquilibré. Seul sa tête avait fait une rotation de presque 45°. Mais il ne se laissa pas démonter pour autant.

— Tu vas crever... Déclara la victime.

A ces mots, il essuya du revers de la main un filet de sang qui avait commencé à couler de sa tempe. Il sauta sur son adversaire en lui agrippant la gorge. Les deux types tombèrent à la renverse et roulèrent sur le côté tout en continuant de s'infliger une masse de coups.
La foule était distinctement divisé en deux. D'un côté, personne ne disait rien. Les gens se contentaient d'observer la scène avec de grands yeux ronds et craintifs. De l'autre, les encouragements fusaient. Certains balançaient même des hurlements le poing en l'air pour soutenir leur champion. Je me serais cru en plein milieu d'un combat de... catch. Sauf que ce genre de choses n'étaient pas censées encore exister.
Mais ce que j'avais le plus de mal a comprendre, si on oubliait le fait de se comporter d'une tel violence, c'était que les gardes de jour auraient déjà dû intervenir. Je ne savais pas comment tout ça avait commencé, mais ça avait déjà sacrément trop dégénéré.

Comme pour répondre à mes interrogations personnelles, une alarme se mis à résonner. Je me tournai vers le bâtiment pour chercher d'où venait le son. Les deux garçons, eux, arrêtèrent de se marteler de coup. Ils ne se lâchèrent pas pour autant.
L'alarme laissa place à une voix féminine qui ne venait de nul part. Enfin si, elle devait venir d'un haut parleur, mais aucun n'était visible.

" Dois-je vous rappeler que vous n'êtes plus dans votre Section mais au Directoire. Et ici, les règles s'appliquent à tout le monde. Un petit rappel de la loi n°62 ne ferait pas de mal à certains d'entre vous : il est interdit d'entrer en contact avec une personne extérieure à son logement famille. Je vous pris maintenant de bien vouloir rejoindre la file qui correspond à votre Section. Et dans le plus grand des calmes."

Un silence de plomb s'installa le temps à chacun de réaliser ce qui venait de se passer.

Three Thousand OneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant