Les disparus de la nuit

Questionnaire surveillé

L'infirmière sort de ma chambre et referme doucement la porte derrière elle. Je m'attends à voir quelqu'un arriver mais je reste seule, allongée dans mon lit. Je repense alors à ce qui s'est passé la veille et me souviens petit à petit. Nous étions en permanence. Pourquoi ? Je réfléchis et soudain tout me parait beaucoup plus clair. En retenue. Avec ma chambre et la neuf. Et puis madame Philippe. Ah oui, le coup de feu et l'enfermement. La colère s'empare de moi à cette pensée. Bien sûr qu'elle était consciente qu'elle nous enfermait à clé, sans aucune sortie. Et puis un éclair me traverse l'esprit. L'incendie était même peut-être voulu, mais j'ai alors très peur en pensant à cette possibilité.
Quelqu'un ouvre la porte et me sort de mes sombres pensées. C'est un homme de petite taille au crâne dégarni. Il est bien habillé et semble très organisé, il porte une mallette dans sa main droite qu'il pose délicatement sur la table à côté de mon lit.
- Bonjour Danaé, je suis Joseph et je vais un peu t'interroger sur l'incident d'hier soir.
- D'accord, faites ce que vous voulez.
Cet homme ne m'inspire pas confiance mais bon, il faut faire avec. Il continue :
- Je dois d'abord t'informer que tu est la seule à avoir été témoin de tout ce désastre.
Non c'est faux, nous étions neuf, mais je garde le silence pour le moment.
- Comment t'es-tu retrouvée dans cet incendie ?
- Je ... Et bien j'était en retenue avec ma directrice et ...
Il sort un carnet et un stylo de sa mallette et prend en note ce que je dit.
- Il y a eu comme un coup de feu et un homme que je ne connaissais pas est arrivé. Il l'a prise à part et elle a fermé la porte à clé.
A ces mots, l'homme lâche un petit rire, et je vois bien qu'il me prend pour une idiote.
- Je ne pense pas que ta directrice t'es enfermé, tu ne dois pas te souvenir de tout.
- Bien sûr que si, je me souviens parfaitement !
- Non ! répond-il en criant. Il retrouve son calme :
- Tout cela n'était qu'un pur accident. L'incendie s'est déclenché par erreur et ...
- Oh, comme par magie, c'est ça ? Il a fait un temps pourri toute la semaine et le ciel était orageux lors de la retenue. Alors une allumette est tombée de son sac est elle s'est allumée toute seule, comme par hasard, par « accident » ?
Il me regarde d'un air déconcerté.
- Tu devrais faire attention à ce que tu dis, comme tu as pu l'expérimenter, un accident est vite arrivé.
Ses paroles m'effraie et je me rend compte que j'en ai beaucoup dit. Je décide alors de jouer la sage et stupide innocente et répondre à toutes ses questions.
- Je suis désolée, je ne voulais pas dire ça, et je crois que j'ai simplement eu très peur avec l'incendie.
Il semble satisfait et me demande :
- Je partait du principe que non mais quelqu'un était-il avec toi ? Comme je te l'ai dit tout à l'heure, tu es la seule témoin, la directrice est introuvable.
- Si il y avait d'autres personnes ? O...
Il me regarde avec des yeux percents et semble beaucoup s'intéresser à ma réponse, mais après ce qu'il a dit ...
- Non, personne n'était avec moi, j'étais la seule.
- D'accord, donc tu as pu sortir et pourquoi était-tu inconsciente ?
- Je pense ... que j'ai inspiré de la fumée et je suis très sensible à ça, du coup je me suis évanouie.
Il semble à peu près convaincu et se lève. Je cache comme je peux la bosse sur ma tête.
- Merci beaucoup d'avoir répondu à mes questions, bonne continuation et n'oublie pas, il faut être sage et ne pas aller en retenue si tu ne veux pas mourir !
Il repart, riant à sa propre blague mais moi je suis choquée. Ce n'est absolument pas drôle, nous avons risqué nos vies et aurions pu mourir si nous n'avions pas remarqué l'incendie.
Je suis d'ailleurs très contente de ne pas lui avoir dit que je n'était pas toute seule, et que d'autres personnes ont été témoin aussi. Je ne voulais pas d'autres personnes impliquées dans cette affaire.