Les Choix de Chloé [Terminée]

Chapitre n°10: 1942

 Un bruit de pas sur la gauche, un grincement de parquet, une porte qui se ferme. C'est tout ce dont Chloé se souvenait. Elle se rappelait s'être éveillée là, assise sur cette chaise inconfortable, un bandeau sur les yeux. Elle n'avait même pas essayé d'appeler à l'aider, elle savait que ça ne servait à rien. Elle attendit, quelques secondes, quelques minutes, peut-être une heure, comme le dire ? Toujours est-il qu'au bout d'un moment qui lui semblait interminable. Elle attendit patiemment que quelqu'un vienne lui dire quelque chose, ou que quelqu'un l'exécute, ou la torture. Tous les scénarios étaient possibles. Elle tournait et retournait ces idées dans sa tête jusqu'à ce qu'elle entende la voix d'André, qui lui rappelait tant celle de son père, qui parlait avec un homme à la voix grave, et qui semblait capable de calmer un cheval partit au galop tant elle était douce et convaincante. La porte grinça, et elle entendit des pas sur le parquet.

- Qui êtes-vous ? demande l'homme à la voix grave.

- Je l'ai déjà dit à votre collègue. Je m'appelle Chloé, j'ai 22 ans, et je viens de Limoges.

- Hm. Je suis dans le genre élevé. Je me présente donc aussi. Je m'appelle Martial Beaudouin, mais tous ceux qui savent ce qui est bon pour eux m'appelle juste Martial.

- Je crois que c'est le moment où vous me détachée.

Chloé entendit juste un claquement de doigts et sentit des mains s'affairer autour des liens qui retenaient ses pieds et ses mains. Elle retira son bandeau et se retrouva face à un homme qui ressemblait presque trait pour trait à Charles, son Charles. Elle ne put s'empêcher d'avoir un haut-le-cœur. Malheureusement pour elle, cet homme semblait être très observateur et instruit :

- Je suis si moche que ça ?dit-il avec un petit sourire.

- Non, vous me rappelez quelqu'un...que j'ai connu.

- Ho, je comprends.

Et intelligent en plus de ça. Ça n'allait pas être facile de cacher quelque chose devant un homme qui semblait tout deviner.

- Je reprends donc mon interrogatoire. Puis-je vous tutoyer ?

Chloé était étonnée... Jamais elle n'avait pensé qu'un homme de cette époque puisse être aussi instruit et poli...

- Aller, vas-y.

- D'où viens-tu réellement ?

- Vous... Tu ne me croirais pas.

- Je suis très ouvert d'esprit tu sais.

- D'accord, dans ce cas dites à André de sortir et fermer la porte.

Martial jeta un regard lourd de sens à son acolyte, et ce dernier sortit sans ajouter un mot, tout en fermant la porte derrière lui.

- Nous voilà seuls, alors, d'où viens-tu ?

Ce n'était peut-être pas la meilleure des idées : se retrouver seule dans une pièce en compagnie d'un homme dont elle ne savait rien, qu'elle venait juste de rencontrer et qui pouvait sans aucun doute la maîtriser physiquement au vu de son physique quelque peu impressionnant.

- Je suis persuadée que tu ne me croiras pas...

- Dis toujours, je vois dans tes yeux que je ne suis pas le premier à qui tu vas raconter cette histoire.

Les muscles de Chloé se tétanisèrent : comment pouvait-il savoir qu'elle l'avait déjà racontée, cette longue histoire...

- Tu es très attentif à ce que je vois...

- Oui, mais raconte-moi tout. Je veux tout savoir.

- Bon. Je ne suis pas issue de ce siècle. Je suis née en 1996, dans cette ville. Mon père habite une petite maison proche du nord-ouest de la ville. En fouillant dans le garage de notre maison, je suis tombé sur une machine à voyager dans le temps. J'ai tapé la date que nous étions, le 22 octobre 2018, mais pour l'année, j'ai mis 1914, juste pour voir. La machine m'a envoyée en 1914, où j'ai dû apprendre à me débrouiller seule, j'ai trouvé un travail et...un compagnon. Mais un an après mon arrivée en 1914, je suis retournée la où j'étais arrivée et j'ai été propulsée à nouveau dans le temps, pour arriver là où André m'a trouvée il y a quelques heures...

Elle leva les yeux vers Martial. Ce dernier avait perdu son visage autoritaire et sûr de lui. Il arborait désormais un regard plein de peur et d'inquiétude. Puis son expression passa de la peur à une incompréhension, puis à une lueur d'espoir :

- Donc, si je résume tu viens de 2018, soit dans près de 70 ans, c'est ça ?

- C'est ça.

- Donc tu sais ce qu'il se passe en ce moment même dans notre pays ?

- Oui, les Allemands ont envahis le nord de la France, et vous ne semblez pas avoir d'accent allemand, donc à moins que vous ne soyez un collabo, je suppose que vous devez être un résistant.

Martial se cala au fond de sa chaise et applaudit poliment.

- Bravo, dit-il, tu es d'une certaine perspicacité. Comme je te l'ai dit, je m'appelle Martial Boudouin, mais ce n'est pas mon vrai nom. En réalité, je m'appelle Martial Brigouleix. J'ai changé de nom en raison de certain...problèmes que j'ai pus rencontrer avec le régime de Vichy. J'ai était d'ailleurs révoqué de mon poste de capitaine en raison d'un...groupe auquel j'appartiens. Je suis originaire de cette région, et je me bas pour qu'elle soit libre. Je suis le chef de cette section de L'armée Secrète, un groupe inter-régional de résistance. Nous œuvrons dans l'espoir de libérer ce pays de l'envahisseur. Dis-moi, Chloé, si tu viens du futur, es-tu en mesure de me dire quand est ce que les boches quitterons notre territoire ?

- De mon époque, cette guerre est connue comme étant la guerre 39-45. Tu as dit que nous sommes en 1942, alors cette guerre prendra fin dans trois ans. Je sais qu'il va y avoir des milliers de morts, et que certains seront de la Résistance.

- Je vois la peur dans vos yeux. Il n'y a pas besoin d'être philosophe ou même mathématicien pour comprendre que cet homme, auquel je vous fais penser, n'est nul autre que celui que vous avez laissé en 1915. Quel était son nom ?

- Charles Leclerc...

- Nom de Dieu, dit Martial en passant une main sur sa bouche comme si c'était la pire des nouvelles du monde.

Chloé bondit sur ses pieds.

- Quoi ? Tu le connais ? Il est où ?

- Calme-toi Chloé, il est mort. Il faisait partis d'un des premiers à exprimer son envie de résistance dans cette ville. Il avait 55 ans quand il est mort en tuant trois boches qui étaient venus en repérage à Tulle. Dans mon cœur, il restera comme un chef digne de ce nom, courageux et grand stratège. Du peu qu'il avait bien voulu nous dire sur lui, c'est son père, revenu des tranchées mutilé, qui lui a appris beaucoup de choses sur l'art de la guerre.

Chloé se rassit, puis fondit en larmes. Toutes l'eau de son corps se vida par ses yeux.

- Je ne sais pas quoi te dire, mis à part le fait qu'il est mort en héro, pour la France.

Chloé sécha les larmes sur ses joues, puis dis, dans un murmure :

- Sais-tu ce qu'est devenue sa petite sœur, Louise ?

- Ainsi tu le connaissais vraiment... Tu viens d'achever tous mes doutes. Oui, je sais où elle est. Après l'enterrement de son frère, elle est partie à Paris pour retrouver un grand-oncle je crois, ne t'en fais pas pour elle, c'est une des filles les plus débrouillardes qui m'a été donné de voir.

Chloé lâcha un petit rire ironique :

- Louise... Débrouillarde, c'est moi qui lui ai appris à vivre.

- Alors je t'en suis reconnaissant car elle a beaucoup fait pour nous au début, elle allait recueillir des informations aux bars du coin, nous faisais des bons petits plats aussi...

Chloé ne put s'empêcher de sourire, fière de sa petite protégée qui avait fini par devenir une femme. Cependant, elle ne voulait pas s'apitoyer sur son sort.

- Martial, dit-elle, en 1915, je travaillais dans une usine d'armement et de munitions. Peut-être pourrais-je reprendre ce métier dans une usine maintenant et vous passer quelques munitions de temps en temps.

- Très bonne idée, je suis content de ton envie de participer à cette résistance.

- Et je serai fière d'aider la France à aller mieux et à se sortir du joug des allemands.

Chloé n'en revenait pas. Quelle idée stupide venait-elle d'avoir ? Certes, aider son pays était une entreprise louable et honorable, mais mourir pour lui n'allait aider personne. Elle venait de proposer à Martial de lui fournir des munitions et des armes. Elle venait de s'enrôler dans la résistance de la seconde guerre mondiale !