Chapitre n°23: 1980

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 Cela avait manqué à Chloé, de dormir dans un lit confortable. Le seul lit de confortable qu'elle avait eu ces deux dernières années avait été celui dans le grenier du Manoir de Martial, mais elle ne dormait pas souvent dedans. Ce fut seulement lorsqu'elle s'allongea sur le lit de la chambre d'amis de Pierre qu'elle se rendit compte que cela lui avait manqué un matelas confortable avec un sommier suffisamment résistant.

Ils étaient arrivés chez Pierre juste après le coucher du soleil. Il habitait une maison non loin de la préfecture, et qui semblait assez moderne pour l'époque. Pour le moment, Chloé avait un point de vue mitigé sur Pierre : il ressemblait à Martial et Charles, avait le même sens de l'humour et du devoir, mais il avait l'air d'être un feignant. Ce dernier point changea dans la tête de la jeune femme quand elle le vit faire la cuisine. Il s'appliquait dans tout ce qu'il faisait, et même si son repas n'était pas digne des chefs étoilés de 2018, il s'était avéré très bon.

Ils avaient mangé dans le salon, en tête à tête, et s'étaient raconté leur vie. Chloé avait dû se concentrer pour construire une histoire plausible et surtout pas trop difficile à retenir pour elle. Elle apprit plein de choses sur son nouveau patron également, comme le fait que ce dernier n'avait jamais réellement voulu faire dans le droit, mais plutôt dans la musique, notamment depuis que le rock était à la mode.

- Parfois, j'ai envie de laisser notre cabinet à Martine et de partir jouer à Paris avec un groupe, ou bien même tout seul, mais mon père ne le voudrait jamais. Je suis dépendant de lui, même s'il habite vers Bordeaux.

- Désolé, moi aussi j'ai des rêves qui sont partis en fumée.

- Comme ?

- L'espoir d'un grand amour avec deux hommes différents qui...sont morts.

- Oh.

Pierre semblait vraiment affligé d'apprendre cela. Il prit la main de la jeune femme dans les siennes.

- Ne vous inquiétez pas, tout ira bien. Vous voulez voir votre chambre ?

- Pourquoi pas, dit Chloé en essuyant une larme qui commençait à couler le long de sa joue.

Pierre se leva, mais ne lâcha pas la main de sa nouvelle secrétaire. Il l'entraîna derrière lui vers une double porte blanche du premier étage. Il les poussa comme les domestiques du XVIIIe siècle quand quelqu'un d'important entrait dans une pièce. Cela eut le don de faire sourire Chloé, qui entra alors dans la pièce avec un jeu de jambes très exagéré, qui fit sourire Pierre à son tour. La chambre était très peu meublée, mais elle était très spacieuse. Il y avait là un lit deux places, une grande armoire et des étagères accrochées aux murs. Chloé s'avança vers l'étagère la plus proche et vit une petite photo représentant Pierre avec une femme du même âge et deux personnes plus vieilles, sans doute ses parents. Dans le doute, elle lui demanda.

- Qui est-ce ? Sur la photo ?

- Oh, personne.

- Vous rougissez quand vous mentez, monsieur.

- Vous êtes observatrice – il eut un petit sourire ironique .Bon, ce sont mes parents et ma sœur jumelle.

- Où sont-ils ? Pourrais-je les voir ?

- Calmez-vous. Ma mère est morte, mon père est parti à Bordeaux pour gérer les affaires de son oncle, et ma sœur était tombée enceinte quand elle avait 19 ans. Le père de ce qui allait être mon neveu ou ma nièce est parti sans donner de nouvelles. Vu que c'était en 1973, l'IVG n'était pas encore autorisée en France, du coup elle est partie pour la Suisse, où elle a pu avorter. Mes parents n'étaient pas pour, ils considéraient ça comme malsain, donc c'est moi qui l'aie emmenée à la gare pour Lyon, pour qu'elle aille en Suisse. Puis elle a rencontré un homme là-bas, et elle est restée au pays du chocolat, loin de sa famille.

Les Choix de Chloé [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant