Les Choix de Chloé [Terminée]

Chapitre n°15: 1942

 « Quel plaisir de s'éveiller à deux dans un lit » se dit Martial en émergeant du monde des songes. Il n'avait jamais été un très grand séducteur. Il n'avait connu qu'une ou deux femmes dans sa vie, mais aucune n'arrivait à la cheville de cette femme-là. De beaux yeux, des cheveux blonds qui tombaient jusqu'en bas de son dos aux reflets roux qui ressortaient lorsque le soleil frappait, des lèvres douces comme on en avait jamais vues, une peau aussi douce que des draps de satin, des dents blanches comme la neige, tout ce dont un homme peu rêver. Comment aurait-il pu se contenir devant une beauté aussi parfaite ? Il ne pouvait retenir les sentiments qui naissaient dans son cœur depuis le premier jour où il l'avait vue. Son rythme cardiaque s'accélérait quand ils étaient dans la même pièce et ses baisers faisaient naître en lui de nouvelles sensations. Il tourna la tête sur la droite, et vit que la jeune femme n'avait pas bougée, la tête posée sur son épaule, les yeux clos, une main posée sur la poitrine de Martial. Ils avaient l'air d'un si joli couple. Pourquoi ne pouvaient-ils pas se rencontrer dans d'autres situations que celles d'une guerre mondiale ? Ils auraient pus se marier, peut-être avoir des enfants, vivre dans cette maison énorme dans laquelle ils auraient eu une vie paisible. Martial aurait pu reprendre son travail de banquier, Chloé n'aurait pas eu à travailler pour un collabo ou pour un agent de la Gestapo. Elle aurait pu aller au lycée de Limoges. Oh et puis pourquoi rester dans cette ville ? Pourquoi ne pas aller dans le sud, voir dans un autre pays ?

- A quoi est-ce que tu penses ?

La douce voix de la jeune femme sortit Martial de ses réflexions. Il pencha la tête vers elle et se demanda depuis combien de temps réfléchissait-il et surtout depuis combien de temps Chloé l'examinait-elle ?

- A rien, ne t'en fais pas.

- Écoute, s'il y a une chose que j'ai apprise depuis que je suis à l'école, c'est que mentir n'est pas une solution.

- Et bien, je réfléchissais à ce que serait ma vie sans cette guerre.

- Ne t'en fais pas, je suis sûr qu'elle serait morne et sans saveur, dit la jeune femme sur le ton de l'ironie.

« Si seulement elle pouvait l'être » pensa Martial.

- On doit se lever, j'imagine pas la tête de mes hommes s'ils apprennent que j'ai passé la nuit avec toi.

Ils se levèrent donc tout deux, puis sortirent. Chloé apprit avec une certaine surprise que la porte n'avait pas besoin de clé pour s'ouvrir dans l'autre sens. Elle se demanda donc comme René avait pu entrer dans cette pièce, sachant que la clé était dans la poche de son amant et que la fenêtre n'était pas cassée... Elle mit cette réflexion dans un coin de sa tête, puis descendit prendre un petit déjeuner.

Un café remit les idées de Chloé en place : elle devait travailler pour la résistance, mais elle ne savait toujours pas pourquoi... Il existait une solution : partir dans le sud de la France, puis, si tout se passait comme en 1915, revenir dans la clairière de Limoges le 22 octobre 1943. Mais malgré ce plain qui semblait ne comporter que très peu de failles, la jeune femme se sentait redevable à Martial et à ce qu'il avait fait pour elle. Il l'avait protégée, et il semblait même l'aimer. Et sa ressemblance avec Charles renforçait l'amour de Chloé pour ce leader de la résistance. Afin de ne pas se tourmenter davantage, elle enfila une blouse de travail de l'usine d'armement, et se glissa hors du manoir, bien décidée à revenir avec quelques munitions.

Ce fut une de ces autres journées de dur labeur. Mais quelle idée avait-elle eu de revenir à une époque où le travail qui lui permettait d'aider la résistance consistait à soulever des caisses lourdes comme un semi-hippopotame ? Elle ne pouvait pas être à une époque où le travail consistait à travailler derrière un bureau, sans rien qui causait des courbatures ? Cela ne faisait que deux heures qu'elle était en poste quand Heinrich s'avança vers elle :