A la nuit tombée - Partie 6

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Mitras, Mur Sina, 31 janvier 851

Un calme plat régnait sur la prestigieuse capitale des Murs alors que Daris Zackley descendait de sa voiture, le menton fourré dans une épaisse écharpe grise. Peu de gens étaient dehors par ce froid mordant ; ce fut calmement qu'il pénétra le vaste bâtiment luxurieux qui trônait en face de lui, qui n'était ni plus ni moins que le siège du pouvoir en place.

Lorsqu'il passa les lourdes portes ornées d'or, quelques soldats des Brigades, postés de chaque côté des battants, le saluèrent. Peu de monde l'accueillit dans le vaste hall aux grandes colonnes rosées, et seul le bruit de ses semelles claquant contre le marbre lui répondit alors qu'il se dirigeait vers un large escalier menant à la Chambre.

Escorté d'une soldate blonde qui le dépassait d'une tête et d'un brun maigrelet, il gravit une par une, avec tranquillité absolue, les marches blanches et brillantes qui défilaient sous ses pieds. Bientôt, une large baie vitrée lui fit face ; il venait d'atteindre le premier étage, et jeta un œil distrait aux toits d'ardoise, recouverts de neige, de Mitras.

Distrait, du moins était-ce ce qu'il en laissa paraître. Son regard ne mit qu'une fraction de seconde à repérer les ombres qui se mouvaient agilement dans les ruelles voisines au palais. Huit, compta-t-il alors qu'un sourire imperceptible se dessinait sous sa moustache grise parfaitement taillée.

Huit, comme il était prévu. Sa démarche ne fléchit pas, ses traits gardèrent leur nonchalance et leur aise usuelle, mais la satisfaction l'envahit de la tête au pied. Il avait confiance en la stratégie d'Erwin et de Pixis ; ces deux là, lui-même devait l'avouer, étaient des perles rares au sein des corps d'armée qu'il dirigeait.

Ce fut donc avec stupeur qu'il identifia les quatre silhouettes qui surgirent de diverses fenêtres pour fondre sur le petit groupe. Immédiatement, le plus petit des attaqués dégaina une lame, et deux adversaires tombèrent au sol.

« Général Zackley », souffla la combattante qui l'accompagnait. « Que se passe-t-il à l'extérieur ? » Il fronça très légèrement les sourcils. C'était imprévu. Il va falloir se bouger un peu... Il se retourna donc vivement, l'air grave.

« Restez de faction à l'intérieur. Les patrouilles au-dehors devraient pouvoir contrôler ces individus. Il faut protéger le Roi et les élus. » Ils le saluèrent immédiatement et, fusil à l'épaule, se postèrent de part et d'autre de l'entrée, dissimulés derrière les colonnes.

Le silence du combat qui se déroulait à l'extérieur n'enlevait rien de sa férocité ; des ruisselets de sang dégoulinèrent bientôt sur le manteau pur et immaculé qui s'était délicatement posé au sol la nuit d'avant. Le rendez-vous est dans trente minutes... Ils devraient avoir le temps de s'en sortir d'ici-là.

Il resta donc derrière les vitres, une main caressant distraitement sa barbe. Comment se sont-ils trahis ? se demanda-t-il. Tout a été planifié dans le plus grand secret... Et les effectifs des Brigades Centrales ont été drastiquement diminués. Pour ce qui est de la police militaire, n'en parlons pas.

Il observa avec attention ce qui lui parut être Livaï se faire plaquer à terre. L'information n'aurait pu venir que du mouvement résistant. Un élément interne qui nous aurait trahis... L'ennemi leva une arme tranchante, et la tête du plus petit vola. Ouille, ça, c'est ce qu'on appelle une grande perte.

Malgré l'incident, et à la surprise du général, les soldats continuèrent à se défendre corps et âmes. Qui a été assez au contact des monarchistes pour transmettre des informations si précises qu'ils ont pu anticiper leurs mouvements et les prendre par derrière ? songea-t-il en regardant un jeune châtain se faire menacer par un canon de fusil. Heureusement, un adolescent qu'il reconnut être Armin, le nouveau petit stratège du Bataillon, abattit l'agresseur sur-le-champ.

ʟ'ᴀᴜ-ᴅᴇʟᴀ - ᴀᴛᴛᴀᴄᴋ_ᴏɴ_ᴛɪᴛᴀɴ&0.7 ⌜ᵗᵒᵐᵉ ²⌟Où les histoires vivent. Découvrez maintenant