Mitige - Partie 5

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Il se redressa brutalement, au même titre que la soldate. C'était Historia qui avait crié. « Lâche-moi ! Connard ! » L'adolescente aux cheveux noirs s'apprêta à monter pour l'aider, mais il la retint de justesse par l'épaule. « On doit rester là. » Elle plissa les paupières.

« ... Qu'est-ce que c'est que ce foutoir ? » Un craquement retentit, suivi d'un cri. « C'est toi qu'as tué Jean ? Hein ?! » Ses deux subalternes hoquetèrent, les yeux écarquillés. Eren tourna lentement les siens vers le caporal-chef.

Des bruits de coup arrivèrent à leurs oreilles. « Enfoiré ! T'essaye de faire quoi, là ?! » Ce n'était certainement pas la blonde qui se faisait tabasser. Elle enchaînait les insultes, tapait toujours plus fort. C'était une aubaine que Livaï ne puisse pas intervenir.

La jeune fille s'était beaucoup endurcie depuis qu'elle s'était fait couper les deux doigts, encore plus depuis la fuite d'Ymir. Malgré son léger handicap, elle arrivait toujours à s'améliorer contre les titans et au corps-à-corps. Son niveau de combat avait drastiquement augmenté.

Ils discernèrent alors des pas. « Historia ! » C'était Luise qui parlait de sa voix bourrue. « Qu'est-c'que tu fais ? Faut l'garder pour plus tard ! » Mikasa esquissa une sorte de rictus. Elle ne porte pas les américains dans son cœur... Encore moins maintenant.

Ils entendirent alors un bruit de fuite, et des injures répétées. « Et merde, il s'est cassé ! »

« ... Eren ? » Tous se retournèrent vers la cellule de Marion. Celle-ci tenta de se redresser, mais retomba immédiatement sur ses fesses. « Fait chier... » Elle regarda autour d'elle, dans les vapes. Puis, elle baissa ses prunelles vertes sur ses mains, et écarquilla les yeux.

« Oh, c'est quoi, ça ?! » Elle tenta de se défaire de la corde, mais ne finit que par grimacer. « Ma tête... » Elle serra les dents. Son supérieur se leva, et marcha vers ses barreaux.

« Marion.

— ... Livaï.

— Qui sont les deux autres personnes dans cette pièce ? »

Elle jeta un œil aux soldats, et parut réfléchir quelques secondes. « Eren. Mikasa. » Ceux-ci la dévisagèrent d'un drôle d'air. Elle grogna quelque chose, puis se tourna de nouveau vers lui.

« Je fous quoi là ? Et c'est qui, les deux défoncés des autres cellules ?

— Il vaut mieux attendre Erwin.

— Mais enfin, vous êtes caporal-chef... murmura-t-elle. »

Il plissa les paupières. Fatiguée, hein. Mais humaine... Un petit silence coula.

« De quoi tu te souviens ?

— Reiner, l'autre type, et Annie voulaient m'attraper.

— Annie aussi ?

— Oui. »

Il sortit son couteau de sa ceinture, joua un peu avec, puis le remit.

« C'est curieux.

— C'est vrai... Mais je crois qu'elle a attrapé Marcel à la place.

— Pardon ?

— C'est la dernière chose que j'ai vue. Mais si ces deux sont défoncés à ce point, c'est qu'elle s'est battue, hein ? »

Il perçut une légère angoisse dans son ton. « Tu es sûre qu'elle a attrapé Marcel ? » L'autre hocha la tête. Son visage était troublé. Elle commence à comprendre. Pendant ce temps, Eren les observait. L'incompréhension grandissait de manière exponentielle sur sa face.

Ils entendirent alors quelqu'un descendre les escaliers. Tous se raidirent, mais seul le médecin, Docteur Weierstrass, un petit chauve et baraqué, entra. « Alors, je commence par qui ? Oh, c'est qu'ils ont des jolis petits minois ! »

Livaï désigna Reiner et l'autre. « Ce sont des titans, on s'en tape. » Le docteur s'approcha toutefois de la cellule. « T'as de beaux yeux, tu sais. Peau en lambeaux, globes oculaires éclatés... Comment c'est arrivé ? »

Personne ne lui répondit. « Clair comme de l'eau de roche ! » rit-il. Il se tourna vers le brun dans la foulée. « Bof, pas très intéressant. De toute manière, comme tu as dit... On s'en tape, c'est ça ? »

Il partit donc voir Marion, et s'accroupit juste en face d'elle.

« Salut ! Ça va ?

— La forme, grommela-t-elle.

— A qui le dis-tu ! Voyons voir... T'aurais pas les mains un peu défoncées ? »

Elle le laissa les examiner. Il appuya sur ses doigts ; elle poussa une exclamation de douleur. « Ah, quelques phalanges abîmées ? Tu vas avoir de beaux hématomes. Il faut éviter de frapper les murs, mademoiselle Griffonds ! » Elle rit jaune. Il lui fit un bref signe de la main, et quitta les lieux comme une tornade. « A plus ! Oh, tiens, bonsoir, Hansi ! » lança-t-il dans les marches.

Celle-ci arriva, suivie d'Annie. Le regard de cette dernière traîna sur Eren et Mikasa, pour se fixer sur sa camarade.

« Elle ne se souvient de rien, je suppose.

— Non.

— Annie, dit l'intéressée, pourquoi tu as pris Marcel ? »

Elle se raidit.

« Tu ne te souviens même pas de ça.

— Je suis désolée...

— Tu ne sais pas pourquoi tu devrais l'être. »

Un ange passa. La tension était palpable. Livaï vit Marion baisser une nouvelle fois la tête. « Livaï », articula-t-elle. « Ça a fait comme la dernière fois, n'est-ce pas ? » Il colla son dos au mur.

« Oui. »

***

Shiganshina, 4 septembre 851

Le soleil tapait sur leur dos. Tous regardaient sombrement la pierre tombale en-dessous de laquelle était enterré Jean. Leur visage était lugubre, leur voix, éteinte. Cela faisait un long moment qu'ils restaient debout et immobiles.

Sasha, elle aussi, gardait la tête baissée. Elle retenait difficilement ses larmes. Des souvenirs défilaient dans son crâne : le ménage, le bras-de-fer entre lui et Eren, son air irrité lorsqu'ils le comparaient à un canasson. Et surtout, son cadavre à la trachée ouverte et le bain de sang dans lequel elle l'avait retrouvé.

Un discours aurait été de trop. Ils n'avaient pas besoin d'obsèques dépeignant un personnage idéaliste qui ne lui correspondait pas. Jean était Jean, ni trop brave, ni trop con. Juste Jean, avec son air fier et sa franchise à toute épreuve.

Ils le savaient, ils pouvaient mourir à tout moment. Mais ils n'étaient pas préparés à sa mort, pas lui. C'était trop inattendu, trop brutal, mais c'était la cruauté de l'histoire, de la guerre qu'ils vivaient. C'était ainsi. Il n'y avait plus qu'à faire son deuil, et à avancer.

Elle releva le menton. Le petit groupe regarda Eren s'avancer, légèrement tremblant. « Oh, face de cheval », murmura-t-il. Il se laissa tomber sur les genoux. « Tu m'avais promis un bras-de-fer... Tu m'avais promis... » Sa voix se brisa. Les larmes montèrent aux yeux des autres.

« Tu m'avais promis ! » hurla-t-il. Un sanglot le secoua. Sasha serra les dents, et laissa à son tour échapper une plainte. Conny, Historia, Armin les suivirent. C'était dans la douleur qu'ils étaient unis.

Le soleil tapait sur leur dos, mais leur cœur n'aurait pu y être plus imperméable.

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ʟ'ᴀᴜ-ᴅᴇʟᴀ - ᴀᴛᴛᴀᴄᴋ_ᴏɴ_ᴛɪᴛᴀɴ&0.7 ⌜ᵗᵒᵐᵉ ²⌟Où les histoires vivent. Découvrez maintenant