Petite aube - Partie 6

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Le temps passa bien plus vite que ce que Hansi aurait imaginé ; à peine son étude d'un bout de fluorine extraite de la carapace du titan mural était-elle entamée, que la cloche sonnait midi.

Alors qu'elle se levait, et se frayait difficilement un chemin entre les instruments divers et variés et les tas de papiers surmontés de livres de sciences, entassés dans son petit espace en sous-sol, on frappa à la porte. Elle redressa ses lunettes sur son nez et lança un « Entrez » assez fort pour qu'on l'entende.

A sa grande surprise, ce fut une Marion à bout de souffle qui apparut, et ferma immédiatement derrière elle. « Hansi », haleta-t-elle, les mains sur les genoux. « Je dois te parler de quelque chose. » L'intéressée ferma les yeux un moment, puis acquiesça.

Elle avait perçu les pas irrités, puis discrets, du caporal-chef, qui venait certainement de s'arrêter à l'extérieur de la pièce, et elle devinait sans problème ce qu'allait lui raconter son interlocutrice. Celle-ci déglutit, le regard fuyant.

« C'est Livaï. » Livaï, qui t'écoute en ce moment même derrière la porte. Elle serra alors les dents ; on aurait presque dit qu'elle était sur le point de pleurer. « Tu te souviens, d'Isaac », continua-t-elle d'une voix tremblante. C'est le pire moment, Marion, mais oui... « Avant que Livaï ne le tue, il m'avait parlé d'un mentor, et avait... »

Elle s'étrangla. De toute évidence, elle était plus que paniquée à l'idée de lui dire à elle, officier, ce qu'elle savait. « Et il avait commencé à écrire son prénom... » Ses ongles s'enfoncèrent dans la paume de sa main, si fort qu'on aurait pu jurer que du sang allait en couler.

« Hansi, je crois que Livaï est un ennemi », lâcha-t-elle finalement. « Je sais qu'Isaac en était un aussi, mais son regard lorsqu'il m'a avoué ça... Il était différent. Et je dois être gardée par lui tout le temps. J'ai peur qu'il me fasse quelque chose... »

Ses jambes se firent flageolantes ; la plus âgée s'approcha d'elle, pour poser une main rassurante sur son épaule. Elle se calma légèrement. « J'ai peur qu'il me tue. » Elle se mordit la joue. « S'il essaye, personne ne pourra l'arrêter. Je ne veux pas mourir... »

La chef d'escouade pouvait difficilement imaginer la tête que devait tirer le petit homme en l'entendant. Elle inspira un grand coup, et serra doucement l'autre contre elle. « Je comprends que tu aies peur. » La jeune scientifique acquiesça silencieusement.

« Seulement... » Elle la sentit se raidir. « Cela fait huit ans que je le connais. » J'espère que ça suffira. « Pas une seule fois, je n'ai vu une once de traîtrise chez lui. » Après tout, elle est futée... « Je sais que tu es terrorisée, mais je te le demande quand même ; essaye de lui faire confiance. »

Mais pas bornée.

« Il a été chargé de te protéger. Comme pour tout autre subalterne, jamais il ne lèverait la main sur toi.

— Et s'il jouait la comédie ?

— Je t'assure que ce n'est pas le cas.

— Je ne vois pas comment tu pourrais en être certaine. »

Elle pinça les lèvres, puis soupira. Est-ce que jouer cette carte serait pertinent ? Elle n'avait manifestement pas le choix, et se lança. « Tu ne t'en souviens pas, mais il a déjà mis sa vie en danger pour te sauver. »

Elle devina à un léger mouvement de tête que la plus petite était surprise. On dirait que c'est la bonne option. « Le jour où un traître, Samuel, s'est lancé vers vous pour vous tuer, tu as agi plus vite que lui et a bloqué son attaque en prenant la lame de Livaï. »

Pas d'intervention ; elle continua donc. « Il m'a dit que la première chose qui lui était passée par la tête était que sans ça, il se serait fait trancher en deux... Et donc, malgré le fait qu'il allait probablement perdre, il l'a attaqué. »

Je n'étais pas censée le raconter, mais à ce stade... La jeune femme resta parfaitement immobile. « On est arrivés juste au moment où il s'est fait plaquer contre le mur et allait se faire égorger. Une seconde de plus, et c'en était fini de lui. » Elle jeta un œil à l'ouverture, derrière laquelle était sûrement dissimulé le protagoniste de cette petite anecdote.

« Tu as conscience qu'un ennemi n'aurait pas agi comme ça, n'est-ce pas ? » Le silence qui lui répondit était, à son grand soulagement, plus encourageant que lourd. « Je suppose que tu te méfieras toujours de lui... Mais, Marion, garde cette histoire en tête. Je sais que tu peux outrepasser cette peur. »

Après de longues secondes, la châtaine leva un visage hésitant. « Tu dois avoir raison », admit-elle, le nez froncé. Mon plan a fonctionné ?! « Mais il me fait toujours flipper. Même si j'essayais, je ne réussirais pas à lui faire confiance. »

Aïe. « Je ne peux pas ne pas me méfier ; pas après ce qu'a dit Isaac. » Ouille. Elle se détacha de la brune, et se dirigea vers l'entrée, les épaules raides. « Merci, Hansi », déclara-t-elle toutefois. « Pour m'avoir écoutée. J'y penserai, c'est au moins ça ! » Elle a l'air plus joviale, en tout cas.

Elle tourna alors la poignée, et l'affolement gagna son amie. Non, il y a Livaï derrière ! Si elle le voit... Seulement, le battant de la porte ne dévoila que le corridor, et elle fut gratifiée d'un air étonné, qui finit dans un rire. « Je vais au réfectoire, je vais être en retard. A tout à l'heure. »

Elle se retrouva seule, le cœur partagé entre l'affolement et la légèreté. Soit il n'a pas écouté, soit... « Hansi », l'appela la voix du combattant. ... il est passé par la seconde porte. Elle se tourna vers lui ; ses yeux clairs reflétaient de nouveau de la pénibilité, malgré l'immobilisme de son visage.

« Je suppose que ça ne changera pas. » Fixant d'abord l'emplacement où se trouvait la chercheuse quelques instants plus tôt, il fini par fermer les paupières. « Tant qu'elle ne crève pas », lâcha-t-il en avançant vers la sortie.

« Livaï...

— Les ordres sont les ordres.

— Mais...

— Ferme-la, jeta-t-il. »

Il n'est pas ravi. Il quitta la pièce de sa démarche habituelle. Après avoir entendu que Marion pensait qu'il voulait la tuer, ça peut se comprendre. Ses yeux noisette se posèrent sur une fiole poussiéreuse, négligemment renversée sur le parquet sombre. Elle la prit entre ses doigts.

Mais il pourrait être plus perturbé. Un sourire se dessina sur ses lèvres. Elle reposa l'objet et se mit en route. J'espère simplement qu'elle... Elle fut coupée net lorsqu'on lui rentra dedans. La chercheuse se tenait une nouvelle fois devant elle, et la tira légèrement à l'écart. Hein ? Encore ?

« Juste une chose, Hansi », bafouilla-t-elle. Ses joues étaient rouges, et ses yeux regardaient les alentours avec gêne. Elle a dû revenir sur ses pas... Mais pourquoi est-ce qu'elle a un air pareil ? « Ça va être super étrange, mais... » Elle gratta nerveusement sa hanche, puis inspira longuement et lui fit face.

« Est-ce que quelqu'un m'a déjà embrassée ? »

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ʟ'ᴀᴜ-ᴅᴇʟᴀ - ᴀᴛᴛᴀᴄᴋ_ᴏɴ_ᴛɪᴛᴀɴ&0.7 ⌜ᵗᵒᵐᵉ ²⌟Où les histoires vivent. Découvrez maintenant