Petite aube - Partie 5

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Shiganshina, Mur Maria, 1er Mars 851

La douceur de ce premier matin de mars résigna Hansi à sortir sans sa cape, et à conseiller vainement Livaï de faire de même. Sous ses yeux noisette, le soleil s'élevait, brillant et presque chaud ; juste assez pour faire fondre le givre qui s'était déposé sur les herbes vertes durant la nuit.

« On dirait presque le printemps ! » s'exclama-t-elle. L'autre, qui venait juste de la suivre, la gratifia d'une once d'ennui perdue dans son regard stoïque. « Peu importe la température », lâcha-t-il. « Tant qu'on peut écraser cette porcherie d'armée américaine. »

Elle laissa échapper un rire. A cet instant précis, Marion sortit à son tour de l'ouverture de bois menant à la cour intérieure. Ses yeux verts, partiellement cachés par ses mèches châtaines, étaient plongés dans un dossier, tant et si bien qu'elle marchait totalement par automatisme.

La plus grande vit le caporal-chef lui jeter un coup d'œil furtif. Encore, songea-t-elle en faisant face aux écuries, à deux cent mètres devant elle. Si la relation entre ces deux là s'était améliorée – ou plutôt, que la jeune femme n'avait eu plus peur de lui – tous ces efforts avaient volé en éclats avec la perte de sa mémoire.

Durant ces deux semaines passées, elle avait gratifié un nombre incalculable de fois son supérieur de cet air glacial dont elle avait le secret... Et celui-ci en était probablement de plus en plus irrité. Ça ne se voyait pas vraiment ; ça se décelait, dans la manière dont il buvait son thé ou vérifiait la poussière sur les meubles. Autant d'indices subtils qui n'échappaient pas à la chef d'escouade.

Tout ça faisait presque peine à voir, et elle ne comptait pas laisser les choses stagner ainsi. Non seulement, l'expérience pourrait être amusante, mais elle était indispensable pour la cohésion du travail qu'ils devaient fournir. Ils devaient se supporter à chaque heure du jour : si cette ambiance persistait, qui sait ce qui allait advenir de la qualité des comptes-rendus de la chercheuse.

Elle avait déjà ciblé le problème. Après ce que lui avait dit Isaac, la petite était purement et simplement persuadée qu'il faisait partie des américains. Elle l'avait vue, l'expression de l'autre, lorsqu'il avait entendu ce mensonge absurde sortir de sa bouche... Et elle avait été incapable de prononcer ne serait-ce qu'une seule parole pour l'aider ; seulement de suggérer de faire comme s'ils ne savaient pas.

Mais Livaï avait finalement tenté de parler à la chercheuse. « Rien du tout », avait-il simplement rapporté à sa collègue lors de ces rares moments où Mikasa ou Mike prenaient son poste. Puis il s'était tu, et avait continué à remplir les papiers qui lui avaient été attribués.

Ça ne peut pas durer, décida la brune. Aujourd'hui, je vais mettre un plan à exécution, et... Un bruit sourd la tira brusquement de ses pensées. « Tu n'es vraiment pas bigleuse pour rien », entendit-elle le petit homme lâcher.

Son amie venait tout juste de trébucher sur une dalle mal placée, et de s'étaler à terre. Elle se contenta de hausser les épaules, pour finalement s'épousseter le pantalon et se remettre sur pieds. Sa froideur était telle que de la neige dans le dos de Hansi n'aurait pas pu lui donner un frisson plus désagréable.

Ils reprirent leur route en silence. Quelques cadets qui balayaient le sol se raidirent sous le regard clair du petit homme. Tiens, c'est marrant, se fit-elle remarquer. Marion et lui font la même taille. De là où elle se tenait, à les surplomber presque avec son mètre soixante-dix, elle n'avait jamais vraiment fait attention à ce détail – le fait qu'ils n'étaient pas très grands ne lui facilitait pas la tâche, après tout.

ʟ'ᴀᴜ-ᴅᴇʟᴀ - ᴀᴛᴛᴀᴄᴋ_ᴏɴ_ᴛɪᴛᴀɴ&0.7 ⌜ᵗᵒᵐᵉ ²⌟Où les histoires vivent. Découvrez maintenant