Chapitre 17

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Chapitre 17

Mercredi 2 mars. 10h .Ciel bleu
Horoscope:
"Travail: Profitez de toutes les opportunités"
"Forme: Bonne"
"Amour: Voir travail...".

Dingue quand même : L'Ardèche est le seul département français qui n'est desservi par aucune gare. Et forcément, c'est celui où je vais... En même temps, pour quelqu'un qui cherche le calme et la tranquillité, c'est pas si mal de se retrouver dans le coin le plus paumé du pays. Avec un peu de chance, le portable ne passera même pas (enfin, j'espère quand même qu'il y aura du Wifi dans l'hôtel - faut pas exagérer quand même !
Sur le quai, en attendant que mon train ne montre son nez, je regarde un couple à côté de moi. Elle pleure et lui retient ses larmes (ça se voit). Je comprends que l'un des deux (elle, j'ai l'impression) monte dans le train tandis que l'autre va rester sur le quai. Se reverront-ils bientôt ? Se quittent-ils pour toujours ? Sont-ils ensemble depuis longtemps ? Ils doivent avoir dans les 25 ans. J'adore imaginer la vie des gens que je croise. Surtout les couples. Mais là, je dois dire que mon imagination cale un peu.

Cette vision me ramène à la déliquescence de mon propre couple et à mon statut de "célib'" que je n'assume pas du tout. Je ne suis pas le genre de fille qui doit être seule pour se sentir libre. Moi, c'est en partageant ma vie avec quelqu'un que je me sens libre. Et vraiment moi-même. Quand je suis célibataire, j'ai tendance à surjouer, à en faire trop, peut-être pour que l'on me remarque. Quand je suis avec quelqu'un, j'ai l'impression que je peux me laisser mon vrai moi s'exprimer, à condition que j'ai confiance en mon partenaire.
Ces quelques jours off m'ont fait du bien. J'ai vu les Vivis, j'ai flâné, j'ai tenté de reprendre ma vie en mains. Mais les textos que m'envoient Mat' ne m'aident pas du tout. Soit il s'excuse, se met à plat ventre pour me supplier de revenir, soit il m'engueule et m'accuse d'avoir laissé notre couple se déliter... Qu'en gros, c'est de ma faute s'il est parti voir ailleurs. Bah voyons...
N'empêche, il me manque parfois. On ne se détache pas d'une longue histoire d'amour en quelques jours, faut pas rêver. Ce serait triste même, si on pouvait tout oublier comme ça, d'un seul coup, ça voudrait dire que l'histoire n'a pas compté, comme si rien ne s'était passé.
Mat' et moi, c'était beau. Au début, disons. On a vécu  tellement de choses, je ne les oublierai jamais. Je veux les garder en mémoire. Et même si - je croise les doigts - je rencontre un amour plus fort encore, je ne veux pas oublier mes autres histoires, c'est hors de question.
Le train arrive dans un vacarme ébouriffant et me coupe dans mes réflexions. Je prends ma valise et attend qu'il s'arrête. Et......... oui ! La porte de mon wagon s'arrête pile en face de moi - c'est mon grand jeu, prévoir l'endroit exact.

Je monte donc la première (hihi) et je cherche ma place. Il faudra m'expliquer un jour qui a numéroté les places à la SNCF, ce n'est jamais dans l'ordre ! Bref... Enfin, place 72. Oh non ! c'est un duo. Donc quelqu'un va s'assoir à côté de moi. Il faut compter quatre heures pour Montélimar. J'espère que je ne vais pas avoir un gros lourd à côté de moi. Je tremble quand je vois un type louche se diriger vers moi. Ouf ! il me dépasse. Une vieille dame, tiens... Bof, pourquoi pas. Elle me dépasse aussi. Un militaire (plutôt sexy). Non plus. J'abandonne mon petit jeu et regarde par la fenêtre l'effervescence du quai. toute façon, je verrai bien. Si ça se trouve je serai seule...

Je suis dans mes pensées et j'entends "bonjour" d'une voix grave et douce. Je me retourne. Un jeune homme, dans les trente ans (canon) est en train de s'installer. En levant les bras bien haut pour ranger son sac au-dessus des sièges, son t-shirt se soulève un peu et laisse entrevoir un début de tablette de chocolat.
Normalement, ça devrait me plaire, mais je dois dire que je n'ai pas la tête à ça. C'est trop tôt.

Je réponds à son bonjour, par un signe de tête un peu froid. Il s'assoit et sort un livre (décidément, c'est un mec bien). Je regarde discrètement, c'est Madame Bovary de Flaubert. L'histoire de cette femme qui s'ennuie et vivra par les livres avant de se rendre compte qu'ils ne sont qu'une illusion, qu'ils ne sont pas la vraie vie. J'avais adoré ce roman, même s'il est dur.
Pendant les quarante premières minutes, nous n'échangeons même pas un regard. J'ai très envie d'aller boire un café au bar du train, mais il faut que je lui demande de se pousser.
- Euh... Excusez-moi, lui dis-je en montrant le couloir du wagon pour lui signifier que j'aimerais bien passer.
- Ah... répond-il en sortant de sa lecture, comme s'il sortait d'un rêve. Ah bah, attendez, justement, j'allais boire un café.

Il se lève et je lui emboîte le pas. Du coup, il va penser que je le suis... Nous arrivons donc ensemble au bar. C'est là qu'il remarque je l'ai donc suivi depuis trois wagons... Il sourit quand il me voit. Il commande son café et s'installe sur une tablette en face de la fenêtre. Je fais de même. Nous nous jettons quelques regards. Au bout de trois ou quatre, il prend son café et se dirige vers moi.
- Vous allez loin ? demande-t-il. Et ça ne sonne pas du tout comme un dragueur lourd, juste comme quelqu'un qui veut rencontrer quelqu'un d'autre, qui s'intéresse...
- A Montélimar.
- Ah. Moi aussi. Je viens de là-bas. Vous aussi ?
- Pas vraiment. Mais ma grand-mère avait une maison en Ardèche.
- Elle l'a vendue ?
- Heu non... Elle n'est plus de ce monde.
- Ah... Je suis désolé.
- Vous ne pouviez pas savoir.
- Qu'allez-vous faire à Montélimar alors ? Pardon, ça ne me regarde pas... Au fait, je m'appelle Thomas.
- Non, non, ne vous excusez pas. Je m'appelle Amandine. On pourrait peut-être se tutoyer, non ? On a à peu près le même age.
- Ah bon ? Vous avez 62 ans, vous aussi ?

Je fais une tête bizarre. Je me demande s'il fait de l'humour ou s'il est fou.

- Haha ! Je plaisante, j'ai 34 ans.
- Hahaha... Je me demandais sur qui j'étais tombé. En fait, je vais en Ardèche, j'ai gagné un voyage à la télévision.
- Non !? Trop drôle ! C'est génial !

Nous discutons pendant tout le reste du voyage, tous les sujets y passent. Je lui parle de ma rupture, il me parle d'une ancienne rupture et sait trouver les mots justes pour me faire réfléchir. Il est vraiment charmant. Je sens que je lui plais, mais il ne tente aucune approche, il n'y a aucune ambiguité, c'est agréable.
Nous descendons ensemble. Et il me dit au revoir en me faisant une bise juste avant l'ouverture des portes. Bon.
Je comprends quand il pose le pied sur le quai. Une jeune fille plutôt jolie l'attend et l'embrasse goulument. Je fais comme si de rien n'était et passe mon chemin. Je comprends mieux pourquoi je ne sentais pas de drague... Il n'a pas mentionné sa petite amie, peut-être qu'il voulait flirter un peu, sans aller trop loin. Dommage.

Je sors de la gare et je remarque un homme avec une pancarte sur laquelle mon nom est inscrit.
Je m'approche et il me dit qu'il est chargé de me conduire à l'hôtel. Je monte dans une belle Mercedes, j'ai l'impression d'être une privilégiée, avec son propre chauffeur personnel. Et j'adore ça !
Nous quittons Montélimar et nous arrivons bientôt en Ardèche. Immédiatement, les paysages, les couleurs me parlent. Tout remonte à la surface. J'ai l'impression que je vais rejoindre Maminou. Mais ce n'est pas une nostalgie triste, plutôt une sensation d'être chez moi, à ma juste place.
La voiture se gare devant l'hôtel, très beau. On me reçoit très gentiment et on me montre ma chambre. Elle est parfaite, le lit est gigantesque. Et il y a une sorte de petit salon, avec trois fauteuils et une table basse.

Je crois que je vais passer une bonne semaine.
Enfin.

Et si changer de vie, c'était devenir vraiment soi-même...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant