Chapitre 23
Samedi 5 mars. 13h30. GrisailleJe me réveille et tout est clair. Malgré l'alcool et, disons, les péripéties de cette nuit, je n'ai ni gueule de bois ni sentiment de malaise. Je sais exactement où je suis et ce que je fais là. Toujours cette impression diffuse d'être vraiment à ma place.
Je m'assois contre mon oreiller. Je regarde mon portable machinalement. Oups! je m'aperçois que je n'ai pas répondu à Vic. Mon téléphone sature de messages d'inquiétudes de mes vivis. Et un de Mathieu, tiens: "comment vas-tu ? Peut-on se voir pour discuter ?" Hahahaha. NO WAY ! je ne lui répondrais même pas. En revanche, je réponds tout de suite aux vivis pour leur dire que tout va bien, tout va TRÈS bien. Et j'ajoute un petit teasing: "J'ai plein de choses à vous raconter! Y compris des choses inracontables..."
Oh ! J'ai failli oublier. Je réponds à Julien aussi. Je pense qu'il va être déçu... Mais tant pis, je n'avais pas réellement envie de le voir. "Désolée Julien, je dois annuler pour ce soir. Je suis partie en Ardèche... Biz"
Je me suis fait porter un café dans ma chambre. Il doit être 14h, je suis bien. Je regarde le ciel et les quelques branches qui passent devant la fenêtre. Je me dis qu'il faut absolument que je revienne au printemps ou cet été. Je pense à Mat' (Mathias). Je suis bien.
Soudain, la réalité me rattrape. Je me souviens que je repars demain pour Paris et ma vraie vie. Je dois voir Mat' ce soir. Vu l'heure à laquelle il m'a ramenée à l'hôtel, il ne doit pas être en grande forme.
Tout à coup, une idée absurde m'envahit. Et si je ne repartais pas? et si je trouvais un travail ici. Je pourrais louer une petite maison... Quelle idiote ! Et où vais-je trouver un job de marketing dans le coin ? Et je ne connais personne. A part, les gens que j'ai rencontrés chez Maminou et Mat'. N'importe quoi. Je suis en train d'idéaliser, comme d'habitude.
Bon, allez, je me lève, une douche et en avant ! Il s'agit de profiter de mes dernières heures au paradis.
Je déjeune rapidement en bas. La dame de l'hôtel a eu la gentillesse de me préparer un en-cas alors que la cuisine est fermée depuis belle lurettes.
Je me balade, je flâne tout l'après-midi. Vers 18h, je passe devant une sorte de grange, perdue au milieu de rien. Je vois quelqu'un à l'intérieur. Une personne habillée de noir avec une sorte de scie électrique dans les mains en train de s'échiner sur une pièce en métal à la forme bizarre. Des gerbes d'étincelles jaillissent. Je m'approche, curieuse. L'ouvrier masqué tourne la tête vers moi, stoppe son engin. C'est dommage, le feu d'artifice s'éteint. Il bascule son casque de manière à dévoiler son visage. C'est une femme. 45 ans, je dirais.
- Bonjour, me lance-t-elle
- Bonjour. Désolée, je ne voulais pas vous déranger. J'étais fascinée par le spectacle.
- Oh mais pas de problème, avec plaisir. Vous savez, je n'ai pas souvent l'occasion de rencontrer des nouveaux venus ici. Remarquez, c'est pour ça que je me suis installée, là, pour la tranquillité. Mais venez, approchez. Je peux vous renseigner ? Vous êtes perdue ?
- Non, non, pas du tout, je me balade. Et comme je vous disais, votre manège m'a attiré. je peux vous demander ce que vous faites?
- Oui, je suis sculptrice. Enfin, c'est un bien grand mot. Mais disons que je fabrique des objets en récupérant des pièces ici et là, beaucoup de métal. Et ça, dit-elle en me montrant son engin, ça, c'est une scie circulaire, ça me permet simplement de couper le métal sans trop me fatiguer.
- Mais quelle sorte d'objets fabriquez-vous?
- Oh un peu de tout. Des lampes, des meubles, ça dépend de l'envie du moment et des commandes...
- Ah, vous les vendez?
- Oui, sur Internet.
- Et vous arrivez à en vivre?
- Dites tout de suite que ça ne mérite pas d'être acheté ! Elle dit ça en faisant mine de s'énerver.
- Oh non, pardon, ce n'est pas du tout ce que je voulais dire. Je trouve ça génial.
Derrière elle, je peux admirer une collection impressionnante d'objets en métal. Je les trouve beaux.
- En fait, grâce à mon site, je vends aux quatre coins du monde. Merci La Poste ! donc je peux dire que ça va, je m'en sors plutôt bien. Mieux même que dans mon ancien boulot.
- Ah. Je peux vous demander ce que vous faisiez avant?
- Oui, mais à condition de me suivre dans la cuisine, j'ai besoin d'un thé bouillant.
Je la suis, bien sûr. Nous nous retrouvons dans une petite maison attenante. Elle enlève son anorak et ses mitaines, c'est une très belle femme. Je me demande vraiment comment elle a atterri dans ce coin perdu. Elle me tend une tasse fumante. Je la serre entre mes mains. J'adore cette sensation de chaleur intense.
- En fait, je travaillais à Paris avant. J'étais à la Défense. Tu vois ? Le quartier avec les grandes tours. J'étais dans une grosse boite qui vend de l'énergie. J'étais chargée des achats, je ne te fais pas un dessin, tu vas t'endormir.
- Oh pas besoin, je travaille à Paris, dans le marketing.
- Et tu es heureuse ? Tu sais, chacun sa voix. Il y a des gens passionnés par ce genre de métier, je ne les juge pas. Simplement, ce n'était pas fait pour moi. Les chefaillons, la pression, les comptes à rendre, les petites rivalités entre collègues, j'en avais ma claque. Mais il y avait des bons côtés. J'y avais aussi de bons amis, un bon salaire aussi !
- Oui, je comprends. en fait, non, je ne suis pas heureuse là-bas. Je suis en train de m'en apercevoir. Moi aussi, j'ai de bons amis, mais tout ce que vous venez de décrire, c'est ce que je vis aussi.
- Alors, change !
- Haha. Facile à dire. ça ne s'improvise pas. Il faudrait que je trouve du travail. Ici, ça me plait bien d'ailleurs. Mais je ne sais pas si j'aurais le courage de quitter mes amis, mes repères...
- Ton boulot...
- Ah non ! ça ce serait facile, ça ne me manquerait pas du tout !
- Tu sais, parfois, il suffit de plonger. Après, on nage...
- C'est vrai. j'y pense beaucoup en ce moment... Mais je ne sais pas par où commencer !
- Ecoute, on ne se connait pas. Mais je sens une connexion. Je suis passée par ce que tu es en train de vivre. C'est vrai, ce n'est pas facile. Si tu veux, viens faire un stage chez moi de quelques semaines. J'ai toujours besoin d'un coup de main.
- C'est gentil, mais je pars demain matin.
- Eh bien, reviens quand tu veux ! Si tu reviens dans le coin, tu sais où me trouver !
- C'est vraiment adorable. Je m'appelle Amandine, au fait.
- Enchantée! Je suis Cynthia.
Je repars vivifiée de cette rencontre, nous avons discuté une bonne heure. Avec elle, tout paraît facile. ça ne va pas arranger ma tendance à idéaliser et à rêver.
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Et si changer de vie, c'était devenir vraiment soi-même...
Literatura FemininaAmandine est fatiguée et parfois un peu triste... Pourtant, elle a tout pour être heureuse : un mec en or, des supers copines (Ses Vivis), un boulot bien payé, et un bel appartement dans le centre de Paris... Mais son mec n'est peut-être pas si géni...