Chapitre 27

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Chapitre 27

Lundi 7 mars. 12h. Gris.

Me voici libre donc. J'avale un sandwich sur le banc d'un joli parc. Cris d'enfants et chants d'oiseaux, c'est ce qu'il me fallait.Un sentiment de vertige s'empare de moi. J'hésite entre la panique et la plénitude. ça donne quelque chose de très étrange, un cocktail ambiguë, comme un chaud et froid. J'ai répondu aux nombreux textos des collègues, Karine et Valentin en tête. Les nouvelles vont vite dans ce genre d'entreprise. Ma réponse officielle est que j'y avais déjà mûrement réfléchi et que j'ai pris la bonne décision. Mais en vérité, je n'en sais absolument rien! Comment vais-je payer mon loyer? Allez, je dois avoir de quoi tenir 3 mois. Il faut que j'y retourne demain matin et que je demande une rupture conventionnelle, histoire de toucher le chômage, sinon, je ne sais pas du tout comment je vais m'en sortir. Je ne vais quand même pas retourner chez mes parents!!
J'ai essayé d'appeler Mat' pour lui raconter, mais il ne répond pas. Il doit être dans ses champs, loin de tout ce tumulte. Quelle chance.
Evidemment, j'ai parlé aux Vivis. Virginie m'a fait faire des exercices de respiration zen par téléphone. ça m'a fait plus rire que déstresser, mais au fond, rire, c'est un bon moyen de se calmer... On se voit ce soir pour sortir. Je n'en n'ai jamais eu autant besoin.
J'erre tout l'après-midi, je flâne, j'explore la ville sans la regarder vraiment. Tout se bouscule dans ma tête, aucune décision ne s'impose. C'est toujours comme ça avec moi. Je ne décide rien, et un jour, je pète un câble (ce matin) ou je découvre un pot-aux-roses (Matthieu). Et j'avance. J'avance par crise en fait.
Je reçois un mail vers 15h. C'est Eric. Il me demande froidement de venir le voir demain matin. Je ne réponds pas. Mais il faudra que j'y aille.
A 19h, je rentre chez moi pour me préparer. Je dois rejoindre les Vivis au resto et ensuite, on ira danser. Ouf.
C'est à ce moment-là que Mathias m'appelle enfin.
- ça va?
- Oui, je crois que j'ai pris la bonne décision
- Alors, si c'est ça, ça va. Ne regrette rien. C'est ton être profond qui t'a fait agir. ça veut dire que tu as pris la bonne décision.
- Oui, je pense, enfin j'espère.
J'éclate en sanglots
- Oh non, ne pleure pas! Tu vas avancer! Le meilleur est à venir!
- Je sais, je sais... C'est juste qu'il me faut du temps. Il faut que je réfléchisse à tout ça. Je ne sais pas du tout comment je vais m'en sortir.
- Mais tu t'en sortiras quoi qu'il arrive! Au pire de pire, de pire: tu viens t'installer chez moi! Hahahahaha
- Hahahahaha. Parle pas de malheur! Hahahaha
- Allez, amuse toi ce soir, profite, décompresse. Demain est un autre jour.
- Oui, tu as raison.
- Amandine?
- Oui?
- Je pense à toi. Tout le temps.
- Moi aussi.
- Je t'embrasse
- Je t'embrasse. Merci Mat'

En raccrochant, je me sens déjà beaucoup mieux. Cet homme a une capacité incroyable à me faire sentir en sécurité.
Allez! Go! Let's have fun!
Je me maquille rapidement,  et je pars rejoindre les Vivis.
Il n'y a que Virginie quand j'arrive au restaurant. Elle est au téléphone. Je lui fais un bisou sur la joue et m'assois en attendant qu'elle termine sa conversation. C'est très désagréable ça: être assis à côté de quelqu'un au téléphone. On est là sans être là. Mais bon... Je suis la première à le faire. donc, bon...
Vic nous rejoint et je passe le dîner à leur raconter encore et encore la semaine de ce matin. Elles me soutiennent. C'est fou, tout le monde me soutient, tout le monde me dit que j'ai bien fait, pourtant rares sont ceux qui franchissent le pas. Peut-être que je réalise l'un de leur fantasme, qu'ils m'envient. C'est toujours plus facile quand ce sont les autres qui font les choses qu'on n'a pas le courage de faire...
Devant la boîte, il y a un monde de dingue. Il est 2h du matin, j'ai un peu bu et je ne pense plus à rien. Je suis déconnectée de tout. Je n'ai qu'un objectif: danser à en perdre la tête.
Heureusement, Vic connaît le vigile (Vic connaît tout le monde). Nous entrons donc en grillant la file. J'entends des gens râler derrière nous. Hihihi. J'avoue: j'adore ça. L'illusion d'être quelqu'un d'important sans doute. ça gonfle un peu l'ego, ça ne fait pas de mal, tant qu'on n'y croit pas réellement.
Nous nous prenons 3 mojitos et nous nous asseyons dans un coin de la boite, histoire d'observer.
Nous évinçons gentiment quelques mecs qui tentent leur chance et nous jouons à notre passe-temps favori et malsain: critiquer tout ce qui bouge. Et sur la piste, y en a du monde qui bouge.
Soudain, je me fige.
- Oh! Regardez! Là-bas, la fille en robe verte: c'est Julie!
- Julie? demande Vic
- Mais si, tu sais, la fille lèche-cul qui a eu le poste que je devais avoir. La peste!!!
- Ah ouiiiiiii. Mais elle était venue te voir, non? Vous étiez réconciliées?
- Ouais, si on veut. Oh et puis, vous savez quoi, j'en ai plus rien à foutre. Tant mieux pour elle-même
- C'est bien, dit Virginie, tu commences à être dans le bon esprit, ma chouchoute. Je suis fière de toi!
- Haha, pour l'instant, c'est plus du dépit que de la bonté d'âme
- Pas grave. ça compte quand même!

Je regarde Julie, comme un symbole de tout ce que j'ai fui et je suis heureuse. Je me dis que j'ai bien fait. Tout à coup, elle tourne la tête et nos regards se croisent. Elle ne fait pas semblant de ne pas m'avoir vu, comme on aurait pu s'y attendre. Elle a l'air contente de me voir. Bizarre. Pire: elle marche vers nous!
- Salut Amandine, salut, me lance-t-elle à moi et aux Vivis.
- Salut, répondons-nous avec une moue très peu accueillante
- Je peux te parler, Amandine?
- Si tu veux...
Elle s'assoit à côté de moi. Les Vivis parlent de leur côté.
- Ecoute, j'ai appris que tu avais quitté la boite. Je suis vraiment désolé. J'espère que ce n'est pas à cause du poste. Je te l'ai dit, j'étais sincère. Tu le méritais autant que moi, si ce n'est plus.
- C'est gentil, réponds-je, mais non ce n'est pas à cause de ça, c'est plus large. Je n'en pouvais plus. Mais pas que des boss ou de la boite, de cette façon de vivre tout court. En vrai, je ne sais pas trop où j'en suis.
- Je vois. Moi non plus. J'aimerais avoir le courage de faire ce que tu as fait. Surtout après ce qu'Eric et Olivier m'ont fait à moi.
- Que t'ont-ils fait?
- Bah, t'es pas au courant?
- Euh, non. J'étais en vacances et après je suis partie en claquant la porte. J'avoue que je suis mal renseignée...
- J'ai perdu le poste. Ils l'ont donné à Jean-Baptiste. Ils ont dit que finalement, je manquais de background...
- Hein?! Mais Jean-Baptiste, il est plus jeune que toi. Et surtout, il est nul!!!
- Oui, mais c'est un mec...
- Je vois. Ah les connards! Nan mais c'est pas vrai. Du coup, t'as fait quoi?
- Rien. Je n'ai rien dit, j'ai encaissé. J'ai retrouvé mon ancien poste. Mais intérieurement, je bous.
- Oh ma pauvre.

Elle fond en larmes.
- Je t'admire, Amandine, jamais je ne pourrais faire ce que tu as fait, je n'ai pas ce courage. La seule chose que j'ai décidé, c'est de chercher une autre boite et de ne quitter celle-là que lorsque j'aurais trouver ailleurs. Tu parles d'un courage.
- Ecoute, si tu veux savoir, je pense que tu as raison, c'est plus raisonnable. Je suis partie sur un coup de tête et là, je suis complètement flippée!!

Nous avons discuté encore une heure, sous le regard interloqué des Vivis. Ensuite, nous avons danser jusqu'à épuisement. A 5h, en rentrant chez moi, seule, j'étais trop excitée par cette journée de dingue pour m'endormir. J'ai quand même mis mon réveil pour retourner voir Eric demain matin, on verra. Le sommeil s'est emparée de moi par surprise. Je me souviens juste qu'en m'endormant, je me suis murmuré à moi-même: "ça va aller".

Et si changer de vie, c'était devenir vraiment soi-même...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant