CHAPITRE I - EPISODE 2

120 22 15
                                    

Après cette humiliante expérience avec Maï,la vipère qui m'a aspergé de venin,je suis rentré chez moi accompagné de Djenab.
Je lui invitai à entrer dans ma chambre et se reposer un peu.Elle ne declina pas l'invitation.
Il n'y avait rien à manger car maman devait sûrement être prise à son travail.Elle est bonne dans une famille friquée à quelques lieues de notre domicile et dès fois elle offrait ses services de lavage à quelques uns pour arrondir le salaire.Quand j'avais pas grand chose à faire je partais souvent dans son lieu de travail.J'avoue que ces visites m'ont toujours bouleversé.Voir des gamins de mon âge qui ont eu la chance de voir la vie sous la bonne étoile parler à ma mère comme on parle à son égal me mettait hors de moi.Mais bon,c'est comme ça quand on a rien,on accepte toutes les humiliations pour pouvoir survivre.Après tout,les gosses de bourgeois ne sont pas connus pour être bien éduqués.
Ne sachant quoi offrir à Djenab,je lui tendit un verre d'eau qu'elle accepta toute souriante.On aurait dit que je venais de lui ouvrir les portes du paradis.Moi par contre je ne pouvais pas boire pas parce que je n'avais pas soif mais parce que ça m'aurait causé des maux de ventre.En poular on dit "Diyan ko è loopoye dèwata" ce qui veut dire "l'eau ne stagne que sur la boue".
Et dans mon ventre,c'était des roches sous lesquelles des parasites de la taille d'un serpent attendaient la moindre graine avalée.
Je me suis couché sur le lit de deux places se trouvant dans la miniscule pièce appelée vulgairement, chambre à regarder cette fille qui je ne sais pour quelle raison était là à me tenir compagnie.Elle,ne disait rien.Moi non plus d'ailleurs.
Elle a longuement fixé mes chaussures trouées et puantes comme une toilette publique.
-Alors toi aussi tu comptes te moquer de mes chaussures? Lui ai-je demandé.
-Mais non Salam.Pourquoi le ferai-je?Tu penses vraiment que je t'aurai tenu compagnie et raccompagné jusque chez toi pour me moquer de ta situation?
-Ne le prend pas mal Djenab.C'est juste que j'ai pas l'habitude que quelqu'un d'autre que ma mère prenne soin de moi.
-Je peux essayer tes chaussures?m'a-t-elle demandé.
-Bien sur mais j'espère que tu as du parfum dans ton sac  sans quoi tu risques d'avoir les pieds qui puent.
On a rigolé un instant et quelques minutes plus tard,elle demanda à se retirer pour rentrer chez elle.
-Je ne saurai trouver les mots pour te remercier Zé (on appelle comme ça les filles qui s'appellent Djenab).
-Ce n'est rien.J'ai juste fait ce que je devais faire et Maï n'aurait pas dû se comporter comme ça.Je peux passer le soir?Je veux dire à 22h si ça ne te cause pas un problème bien sûr.Je voudrais te montrer quelque chose.
-C'est chez toi ici.Sache qu'à partir d'aujourd'hui ma porte t'es grandement ouverte et ce,à n'importe qu'elle heure.
On s'est separé sur ces mots sans même que je ne lui ai raccompagné.C'est mal?Je m'en fou c'est votre avis.C'est mon histoire et vous votre rôle c'est lire et non me donner des leçons de morales.
Que pouvait-elle bien vouloir me montrer?Surtout à 22h.
Vous pensez que je commence à avoir des idées perverses?Hein mes amis lecteurs.
Vous avez raison.C'est vraiment ce à quoi je pensais.
Après qu'elle soit partie,j'ai fait les travaux menagers pour ne pas que maman ait à le faire à son retour.J'ai puisé de l'eau au puit et suis rentré me coucher.
J'avais une faim de loup et mes membres commençaient à ne plus repondre. Les minutes passaient tels des heures.J'aurais avalé un rat tout cru si j'en avais eu la possibilité.Je ne serai sûrement pas là à vous parler si ma maman n'était pas revenue à temps,avec du manger qu'elle avait eu à son travail.
Le soir est tombé,le soleil a laissé place à la lune.La ville fut envahie par les bruits des marchandes saisonnières rentrant au village,de quelques jeunes garçons excités roulant imprudemment sur leurs motos.
La ville si pudique durant la journée commença à reveiller les habitudes indécentes de sa vie nocturne.On pouvait donc voir des filles aux accoutrements légers aller en direction du centre ville.Là-bas,ce n'était pas la Mecque ni le Vatican.Fumeurs de chanvre,catins,voyous et ivrognes s'y donnaient rendez-vous tous les soirs.
Dans mon,moi j'attendais impatiemment la venue de mon amie et surtout la curiosité me brûlait.
Je comptais les minutes continuellement.
22h a sonné et elle n'était toujours pas venue ce qui a fait que j'ai cru qu'elle n'était pas sérieuse quand elle m'a dit qu'elle viendrait et que je me faisais gratuitement un scénario.
Dix minutes plus tard,elle est arrivée,un sac plastique en main.
Mon Dieu qu'elle était belle dans sa robe bleue moulante.Pour la première fois je crois,j'ai vu toute sa beauté.Sa coupe d'afro,son teint noir et brillant,ses rondeurs,ses gros yeux,tout ça me faisait perdre mes capacités.Le temps d'un instant,j'aurais voulu que le temps s'arrête,que je puisse la regarder.
Je suis tellement allé loin dans mes pensées que c'est à peine si j'ai entendu sa salutation.
Quand ça m'est revenu,j'ai sursauté et ai repondu le souffle à moitié coupé et le cœur qui battait à m'en transpercer la poitrine.
-Oui Zé tu vas bien?Désolé je m'étais perdu dans mes songes.Que tu es belle !
-Oh ça va n'exagère pas.J'ai quelque chose pour toi.
-Et qu'est-ce?
-Regarde par toi même.Tiens,ça se trouve dans ce sac.Ouvre le et tu verras.
J'ai donc ouvert le sac et j'ai failli pleurer quand j'ai vu le cadeau.C'est bien la première fois qu'on me fait une surprise.
Il y'avait à l'intérie une nouvelle paire de chaussure et quelques fringues.
Ce n'est que là que j'ai compris pourquoi elle regardait mes chaussures et surtout pourquoi elle les a essayé.C'était une façon de prendre ma pointure.
Évidemment que j'ai eté ravi mais surtout gèné .Alors je pris le sac et le lui remis.
-Zé je ne t'ai pas laissé entrer dans ma chambre pour que tu prennes pitié de moi.Je sais bien que ma condition n'est pas des plus souhaitable mais je ne me plains pas.Ma mère me dit souvent que si on souffre ici bas,c'est qu'Allah a une plus grande récompense pour nous dans l'autre vie.D'ailleurs il y'en a des gens plus misérables que moi.
Je t'en prie,reprend ce sac et va donner son contenu à un autre.
-Salam,je ne l'ai pas fait pour me moquer de toi ou pour te rabaisser.Cependant,pour que plus jamais une scène similaire à celle de cet après midi se reproduise,il va falloir que tu acceptes que tu as besoin d'aide.Ce sac,tu vas le prendre et l'envoyer dans ta chambre.Demain,j'aimerai que ce soit elles que tu portes.Et si jamais ce n'est pas le cas,je ne te le pardonnerai jamais.Acceptes ce cadeau comme un signe de mon amitié à ton égard.
J'ai fini par accepter.Ce n'est pas comme si j'étais difficile à supplier tout de même.Mais le pauvre est reputé fier et il le montre partout.Il voit en toute aide,une moquerie sur sa condition de vie.
On est resté ensemble un moment puis je lui ai raccompagné.
Je me suis retourné à la maison pour me coucher.
Il faisait frais et calme dehors.Les criquets,les hiboux,et les grenouilles unissaient leurs bruits pour former ces melodies des nuits africaines.
Mon cœur était comblé ce soir et je n'ai pas tardé à m'endormir mais bien avant je suis passé souhaité bonne nuit à maman et lui montrer le cadeau que j'ai réçu.
-Nènè (en poular ça veut dire mère.Il m'arrive aussi de l'appeler N'na),on hiiiri é djam (vous passez une bonne soirée)? Ai-je dit le genou replié en signe de respect.
-Yettoudè Allah Salam (Dieu merci salam).Et toi donc?J'ai vu la fille avec laquelle tu étais.Elle est jolie.C'est bien que tu aies des amis,tu es trop seul.
-Oui elle est aimable.À vrai dire on est ami que depuis cet après midi.Le destin a voulu que je me lie d'amitié avec elle après une situation très embêtante dont je me garderai de te donner les details.Elle est venue ce soir pour m'offrir un cadeau.
Je tendis le sac à ma mère et je senti le sourire couvrir son visage.
Elle vieillisait et les rides la gagnaient peu à peu.
On pouvait voir là,le resultat de beaucoup d'années dures labeures.Le temps ne lui a pas fait de cadeau et de cet interminable combat,seule sa beauté avait réussi à resister.
Sa longue chevelure était visible même avec le voile qu'elle portait.Ses yeux étaient rouges et c'était sûrement dû au fait qu'elle ne dort que très peu et travaille beaucoup.De tout ce qui constituait cette œuvre d'art par contre,le plus impressionnant reste sa denture.Elle a toujours toutes ses dents bien blanches.Elle le tient de sa mère qui est maninka (ethnie reputée avoir de jolis dents).
Après avoir regardé un à un mes cadeaux,elle souleva sa tête et me dit:
-Remercions Allah pour avoir mis cette personne sur ton chemin.Garde le et surtout prends y bien soins car à chaque fois qu'elle te verra avec,elle sera ravie.J'espère que son intention est pure.Maintenant va te coucher demain tu dois partir à l'école.

SALAM,l'itinéraire d'un jeune dans le ghettoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant