L'aventure, la vraie

Dispute - Lundi 14 Octobre

Il y a des jours où l'on se lève du mauvais pied. C'est un peu comme si la joie s'était évaporée. Ce matin était de ceux-là.

Je n'ai pas entendu le réveil, c'est Manon qui est venue me chercher. J'ai renversé mon jus de fruits, et en voulant nettoyer je me suis cognée la tête dans la table avant de faire tomber ma chaise en me relevant brutalement.

- Calme-toi, Solène, m'a ordonné mon père.

J'avais juste envie de pleurer, de crier et de retourner sous ma couette en attendant demain. Au lieu de cela j'ai du me dépêcher, ce qui a eu pour effet de me faire oublier mon cahier de Sciences. Pas de chance, madame Lepitre qui était aussi mal lunée que moi a décidé de me mettre une remarque dans mon carnet.

 En Anglais, j'ai été obligée de travailler avec deux filles que je n'aime pas parce que c'est Miss Jana qui a formé les groupes. Elles ont passé tout le cours à discuter et à faire des messes basses.

Quand, à la récré, Anouchka et Clarisse ont parlé d'un manga qu'elles veulent écrire et que j'ai compris que je ne faisais pas partie du projet, c'est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase.

- Anouchka, tu m'as promis d'écrire une histoire avec moi et tu n'arrêtes pas de me dire que tu n'as pas le temps !

- Oui, mais c'était l'année dernière, maintenant ça va mieux.

- Alors, on peut le faire, ai-je proposé un peu agacée.

- C'est nul les histoires, a rétorqué Clarisse. On n'est pas en Français, les mangas c'est mieux ! En plus on adore dessiner !

Elle m'a vraiment énervée, avec ses airs de petite reine qui décide tout. Je n'ai pas réussi à contrôler les mots qui se sont échappés de ma bouche.

- C'est toi qui es nulle ! Tu n'as qu'à retourner à Bordeaux si tu n'es pas contente. Anouchka et moi, on se connaît depuis le Ce1, alors ce n'est pas toi qui vas tout changer.

- Et voilà, elle fait sa crise, s'est contentée de répondre Clarisse avec son ton hautain et ironique que je déteste.

- Arrête de te croire au-dessus des autres. Tout ce que tu veux c'est me voler ma meilleure amie parce que tu n'es pas capable de t'en faire une toute seule.

- Je suis plus populaire que toi, m'a-t-elle répondu en relevant sa mèche.

J'ai failli lui donner un coup de poing, mais Anouchka s'est interposée.

- Solène, Clarisse ne t'a rien fait. Ce n'est pas de sa faute si tu n'es pas dans notre classe. Laisse-la tranquille, ce n'est pas facile d'être nouvelle.

- Mais tu passes tout ton temps avec elle, moi je n'existe plus ! Il faut que tu choisisses, c'est elle ou moi.

- Désolée Solène mais ce n'est pas à toi de choisir mes amis, et je préfère rester avec ma classe.J'étais à la fois triste et énervée.

Je suis allée sécher mes larmes aux toilettes avant d'aller en arts plastiques. Iris a tout de suite vu que ça n'allait pas.

- Tu veux faire des gribouillis sur une feuille ? Ca m'aide à me calmer quand je suis en colère, m'a-t-elle proposé.

J'ai d'abord eu l'impression qu'elle se moquait de moi, mais le fait d'écraser des craies avec elle sur le morceau de carton qui traînait m'a un peu détendue.

Il fallait rendre nos travaux, alors nous avons appelé le nôtre « l'orage ».

Le midi, Iris m'a proposé de manger avec elle et Aude. Je leur ai raconté ma dispute avec Anouchka et Clarisse.

- Elles sont méchantes, c'est tout, m'a répondu Iris. Un conseil, oublie-les.

Aude était plus nuancée.

- Tu ne peux pas obliger ta meilleure amie à ne rester qu'avec toi, elle a le droit d'avoir d'autres copines. Tu restes bien avec nous, toi ! Mais c'est vrai que Clarisse pourrait être plus sympa, après vous étiez sûrement très énervées. Attends un peu qu'elles se calment et retourne leur parler, vous pouvez trouver un compromis. Par exemple, vous pouvez écrire une histoire mais avec des images. Comme ça, celle qui aime bien dessiner pourra l'illustrer.

- En attendant, tu peux rester avec nous, m'a proposé Iris.

C'est ce que j'ai fait. Elles ont essayé de me faire rire en racontant des blagues et en imitant nos professeurs. Je n'ai pas grand chose en commun avec elles et pourtant on s'amuse comme si l'on se connaissait depuis l'école primaire.