Mensonges

Chapitre 21 - "Peut-être que j'y serais à temps"

Je ne sais pas du tout dans quelle direction va le bus, mais je sais en tout cas que tant que j'y serais dedans, je serais en sécurité.

Je compose le numéro de mon père. J'entends sonner, mais personne ne décroche. Je recommence. Encore. Au quatrième appel, je tombe directement sur sa messagerie. Ça ne présage rien de bon.

Putain, est-ce que la folle de mère de Natsu a pu s'en prendre à mon père ?

Si Natsu a un flingue planqué chez lui, ça ne m'étonnerait pas que sa génitrice en ait également. Putain de merde. Heureusement que papa a de quoi se protéger en attendant que les forces de l'ordre interviennent.

Le bus ralentit, et je crois reconnaître la place de Shibuya.

Grey.

Lui pourra m'aider. Prendre la voiture de son père. Aller chez moi. Récupérer mon père. Se barrer. Ne jamais revenir. C'est jouable.

Je saute de mon siège et appuie sur le bouton stop. Le bus s'arrête à l'arrêt. J'y descends, et cours à perdre haleine jusqu'à chez lui. Heureusement que mon portable n'est pas trop lent et arrive à me guider grâce au GPS.

Une voiture klaxonne. Surprise, je fais un bond de côté. C'est Grey au volant. Soulagée, il s'arrête près de moi et je saute dans la voiture.

- Chez moi, vite, je lui ordonne en bouclant ma ceinture.

Il démarre et me regarde en coin.

- Lucy, merde, il se passe quoi ?

- C'est la merde. Accélère.

Il ralentit dans mon quartier. Natsu ne connaît pas la bagnole. Par précaution, je jette un regard circulaire dans la rue. RAS. J'ouvre la portière et Grey fait de même.

- Non. C'est dangereux.

- Raison de plus pour que je t'accompagne.

- Non, j'ai besoin de toi ici. Tiens toi prêt. Dès que tu me vois, chauffe le moteur. On devra...S'en aller, très vite. Ok ? Et préviens moi par message si tu vois des gens arriver. Ok ?

Il hoche la tête. Je l'adore. Heureusement que je l'aie, sinon je ne vois pas comment je m'en serais sortie.

- Je t'expliquerai tout après. Fais moi confiance, s'il-te-plaît.

- Je t'ai toujours fait confiance, Lu'.

Je souris malgré moi, touchée par ses paroles. Je me penche vers lui et l'étreint brièvement.

- Je t'aime, je lui murmure au creux de l'oreille.

- Moi aussi. Sois prudente. Reviens vite. Et entière.

J'acquiesce et quitte la présence réconfortante de Grey et de sa voiture pour courir jusqu'à ma maison, froide et inquiétante. Nous ne nous sommes pas garés tout près, par précaution. Et je n'avais rien vu. Là, à l'entrée du portail, des cadavres d'hommes en noir jonchent le jardin. Du sang. La mort. Des balles. La mort. Du sang. La mort.

En tremblant, je m'avance.

Il me faut une arme. Me protéger. Me cacher. Où trouver une arme ?

Mes yeux tombent d'eux-mêmes sur un homme allongé sur le ventre. Sous sa veste, une crosse de revolver se dessine. Je m'approche. Écœurée, je l'attrape du bout des doigts.

L'arme est lourde dans ma main. Elle sent la mort. Je défais le cran de sécurité et la charge.

J'espère ne pas avoir besoin de m'en servir.

D'ailleurs, je suis moi-même étonnée de savoir utiliser ce flingue. Grâce aux films ?

Je tire le chien, et me dissimule dans l'ombre des arbres. Le jardin est silencieux. Dans la maison, j'entends plusieurs détonations.

Je déglutis. Suis-je vraiment prête à affronter tout ça ?

Pas le temps de réfléchir : je suis obligée. Si je veux sauver mon père, et trouver les réponses à mes questions. Questions que je refuse encore de me poser.

Tout va trop vite. Beaucoup trop vite.

J'ai envie de vomir.

Je souffle profondément et me faufile aussi discrètement que possible dans ma maison dorénavant bien lugubre. Je garde l'arme bien serrée dans mes paumes.

Je rentre grâce à la porte de derrière qui n'est bizarrement pas verrouillée, et tends l'oreille.

Tout est silencieux. Beaucoup trop silencieux.

Je déglutis et continue ma progression.

J'enchaîne différents couloirs, sur la pointe des pieds, en apnée pour que personne n'entende ma respiration. Très mauvaise idée : la tête commence à me tourner. Ou alors est-ce à cause de la situation ?

Putain.

Au bout d'un moment, lorsque j'arrive à l'étage, des voix diffusent me parviennent.

Sur la pointe des pieds, je m'approche de la porte ouverte du bureau de mon père.

Rapidement, je jette un œil dans la pièce.

Papa est assit sur la chaise de son bureau, visiblement abîmé.

Son visage est tuméfié et ensanglanté. Face à lui se tient une femme.

Jane.

Ou Jēn.

Bordel de merde. La famille Dragneel est timbrée.

Telle mère, tel fils.

- Si tu savais comme j'ai attendu ce moment, Judy, susurre-t-elle, mielleuse.

Elle tourne autour de mon père, un revolver à la main, qu'elle caresse distraitement.

Ils sont trop concentrés l'un sur l'autre pour remarquer ma présence derrière le mur du couloir. Le dos appuyé contre le fin mur qui sépare mon père et cette folle de moi.

Je devrais l'aider, mais comment ?

Certes, je suis armée, mais je ne sais pas visée. Et elle sait sûrement se servir de son flingue. Sacrifice inutile, bye bye papa.

Non, je dois trouver un moment où elle sera dos à moi, et qu'elle ne fera pas attention à ce qui se trouve autour d'elle. Et ce, bien sûr, avant qu'elle ne descende mon géniteur.

Je me mords la lèvre et tends l'oreille, maîtrisant au mieux ma respiration.

- À ma merci.

Je l'imagine glisser sa main sur l'épaule de mon père, un sourire jusqu'aux oreilles.

- Finalement, tous tes hommes n'auront rien pu faire contre moi. Même pas les douze d'Or. Morts, comme les autres...C'est dommage, tu ne trouves pas ?

Les douze d'Or ?

- Je regrette seulement que la plus précieuse ne soit pas ici. Mais ne t'inquiète pas, Judy, je m'occuperais d'elle dès que j'en aurais terminé avec toi.

- Alors termine ce pour quoi tu es venue.

- Oh non, pas comme ça...Ce serait trop simple. Non, laisse moi d'abord te raconter une histoire. Celle qui a débuté il y a vingt ans et qui nous a conduit ici.

- Ce que tu as à me raconter ne m'intéresse pas.

J'entends un bruit sourd. Je devine qu'elle vient de frapper mon père, car elle grogne « Tais toi, sale chien. ».

- Non, Judy, non...Je veux que tu comprennes ce que j'ai ressenti. Ce que je ressens en voyant ta sale gamine ! Je vais la détruire, comme tu m'as détruite !