LE LENDEMAIN, je me retrouvais devant chez Gloria, assez nerveuse. Ma mère avait accepté, étrangement, ce qui me fit comprendre qu'elle avait ingéré une potion qui lui ramollissait le cerveau, ou alors qu'elle était amoureuse.
Olivier avait préféré ne pas venir. Il passait la soirée avec des garçons de notre classe que je n'appréciais pas plus que ça, "un truc cool sans prise de tête" avait-il dit. Plus ça passait, moins il faisait d'efforts pour que nous passions du temps ensembles. Et comme je n'en avais jamais vraiment, nous ne faisions plus grand chose. Le genre de couple qui mourait parce que personne n'entretenait le feu.
Gloria fut surprise de me voir. Elle avait une trace de rouge à lèvres sur la joue, des paillettes plein les paupières et un bandana rouge qui tranchait joliment avec ses mèches blondes.
"Tiens, t'es là, toi, constata-t-elle avec un certain dépit.
- Benjamin t'a pas dit ?
- Que ? Vous vous étiez vus hier ? Si. Que t'allais passer aujourd'hui ? J'y croyais pas une seconde. T'es vraiment le genre de meuf à rester sous sa couette devant un film, et j'dis pas ça parce que tu picoles pas."
Elle m'invita à entrer puis referma la porte et poursuivit :
"Genre, y'a quatre types de personnes. Les casaniers qui boivent pas. Toi. Les casaniers qui se mettent une grosse race quand ils ont le courage de sortir. Déo. Ceux qui boivent pas mais qui aiment bien sortir. Ben. Et ceux qui picolent et qui sortent quand ils peuvent. Moi.
- Et y'a que quatre types de personnes seulement ?
- C'est l'idée."
Ce qui était bien, avec les gens qui picolaient et sortaient quand ils le pouvaient, c'était qu'ils étaient locaces après deux verres.
"Le copain de Déo est là ? demandai-je alors, voyant cette dernière qui fumait à la fenêtre.
- Pense-tu. J'avais pas envie de l'inviter mais bon, il se serait pointé de toute manière. Trop de parasites dans cette soirée."
Déotile parlait énergiquement avec une fille que je ne connaissais que de visage. De longs cheveux ondulés qui oscillaient entre le roux et le châtain, des yeux verts et une forte poitrine. Très jolie, je devais bien le reconnaître.
"Bon, c'est pas que j'ai pas envie de te parler, mais j'ai soif."
Et la blonde me planta là, totalement perdue. Je cherchais une face connue mais j'affrontais la réalité : Gloria connaissait beaucoup plus de personnes que moi. Alors que j'étais en train de réunir le courage nécessaire pour faire la conversation à une fille qui me paraissait sympa, j'entendis quelqu'un glisser à côté de moi :
"Tu paries combien que Déotile va choper Joséphine ?"
Je me tournais vers la voix, médusée. Benjamin affichait un sourire goguenard face à ma stupeur.
"C'est qui, Joséphine ?
- Bin, tu la mates depuis tout à l'heure, je crois que tu sais qui c'est. Je te savais pas de ce bord là, d'ailleurs ?
- J'ai un copain, je suis pas lesbienne, lui rappelais-je."
Il me répondit avec l'index levé :
"People are bi, Steven."
Puis, il fourra ses mains dans les poches avant d'annoncer avec un grand sourire :
"Je suis content que tu sois venue.
- Déotile est bi ? m'étonnai-je.
- Bin, pas que je sache, parce qu'elle m'a jamais dit qu'elle l'était, mais bon, pour ta gouverne elle lâche ses meilleures pelles à Joséphine en soirée.
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La nuit pleure aussi.
Fiksi RemajaLe bonheur, pour Astrée, c'est quelque chose de très simple. Le bonheur, pour Benjamin, c'est que des trucs qu'on voit dans les chansons.