J'AVAIS TRES probablement passé un des pires week-end de ma vie, puisque je n'avais pas adressé la parole à Justine du séjour. J'avais encore en travers de la gorge ses remarques déplacées.
Olivier avait profité du week-end pour sortir un peu avec ses camarades et je n'avais eu aucune nouvelle. Ca ne m'énervait même pas.
J'avais réellement envie d'être seule ; si Justine avait espéré me faire changer, elle n'avait réussi qu'à m'enfoncer encore plus. La seule personne à qui je voulais parler était Benjamin. Mais il ne le voulait pas. Alors je m'enfermais dans ce cercle terrible de l'isolement.
Déotile ne semblait même pas s'en inquiéter. Tout ce qui ne la concernait pas ne l'inquiétait pas, de toute manière. Je compris alors que je pensais avoir une amie mais que je n'étais rien pour la brune. Mes amitiés étaient factices. C'était extrêmement frustrant de savoir ça.
A table, ma mère me racontait quelques histoires sur les gens de l'hôpital, tout en prenant soin de garder le secret médical.
"Il y a cette petite, elle me fait de la peine, Astrée, tu sais. Personne vient la voir, elle est maigre comme un clou, j'ai l'impression qu'elle va bientôt mourir, tu sais.
- C'est pour ça qu'elle est là, non ?
- Oui, bien sûr..."
Ma mère triturait sa serviette, comme si elle n'osait pas me demander quelque chose.
"Personne vient la voir, sauf une fois un couple d'amis, mais ça a assez mal fini. Alors elle relit ce même livre jusqu'à le connaître par coeur, parce qu'elle a que ça. Tu sais, je crois que ce qui va la tuer, c'est pas sa maladie, c'est la solitude."
Encore ce mot qui me fit l'effet d'un poignard.
"Tu devrais aller la voir, fit-elle finalement, se tirant de la contemplation du verre de vin qui lui faisait face.
- Je la connais même pas, si ?
- C'est peut-être mieux pour toi, non ?"
Je n'étais pas foncièrement d'accord. Mais de toute manière, je n'avais rien de mieux à faire, étant donné que je n'étais plus l'objet des curiosités de Maia, Cynthia et Giselle.
"Si tu veux, capitulai-je."
C'est ainsi que je fis la rencontre de Raphaëlle.
Raphaëlle masquait sa maigreur terrible comme elle le pouvait, mais elle avait les joues creusées et ça elle ne pouvait pas le cacher. Les yeux cernés, les cheveux toujours tirés en un chignon qui lui donnait dix ans de plus, j'avais peine à croire qu'elle était plus jeune que moi.
Nous prenions parfois une boisson chaude du côté de la machine à café. Elle se contentait souvent d'un infâme expresso qu'elle ne sucrait même pas.
Elle ne parlait pas beaucoup, ce qui ne m'arrangeait pas parce que je n'étais pas très douée pour faire la conversation. Souvent, elle exprimait son envie de sortir. Des fois, elle s'énervait contre ses proches. L'entendre dire ça me brisait le coeur un peu plus fort que je ne l'aurais cru. Je ne la connaissais que par le biais de l'hôpital, mais je lui portais une affection que je n'avais moi-même pas soupçonné.
"T'as pas une clope ? demanda-t-elle un jour où nous étions assises sur son lit."
Je n'avais pas répondu. Je ne voulais pas me lancer dans un débat "t'es pas censée fumer, vu ton état. Je sais très bien que tu fumes parce que c'est coupe-faim".
Et puis elle m'a regardée, avec ses grands yeux pleins de fatigue.
"Tu sais, ma copine, elle fume beaucoup beaucoup, et elle a un appétit de dingue. C'est drôle. Une fois, on a pris des burgers pour les manger dans le parc, et elle a fini le sien alors que j'avais à peine commencé le mien. Du coup je lui ai donné, ça lui faisait plaisir. Et elle a quasiment fini mes frites, aussi. En fait, j'ai mangé que mon coca."
Elle racontait ça comme si sa stupide anorexie ne l'avait pas poussée à donner son burger à sa copine parce qu'elle était incapable de le finir.
"Je sais pas pourquoi elle est toujours pas venue..."
La tristesse marquait sa voix. Une certaine pointe de regret, comme si elle s'accusait elle-même. Quelque chose que je pouvais comprendre, en soi.
"Je crois qu'elle a peur de moi, en fait. Comme si le fait de me savoir malade, c'était contagieux. Comme si le fait de savoir que j'allais peut-être en mourir, ça allait la tuer avec moi."
Raphaëlle serrait sa couverture entre les doigts jusqu'à s'en blanchir les phalanges.
"Moi non plus, j'ai pas vraiment d'amis, si ça peut te rassurer."
Elle eut un sourire amer avant de me regarder.
"Moi c'est pas que j'en ai pas vraiment. J'en ai plus. Parce que je suis malade. C'est comme si être malade, c'était devenu mon trait de personnalité. Je ne suis plus Raphaëlle, je ne suis plus drôle ou intelligente ou la bonne copine, je suis juste l'anorexique à l'hosto."
Avant de jeter un regard mélancolique à la fenêtre, la jeune fille ajouta :
"C'est dur à croire, mais avant d'être malade, on reste humain. Et être réduit à ce dont on souffre, c'est humiliant."
Elle avait l'air si fragile, dans ses mots, dans ce corps si frêle, que j'avais envie de la serrer dans les bras.
Mais son discours présentait une force que je n'aurais jamais.
Je compris alors ce qu'elle me disait.
Son discours me heurta, mais surtout son discours me fit réagir.
Il fallait que j'envoie un message à Benjamin.
j'ai compris que c'était pas cette histoire qui me « saoulait » mais bel et bien Astrée en écrivant ce chapitre pcq Raph............, <3
bref...., du coup oui c'est elle l'Astrée qui tient compagnie à Raph dans DV lol sorry pour le spoil de toute manière vous pouvez pas lire un de mes bouquins sans que ça spoil un peu un autre mdr c'est mal fichu cette affaire
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La nuit pleure aussi.
Novela JuvenilLe bonheur, pour Astrée, c'est quelque chose de très simple. Le bonheur, pour Benjamin, c'est que des trucs qu'on voit dans les chansons.