17. une quiche et un 'à demain'.

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    JE FIXAI mon téléphone. Ce que je faisais en continu depuis deux jours. Benjamin avait lu mon message mais ne répondait pas. J'avais abandonné.

    Pour l'anniversaire de Raphaëlle, j'avais été dans une petite boutique de bijoux qui vendait des boucles d'oreilles en argent pas chères. J'avais choisi une paire de croissant de lune, que je trouvais assez jolie et un peu poétique.

    Et puis, alors que j'allais sortir en quête de mes cadeaux de Noël, mon écran s'alluma comme par magie.

    "salut Astrée, indiquait le message. Je suis désolé de pas avoir donné des nouvelles, j'avais beaucoup de problèmes dont j'ai pas très envie de parler surtout par téléphone. Tu veux qu'on aille se choper un muffin dans l'aprem' ?"

   Je ne sus pas tout de suite quoi répondre. Parce que je n'avais pas envie d'être à sa disposition. Mais j'estimais mériter des explications sur ce silence qui avait duré plus d'un mois.

    Alors j'approuvais.

    Et dans l'après-midi, je me rendis dans le café, le coeur battant. Il était déjà là.

    Le revoir me donna l'impression d'avoir le coeur qui me tombait dans les chaussettes.

    Il écrivait dans un carnet A5 ; ceux qu'on achetait dans les boutiques d'art pour gribouiller des bonhommes aux mains en fleur. Mais il ne griffonnait pas, lui, il écrivait à toute allure, comme s'il courait après les mots avant qu'ils ne s'envolent.

    Son café fumait encore devant lui. Je posais le plateau que m'avait donné le serveur juste devant lui, histoire de le réveiller.

    "Oh, salut."

    Il portait un pull vert trop grand qui lui tombait sur les doigts et n'avait pas été voir le coiffeur depuis la dernière fois que je l'avais vu.

    "Ca va ? demandai-je, parce que c'était la première chose qui me venait à l'esprit.

    - Mieux.

    - Qu'est-ce qu'il se passait ?"

    Il fourra son carnet dans son sac à dos usé et me coula un regard qui voulait dire désolé.

    "Un tas de trucs que tu trouverais ridicule.

     - C'est pas ridicule, si ça te fait aller mal.

    - Tu sais, Astrée, c'est très gentil de t'inquiéter, mais j'ai pas besoin d'une troisième mère. Parce qu'entre ma daronne et ma tante, je suis vraiment servi.

    - Ta tante ?

    - Ouais, j'vis chez elle. Ma mère...c'est compliqué.

    - Si je suis venue c'est peut-être pour que tu m'expliques."

    J'avais employé un ton froid et assez ferme qui me surpris assez.

    "Je vis chez ma tante, parce que ma mère est trop instable pour s'occuper de moi. Depuis que mon père l'a quittée, et c'est pire depuis cette année.

    - Instable genre...?

    - Elle est sous anti dépresseurs, là."

    J'eus le souffle coupé.

    "Et toi, tu vas bien ?

    - Comme je te l'ai dit, mieux."

    Il soupira.

    "Je veux pas parler de moi, Astrée. J'en ai marre de parler de moi, de devoir dire que tout va bien. Tu peux comprendre ça, non ?"

    Je me rappelais des paroles de Raphaëlle. lls étaient plus que leur maladie. En l'occurence, lui n'était peut-être même pas malade.

    "Du coup, toi et Olivier. C'est cool. Enfin, c'est cool, non ?

    - Tu connais Olivier ?

    - Un peu, ouais, par Glo, du coup. D'ailleurs, Glo fait une soirée demain, si t'as rien de prévu, tu peux toujours faire coucou.

    Sa proposition me toucha beaucoup.

    "Je crois pas que ta cousine m'aime beaucoup.

    - T'es mon invitée, ça passe."

    Je ne savais pas si ça passait, mais j'étais prête à faire l'effort nécessaire pour renouer les liens avec Benjamin. Il avait sûrement du prendre beaucoup sur lui pour proposer un café.

    Nous continuâmes à parler un peu ; je prenais soin de parler de choses qui ne pouvaient globalement pas le froisser, comme le dernier film que j'avais regardé. Après avoir jeté un oeil à l'heure sur son téléphone il finit par dire :

    "Bon, j'vais y aller si je veux manger correctement ce soir.

    - Pourquoi ?

    - Ma tante est partie voir ma mère. Du coup si je veux manger, j'ai intérêt à me démerder parce que Gloria refuse catégoriquement de cuisiner depuis qu'elle a fait cramer une quiche, qui avait des grumeaux soit dit en passant."

    J'étranglais un rire ; plus Benjamin me parlait de sa cousine, plus je regrettais que celle-ci ne m'apprécie pas. Elle avait l'air d'être un personnage haut en couleur et avec qui c'était impossible de s'ennuyer.

    "On se voit demain ? insista-t-il. T'as l'adresse, non ?

    - Ca marche, à demain."

    Il se leva et allait partir, puis finalement, me jeta un regard avant de lâcher avec difficulté :

    "Ca m'a fait plaisir de te revoir.

    - Moi aussi, Ben, moi aussi."

    Il avait l'air si épuisé que j'avais envie de le prendre dans les bras. Mais je me doutais que ce n'était pas une bonne idée et le regardais partir, regrettant mon impuissance.

l'homme le plus attendu du bouquin est enfin de retour

La nuit pleure aussi.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant