EN COURS, Déotile semblait s'effacer chaque jour un peu plus. Je ne pouvais m'empêcher de faire le lien avec son copain. Déjà qu'en temps normal, elle avait toujours été du genre à se renfermer sur elle-même, elle ressemblait à ce jour à un petit animal pris au piège et n'adressait la parole à personne.
Ce qui surpris relativement Théa, sa voisine de TP. Si les deux filles avaient une entente plutôt cordiale, à échanger des banalités et à se faire rire de temps à autres, il y avait de plus en plus de jours où Déotile lui répondait à peine.
Ca me faisait de la peine pour Théa de voir ça : c'était une gentille fille Théa. Un peu gauche, maladroite, très timide, mais une gentille personne. La prof d'anglais l'adorait, parce qu'elle avait un bon accent, une bonne maîtrise des mots et qu'en plus elle était très douce et au lieu de bavarder, faisait des petits gribouillis le long de la marge quand elle s'ennuyait.
Olivier et moi nous étions installés dans un coin du CDI pour travailler notre compte-rendu de TP et je fixais le duo du coin de l'oeil. Déotile, totalement renfrognée sur elle-même, avait les bras croisés et un air presqu'hostile.
"Tu la trouves pas bizarre, Déotile, en ce moment ?
- Je sais que c'est ta pote, Astrée, mais sérieux, moi, Déotile, je pense qu'elle est bizarre.
- Comment ça?"
Olivier fit tourner son stylo bic entre ses doigts.
"Elle est pas heureuse, c'est tout. On fait tous un peu semblants d'être heureux et elle y arrive moins que nous.
- Tu penses que Théa est malheureuse, elle aussi ?"
Olivier porta son regard vers la petite brune, son épaisse monture noire et son chemisier vert d'eau.
"C'est pas impossible.
- Moi je la trouve heureuse, elle rigole tout le temps.
- Elle rigole tout le temps aux blagues de Gaudin, me corrigea-t-il. Elle est à fond sur lui, ça crève les yeux.
- Ah bon ?"
De tout les garçons de ma classe, Timéo Gaudin aurait été un des derniers mecs à m'intéresser. Je le trouvais immature, insipide et long à la détente.
"Et lui ?
- Je sais pas, il doit être surpris qu'une fille s'intéresse à lui, oui."
Je jetais un dernier regard au duo et Déotile, dont le comportement m'intriguait réellement. J'avais peur qu'elle se fasse du mal, qu'il y ai un problème.
"Bon, allez, on s'y remet."
Je savais que quelque chose ne tournait pas rond, ces derniers temps. Ca sentait mauvais, ça puait les bandages qu'on s'enroulait autour des poignets pour faire s'arrêter le sang de couler, ça empestait la pharmacie et les antidépresseurs colorés. Je ne savais pas d'où ça venait, mais j'étais persuadée que dans mon entourage, quelque chose ne tournait pas rond.
Peut-être était-ce Maia ; elle semblait ne jamais se confier et aimer afficher cette mine suffisante de femme indépendante. En plus, de ce que je me souvenais, elle ne portait que des manches longues.
C'était de la curiosité malsaine. Il fallait que je me reprenne.
Olivier agita son crayon sous mes yeux, l'air de me rappeler à l'ordre.
"Eh, Astrée, t'as besoin d'un café ?
- Non, c'est bon.
- Tu sais quoi, c'est pas grave, je ferais le TP moi-même, on va profiter de cette heure pour aller se boire un café tranquillement. Ca te va ?
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La nuit pleure aussi.
Novela JuvenilLe bonheur, pour Astrée, c'est quelque chose de très simple. Le bonheur, pour Benjamin, c'est que des trucs qu'on voit dans les chansons.