La Mascarade des Damnés - Tome 2 La chute de l'ange

Les faiblesses du passé - Partie 2

"Des cheveux noirs corbeau dans une flaque de sang... Des lunettes brisées... Un  carreau de carrelage blanc avec un point bleu dessus, comme de l'encre mal effacée..." avait dit la sorcière.

Ces mots tournaient en boucle dans la tête de la jeune femme alors que la voiture tournait brusquement dans l'une des routes proches du complexe universitaire. Un crissement de pneu et une queue de poisson plus tard, Ambre était de retour dans la rue de son ancien domicile. 

Maxon était certainement beaucoup de choses, un sacré casse pied moralisateur en tête de liste, mais il fallait bien lui reconnaître le talent de la conduite sportive. Le duo de vampire avait traversé presque un quart de la ville en moins de quinze minutes sans faire le moindre accident et c'était déjà un miracle en soit. La nouvelle-née priait en silence pour un second : "que Dona se soit trompée dans sa prédiction".

— C'est là ! S'écria Ambre freinant sur une pédale invisible. Arrêtes toi ! Maintenant !

Elle frappa désespérément contre la portière passager de l'espère ce jeep qui leur servait de véhicule.

— Ambre ! Hurla à moitié Maxon qui essayait de calmer sa compagne tout en gardant un œil sur la route. Je me gare et on y va ensemble, s'il y a vraiment un chasseur, tu n'es pas prête à l'affronter seul ! Et imagine que ce soit un piège pour t'attirer ici ? Ça attirerait trop l'attention des humains si... Bordel ! Ambre !

Le vampire ne put même pas exposer son plan que la jeune femme s'était déjà jetée par la portier, pour la seconde fois en une semaine. La voiture de derrière pila brutalement pour éviter la collision, surement avec succès vu l'absence de choc et de cris.

L'agent Walpurgien fit volte face pour observer par sa vitre arrière, aussi furieux qu'inquiet. Bon, au moins il n'aurait pas à expliquer pourquoi sa passagère s'était écrasée sur le par-brise et s'était relevée sans mal une seconde plus tard, car elle détalait déjà comme un lapin dans la contre-allée, apparemment indemne. Le vampire croisa les yeux choqués de la conductrice arrière encore tétanisée sur son volant.

Mais bien-sur Ambre, vas y, et laisse moi gérer les explications. Une femme qui se jeté hors d'une voiture en marche on voit cela tous les jours, n'est ce pas ?

— J'ai jamais su m'y prendre avec les nouveaux-nés de toutes façon... Soupira Maxon en quittant son véhicule pour gérer cette entorse au règlement. 

Il prit son plus beau sourire alors que la conductrice baissait sa vitre sous le choc.

— Bonsoir chère Madame, dit l'agent en dévoilant sa dentition impeccable.

Ambre se rua dans la cage d'escalier menant à son ancien appartement, manquant d'arracher la porte d'entrée au passage. Les Walpurgiens n'étaient peut-être pas très forts par rapport aux autres vampires, mais ils l'étaient bien assez pour dégonder une porte de mauvaise qualité jamais entretenue. Les deux suites d'escaliers menant aux étages lui paraissaient maintenant simples à monter qu'elle ne devait plus respirer, et elle fut au sommet en un instant. Si elle n'avait pas été si angoissée, la jeune femme aurait sans doute profité de chaque moment de nostalgie que lui offrait la découverte de son ancien lieu de vie. Jamais elle n'aurai cru que ces murs à la peinture passée et ses couloirs sans vie lui manqueraient autant.

Puis un bruit de verre brisé au sol, une question et des pleurs étouffés lui parvinrent de l'étage supérieur à travers le planché. Tous ces sens en alerte, la vampire prit une seconde pour confirmer sa crainte, deux battements de cœurs distincts lui parvenaient aux oreilles, dont un avec trois pulsations.

Chasseurs, hurla son esprit. Il n'y a qu'un appartement habité à l'étage. Esther.

— Éloigne toi d'elle immédiatement ! Hurla Ambre en pénétrant dans l'appartement.

Sa colocataire se traînait dans son sang, sanglotante, les avant-bras lacérés, et le souffle court. Elle laissait de longues traces rouges sur le carrelage blanc, imprégnant la pièce d'une odeur ferreuse alléchante, et son regard était devenu un long supplice. Face à elle, dans son manteau gris caractéristique, une femme d'âge mure armée de deux couteaux de combat sanguinolent s'affairait avant de se figer.

Étonnement, la vampire trouva cette scène plaisante et ses crocs sortirent de leur propre volonté, prêt à en découdre.

— Parfait, deux pour le prix d'une. Sourit la femme en se détournant d'Esther. Je commence par la sangsue, ne bouge pas ma jolie je reviens tout de suite. Alors c'est toi le rejeton qui se balade en ville ?

— Laisse là tranquille, espèce de dingue. 

La voix d'Ambre claqua comme un fouet, alors que le sang se mua en dards au bout de ses doigts. Sa cible plongea en avant, esquivant de fait, et tenta de taillader la vampire.

— Ambre ? Fit Esther stupéfaite entre deux assauts de la chasseresse.

— Je vais tous t'expliquer ! Tenta la vampire en esquivant et attaquant une nouvelle fois. Promis !

Mais c'était peine perdue, déjà, elle pouvait lire l'horreur à sa vue de son amie. Une immense tristesse l'envahit alors, et elle n'anticipa pas que la guerrière se jette sur elle.

Les deux femmes luttèrent au sol un long moment, et finalement, la chasseresse finit par se hisser sur Ambre une lame en direction de son cou. La vampire sentait les forces commencer à lui faire défaut, elle avait user de beaucoup de sang en peu de temps et elle pouvait quelque chose courir dans ses veines.

— Alors, prête à retourner parmi les zombies ? Sourit la chasseuse.

— Laisse là ! Hurla Esther en se ruant sur l'assaillante maladroitement.

La pauvre petite se prit le coup de poing de sa vie et alla rouler au sol un peu plus loin. Par chance cela avait suffisamment distrait son adversaire pour que la jeune femme prenne prise. Ambre usa de toute sa force surnaturelle pour la jeter aussi loin d'elle que possible. La chasseuse se retrouva projetée dans les airs et finie sa course contre le meuble de cuisine, à l'opposée de son arme. En une seconde elle sauta sur ses pieds et se rua derrière les meubles, commençant à fouiller.

La vampire se mit difficilement sur un bras, une douleur aiguë la prenant de la jambe jusqu'à mi-coté. L'adrénaline l'aida à se redresser, elle verrait pour ses blessures plus tard. 

Qu'allais elle bien pouvoir trouver maintenant ? Le mixeur ? Un couteau de cuisine ? 

La silhouette se redressa derrière l'îlot central, aussi fière que combative. C'était un tire-bouchon qu'elle brandissait maintenant.

— Sérieusement ? Fit la vampire en soulevant un sourcil à la vue de "l'arme" de la guerrière.

— Pas ma faute c'est tous ce qu'il y avait en argent. Lança la chasseuse en crachant du sang au sol. T'inquiète, je sais m'en servir, damnés. Avec ça je vais te renvoyer dans ton enfer.

Ambre jeta un regard rapide sur Esther, celle-ci se tenait toujours les avant-bras et lui jeta un regard désolée :

— Je l'ai gagné au bière pong... Essaya elle de justifier sans comprendre pourquoi.

La chasseuse fit un étrange moulinet, maniant l'ustensile comme si c'était un couteau, et se mit en position de combat. Avant que la vampire n'ait le temps de comprendre, l'humaine se jeta alors sur elle avec toute la détermination et la colère de la création. Espérant embrocher son adversaire par surprise, elle manqua de peu, une chance, mais laissa une profonde cicatrice sur l'estomac de la vampire. Blessure qui commençait déjà à se refermer.

— Cette robe n'était pas à moi ! Pesta Ambre. Cette soirée vraiment commence à me gonfler !

Il n'était pas question qu'elle meurt ce soir, pas par la main d'un de ces salauds, et certainement pas à cause d'un foutu tire-bouchon en argent !