Une fois chez moi, je demande à Léa de me laisser seule. J'ai besoin de réfléchir sur ce qui s'est passé ce matin et de remettre de l'ordre dans mes idées. Le point de départ de ma réflexion est le suivant: j'ai embrassé Elena et j'ai aimé. Rien que de me l'avouer, ça me fait pleurer. J'ai toujours flirté avec des hommes, mais voilà qu'elle m'embrasse et remet complètement en cause ce en quoi je croyais jusqu'à maintenant. Depuis toute petite, je pense dur comme fer être hétérosexuelle, mais ce sentiment nouveau que j'ai ressenti au contact de ses lèvres, me fait douter. J'en viens à me demander s'il est possible que je ressente cela pour d'autres femmes ou si c'est seulement Elena qui me fait cet effet. Dès le début, j'ai été intriguée par ma supérieure, au premier regard j'ai su qu'elle impacterait ma vie, mais j'ai pensé que ce serait sur le plan professionnel et non sur le plan émotionnel.
Alors, maintenant, j'ai peur de ce que je ressens, peur de me redécouvrir, ou plutôt peur de me connaître. Je ne veux pas remettre ma sexualité en question et refuse d'accepter la situation. J'ai très bien vécu jusqu'ici, alors pourquoi tout chambouler ?
Je préfère penser que ce baiser était juste une expérience, un brin de folie dans ma vie monotone. Si mon cœur a battu à ton rompre, je me convaincrai que ce n'est pas pour elle, mais que c'était seulement une réaction instinctive lié au caractère inattendu du baiser.
C'est décidé, je ne veux plus la voir, même pour le travail. Être à son contact me rappellera sans cesse que j'ai aimé le goût de ses lèvres, et ça, je ne peux pas le supporter. Je dois rester à l'écart, ainsi je préserverais la personne que j'ai toujours cru être, ou plutôt la femme que je suis réellement.
****
Il est midi, cela fait environ deux heures que je suis assise sur mon fauteuil à ne rien faire. En vérité, si, je fais bien quelque chose, je tente par tout les moyens de me sortir Elena de la tête, mais à force d'essayer, je ne fais que remuer le couteau dans la plaie, et repense sans cesse au baiser échangé. Finalement je m'allonge sur mon lit en espérant dormir un peu.
Alors que je m'endors, je suis obligé de sortir du lit lorsque quelqu'un tambourine à ma porte. Je me dirige vers celle-ci mais ne l'ouvre pas, je demande qui est là d'une voix inquiète, et la seule réponse qui me parvient est : « C'est moi ». Je n'ai pas besoin de plus pour reconnaître la voix de ma supérieure. Je me décompose sur place, prise par la panique ; je fais un pas en arrière et tombe sur les fesses lorsque je me prends les pieds dans le tapis. Un bruit sourd se fait entendre et l'inquiétude semble gagné Elena derrière la porte. Elle m'appelle une première fois, hésitante, puis lorsque qu'aucune réponse ne lui parvient, elle crie une nouvelle fois mon nom. De mon côté, je reste figée, bien incapable de dire quoique se soit. Derrière cette porte se trouve la seule personne que j'ai réellement aimé embrasser, et la savoir si près me rend nerveuse et m'empêche de parler. Toujours sans réponse, Elena tambourine de nouveau à la porte, mais cette fois-ci avec plus de force, plus de rage, plus de peur. Elle a dû croire que je me suis évanouie pour réagir ainsi. Alors, malgré mes jambes qui ne me portent plus et les mots qui ne sortent plus, je me hisse tant bien que mal jusqu'à la porte et pose la main sur la poignet qui s'affaisse. Comprenant ma présence derrière la porte, ma supérieure se calme peu à peu et m'appelle d'une voix douce pour s'assurer que je vais bien. Je ne dis rien mais donne signe de vie en toquant contre la porte. Elena comprend que je ne parlerai pas, alors elle me demande de suivre un code : un toc contre la porte pour dire non et deux toc pour dire oui. J'accepte sa demande et attends quelle prenne la parole.
- Avant tout, j'aimerais m'assurer que tu ailles bien physiquement, alors s'il te plaît répond moi par un ou deux coups.
Je rétorque avec deux coups sur la porte.
- Très bien, maintenant, est-ce que moralement ça va ?
Je tape une seule fois. Il est clair que non, ça ne va pas.
- Est-ce à cause de moi ?
Oui, deux coups.
- C'est à cause du baiser, n'est-ce pas ? Je suis vraiment désolée, je n'au...
Je la coupe en toquant une seule fois.
En y réfléchissant, le baiser n'est pas le problème, le bémol c'est ce que j'ai ressenti pour elle à cet instant. Et si c'est à cause d'elle que je suis mal, c'est seulement parce qu'elle a mit mon cœur et ma raison à rude épreuve.
- Je ne comprends pas, reprend-t-elle. Si ce n'est pas le baiser, qu'est-ce que c'est ?
À cette question, je peux répondre ni par oui ni par non. Il va falloir que j'utilise des mots. D'une voix tremblante, presque inaudible je m'aventure à lui donner une réponse.
- Je... J'ai.. J'ai aimé... tes lèvres...
J'attends quelques seconde qu'elle réplique mais rien, alors même incertaine, je continue.
- C'est toi... la cause de tout ce chamboulement... J'ai si mal au cœur lorsque je pense à toi... c'est incompréhensible pour moi...
J'entends son souffle derrière la porte, il est saccadé comme le mien, alors je suppose que comme moi, elle est entrain de pleurer. Mais pourquoi pleurons-nous ? Je sais pourquoi moi, mais elle, quelle en est la raison ?
- Pourquoi pleures-tu ? lui demandé-je entre deux larmes.
- Parce que tu souffres à cause de moi...
- Non..., essayé-je de la rassurer. Ce n'est pas ça... je ne souffre pas. Je suis juste perdue dans mes sentiments, c'est tout.
- ...
- Elena ?
- hum...
- Pourquoi m'as-tu embrassé ?
- Ce n'est pas une question à laquelle je peux répondre en restant derrière la porte.
- Elena... s'il te plaît, j'ai besoin de savoir.
- Ouvre moi alors.
J'hésite un peu mais je finis par atteindre la serrure et déverrouille la porte. Je me décale de celle-ci après avoir retrouvé l'usage de mes jambes et attends l'entrée de ma supérieure. La porte s'ouvre lentement et laisse apparaître Elena dont les joues à été recouvertes par les larmes. Après être entrée, elle referme la porte derrière elle et me fais finalement face. Elle n'attend qu'une chose, que je lui repose ma question. Alors dans un souffle je lui demande :
- Pourquoi m'as-tu embrassé ?
Elle me regarde avec tendresse, malgré l'humidité de ses yeux. Et entrouvre la bouche pour prendre sa respiration avant de me déclarer :
- Parce que je t'aime.
À cette simple déclaration, mon corps frissonne et mon cœur tambourine davantage dans ma poitrine. Une chaleur nouvelle m'envahit et c'est en sueur que je me réveille de ce rêve si réel.
Assise sur mon lit, j'ai dû mal à y croire, j'ai rêvé d'Elena ou plutôt j'ai rêvé qu'elle me faisait sa déclaration. Le plus dur, c'est de reconnaître l'effet électrisant de ces deux mots « Je t'aime », même si c'était un rêve, les sensations qui emplissaient mon corps étaient si réelles, si agréables. On dit que les rêves sont l'expression de nos plus profonds désirs, est-ce vraiment le cas ? Si c'est bien le cas, est-ce que au fond de moi, je voulais entendre ces mots ? Est-ce que je voudrais qu'elle m'aime ? Si oui, l'aimerai-je aussi ? Je ne sais pas, je ne sais plus.
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Viens sous mon parapluie.
RomanceMargot, jeune femme maladroite et joyeuse, se rend à son premier entretien d'embauche depuis la faillite de son ancien employeur. Expérience professionnelle et parcours scolaire exemplaire à l'appui, elle ne s'attendait pas à se faire rabaisser par...